Traduit de l’anglais. Texte de Konrad Yakabusky publié le 26 janvier 2023 sur le site du Globe and Mail.
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[Récemment], le premier ministre du Québec, François Legault, a pris la parole sur les médias sociaux pour dénoncer « une attaque frontale contre notre capacité, en tant que nation, à protéger nos droits collectifs », après que le premier ministre Justin Trudeau eut déclaré à un journaliste de La Presse qu’il envisageait de demander à la Cour suprême du Canada de se prononcer sur l’utilisation préemptive de la clause nonobstant par certaines provinces.
« L’idée d’avoir une Charte des droits et libertés est de nous protéger contre la tyrannie de la majorité », a déclaré M. Trudeau. « En utilisant la clause dérogatoire de manière [préventive], nous avons réduit les coûts politiques de la suspension des droits fondamentaux. C’est pourquoi je suis inquiet. »
Les commentaires du premier ministre ne visaient pas seulement le Québec. Il a également pointé du doigt le gouvernement du premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, qui, l’automne dernier, a invoqué de manière préventive l’article 33 de la Charte pour protéger d’une contestation judiciaire une loi de retour au travail visant les travailleurs de soutien en éducation. Mais cette loi a été retirée après une réaction publique à la tentative du gouvernement Ford d’interférer avec le droit de grève. M. Ford a dû faire face au coût politique immédiat d’aller à l’encontre de la volonté populaire.
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À la fin de 1981, après que le premier ministre de l’époque, Pierre Trudeau, et les premiers ministres provinciaux, à l’exception de celui du Québec, René Lévesque, eurent approuvé un ensemble constitutionnel qui comprenait la Charte et sa » clause dérogatoire « , le ministre fédéral de la Justice de l’époque, Jean Chrétien, a déclaré à la Chambre des communes : « L’expérience a démontré qu’une telle clause est rarement utilisée et que lorsqu’elle l’est, elle ne prête généralement pas à controverse. »
L’utilisation récente par le Québec de la clause dérogatoire pour soustraire deux lois au contrôle judiciaire réfute cette affirmation. Mais le projet de loi 21, qui interdit à certains employés publics de porter des symboles religieux, et le projet de loi 96, qui étend les protections pour la langue française, sont également très populaires parmi les Québécois. Ainsi, le commentaire de M. Trudeau sur la « tyrannie de la majorité » semble avoir été dirigé spécifiquement vers le Québec.
M. Legault, et je soupçonne la plupart des Québécois, l’ont certainement compris de cette façon.
Pourquoi cette provocation ? Il n’est pas nouveau que la plupart des Québécois considèrent que les droits collectifs, notamment en matière de langue et de laïcité, sont aussi dignes de protection que les droits individuels. Et ils ne se considèrent pas comme tyranniques parce qu’ils le croient. Leurs politiciens ne cessent de leur rappeler que le concept de droits collectifs a été validé d’innombrables fois par les tribunaux européens, et même par les tribunaux canadiens.
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L’emportement de M. Trudeau dans La Presse semble plutôt viser à attiser l’indignation des nationalistes québécois, une tactique politique éprouvée utilisée par les libéraux fédéraux dans la province. Si les Conservateurs devancent actuellement les Libéraux dans la plupart des sondages nationaux, ils sont toujours à la traîne des Libéraux et du Bloc Québécois au Québec. L’augmentation de la popularité de son parti au Québec est le moyen le plus évident pour le chef conservateur Pierre Poilievre de remporter une pluralité de sièges fédéraux lors des prochaines élections. Mais le Bloc lui barre la route.
Le soutien libéral est concentré dans la région de Montréal, où se trouvent la plupart des anglophones, des minorités et des électeurs progressistes de la province, ainsi que dans l’ouest du Québec. Le reste de la province, en dehors des bastions conservateurs de la région de Québec, a connu plusieurs courses serrées lors des dernières élections. Les conservateurs et le Bloc se disputent le même petit électorat conservateur. Tout ce qui aide le Bloc nuit aux Conservateurs. Le commentaire de M. Trudeau sur la « tyrannie » était un cadeau aux bloquistes qui a eu l’effet voulu de déclencher une avalanche d’indignation nationaliste.
Si on ne le savait pas, on pourrait dire que nous sommes à la veille d’une campagne électorale fédérale.
Pour lire l’article dans sa forme originale : https://www.theglobeandmail.com/opinion/article-trudeaus-tyranny-of-the-majority-swipe-at-quebec-nationalists-has/
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