Les déclarations répétées de Donald Trump, suggérant que le Canada pourrait devenir le 51ᵉ État, ont provoqué de nombreuses réactions. Les Canadiens anglais et les fédéralistes québécois ont soudainement affiché un élan patriotique pour défendre la « souveraineté » canadienne contre l’impérialisme américain. Pourtant, les arguments avancés pour défendre cette « identité » canadienne semblent souvent manquer de profondeur. Voici pourquoi.
Le Canada, tel que nous le connaissons aujourd’hui, remonte à 1867, avec l’union de plusieurs provinces dans un pacte fédéral. À l’époque, les « deux solitudes» se définissaient par leurs origines respectives :
Le Canada anglais, profondément attaché à l’impérialisme britannique, soutiendra activement le Royaume-Uni lors de conflits internationaux, comme la guerre des Boers ou la Première Guerre mondiale. Ces engagements provoqueront des tensions majeures, notamment lors de la crise de la conscription en 1917. La situation culminera en 1918, quand l’armée, menée par des Ontariens, ouvrira le feu sur des manifestants à Québec, tuant quatre personnes et en blessant des dizaines.
Avec le déclin de l’Empire britannique, le Canada amorce un processus de réinvention. Pierre Elliott Trudeau, alors jeune professeur de droit, devient une figure centrale de ce nouveau Canada en devenir. La vision des libéraux à l’époque est claire :
En 1982, Trudeau rapatrie la Constitution canadienne, malgré l’opposition du Québec. Ce geste, que l’historien Frédéric Bastien qualifia de « coup d’État », consacrera le multiculturalisme comme doctrine d’État. Cette nouvelle vision évacue l’idée des deux peuples fondateurs, au profit d’une « mosaïque » de communautés culturelles aux droits égaux.
Le multiculturalisme a profondément redéfini le Canada :
Cette transformation rend difficile de définir ce qui distingue encore le Canada des États-Unis.
Les Canadiens anglais consomment de plus en plus les médias américains, laissant de côté leur propre culture. Alors que Radio-Canada reste incontournable pour les Québécois, CBC peine à séduire son public au Canada anglais. Pierre Poilievre, chef du Parti conservateur, propose même de supprimer la société d’État, un geste qui résonne chez beaucoup de Canadiens.
La proximité culturelle et économique entre les deux pays est frappante :
Quant aux arguments souvent avancés pour différencier le Canada des États-Unis – système de santé public, programmes sociaux – ils ne suffisent plus. Même des États américains comme le Massachusetts possèdent des systèmes comparables.
Un pays ne peut pas se définir uniquement par des politiques publiques, car celles-ci sont par nature éphémères. Les politiques peuvent changer, mais une culture est bien plus difficile à transformer.
En cherchant à amadouer le Québec avec le bilinguisme et le multiculturalisme, les élites canadiennes ont affaibli l’héritage britannique du Canada anglais, sans pour autant construire une identité forte. Le Québec, grâce à sa langue et à sa culture distinctes, a su résister. Mais le reste du Canada peine à se distinguer de son puissant voisin du sud.
Pour préserver sa souveraineté face aux États-Unis, le Canada doit redéfinir son identité. Le bilinguisme, bien qu’en déclin, reste un élément distinctif essentiel. Pourtant, il est de moins en moins valorisé par un nombre croissant d’élus canadiens.
Le Québec a longtemps averti le reste du Canada des dangers de cette dilution identitaire. Mais cet avertissement, comme un canari dans la mine, n’a pas été entendu à temps.
Si le Canada veut véritablement se distinguer, il devra trouver de nouveaux arguments, au-delà des simples politiques publiques, pour justifier son existence face aux États-Unis.
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