Le cas des Pays-Bas devrait nous faire poser la question : Y a-t-il trop d’étudiants étrangers chez nous?

La question peut surprendre. Les médias dénoncent parfois à tort depuis des années une soi-disant pénurie de main-d’œuvre. Ils affirment que l’arrivée massive d’étudiants étrangers pourrait aider les entreprises à trouver des travailleurs déjà formés. Pourtant, on ne pense à eux qu’en des termes économiques. Rien n’est dit sur la capacité d’accueil de nos sociétés ni sur l’intégration de ces étudiants chez nous. Une série de mesures aux Pays-Bas visant à restreindre le nombre d’étudiants étrangers chez eux fait jaser. Que l’on soit d’accord ou non avec les mesures entreprises par les Néerlandais, il faudra se poser des questions chez nous également. Essayons de voir.

Les Pays-Bas enregistrent une hausse de 45% du nombre d’étudiants étrangers depuis 2015. Ils sont le onzième pays à recevoir le plus d’étudiants dans le monde. Soit environ 125 000 par année. Des cursus en anglais sont offerts dans toutes les universités, et avec le contexte du Brexit, une formation en anglais et avec à la clé un visa de l’Union européenne, cela peut paraître un très bon compromis.

Cependant, comme rappelé par Der Spiegel, «les semestres précédents, les étudiants de certaines villes ont dû se rabattre sur des campings ». On parle aussi d’étudiants contraints de louer une chambre dans des hôtels insalubres à plus de 600 euros par mois. Les professeurs se disent débordés, et une crise du logement majeure se manifeste dans de nombreuses villes universitaires telles que La Haye ou Amsterdam.

L’un des arguments des Hollandais comme ceux des partisans d’une immigration massive au Québec, c’est qu’il faut combler la pénurie de main-d’œuvre. Or, dans le cas des Pays-Bas, une majorité d’étudiants quittent le pays après leurs études. Au Québec, il serait intéressant d’étudier la question, mais il est fort probable que le taux de rétention des étudiants, particulièrement des institutions anglophones, soit très faible. On connaît les taux de pratique au Québec pour les nouveaux médecins formés à McGill. C’est le serpent qui se mord la queue.

De plus, comme dans le cas du Québec, les Pays-Bas expriment des inquiétudes légitimes quant à la pérennité de leur langue. La plupart des étudiants là-bas ne parleraient pas la langue, et pour beaucoup, ne manifestent pas l’intérêt de l’apprendre. Est-ce que cela ne vous rappelle pas quelque chose? Avec l’explosion des demandes d’admission dans les cégeps et universités anglophones? Pendant que nos institutions de langue française sont dans un déclin prononcé?

Au Québec, comme aux Pays-Bas, plusieurs villes universitaires accueillent plus d’étudiants qu’elles ne peuvent. Par exemple à Rimouski, le prix d’un logement est parmi les plus élevés de la belle province. Le taux d’inoccupation serait de 0,2%. Il faut dire que l’Université a fait des campagnes de promotion très agressives ces dernières années pour attirer des étudiants. Du reste du Québec, mais aussi d’Afrique et d’Europe.

Les groupes d’annonces locales sont remplis d’étudiants étrangers incapables de se loger. L’université est même contrainte de faire appel à la population pour louer des chambres disponibles chez nous. Tout ça fait que l’on doit se poser la question : y a-t-il trop d’étudiants étrangers chez nous? Comme dans le cas des Pays-Bas, nous avons comme eux une crise du logement exacerbé par la marchandisation de l’éducation, et aussi un risque culturel par rapport à la compétitivité des universités anglophones.

Au Québec, mais aussi au Canada, plusieurs entreprises malhonnêtes ont flairé le bon filon. Des consultants en Inde recrutent massivement des étudiants sikhs pour la plupart, pour leur faire « étudier » la création de pages web, ou de Microsoft Word. Le but étant d’immigrer, plusieurs institutions bidon se sont créées ces dernières années pour accueillir cette étrange demande internationale. Certains vont même jusqu’à vendre la « formation » (qui n’en est pas une) plus de 30 000$.

De plus, certains « marchés » jadis prospères pour récolter des frais de scolarité élevés sont en train de se tarir. Le Parti communiste chinois souhaite limiter le nombre d’étudiants quittant le pays. Les Français au Québec quant à eux déchantent par rapport aux difficultés d’intégration inattendues, et une hausse du coût de la vie. Quant aux étudiants indiens, il est possible que les magouilles soient colmatées très bientôt.

Il est temps de repenser le rapport que l’on a avec nos universités. Oui, de tout temps, il y a eu des étudiants étrangers, mais peut-être qu’en ce moment, le modèle aurait atteint ses limites? Bien sûr parmi les responsables, il y a les lobbys patronaux, qui veulent toujours plus de main-d’œuvre. Mais aussi les commissions scolaires et institutions anglophones. Ainsi que les universités elles-mêmes, particulièrement gourmandes des frais de scolarité de ces étudiants qui sont vus comme des guichets automatiques.

Anthony Tremblay

Après des études en politique appliquée à l'Université de Sherbrooke, Anthony Tremblay s'est intéressé notamment aux questions sociales telles que le logement ou l'itinérance, mais aussi à la politique de la Chine, qu'il a visité et où il a enseigné l'anglais. Il vit à Sherbrooke avec ses deux chiens.

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