C’est un réflexe courant parmi la gauche de se réjouir du déclin de l’empire américain. Pourtant, lorsque nous regardons la multiplication des conflits à travers le monde, on peut se demander si cela est une bonne chose que l’arbitre américain soit de plus en plus isolé sur la scène internationale. Israël, Gaza, Arménie, Azerbaïdjan, Ukraine et Russie. Bientôt, ça sera probablement la Corée du Nord et Taïwan. Petite analyse d’un sujet tabou : le déclin de l’empire américain est-il une bonne chose? Ou une très mauvaise chose?

Nous sommes frappés d’effroi en regardant les attaques commises par le Hamas sur des civils israéliens. Au point que même de nombreux défenseurs traditionnels de la Palestine ne peuvent accepter une telle barbarie. La réponse israélienne fera de son côté énormément de morts civiles à Gaza. Une catastrophe humaine majeure. Pourtant, si l’on regarde les acteurs dans ce conflit, on voit l’Iran derrière cela.

Le régime iranien, qui a une crise de légitimité sans précédent parmi sa population, sait qu’il doit jouer du coude pour détourner l’attention de ses crimes avec sa police religieuse. C’était donc le moment pour eux de planifier une attaque contre Israël avec le Hezbollah au Liban et le Hamas à Gaza. Le régime iranien est affaibli par plusieurs mouvements de contestations.

L’autre conflit qui s’est déroulé en direct sous nos yeux, c’est la guerre entre l’Azerbaïdjan et le Haut-Karabakh, enclave arménienne qui s’est autoproclamée une république indépendante lors de la chute de l’URSS. 120 000 Arméniens ont quitté le territoire en quelques jours dans un nettoyage ethnique rarement vu depuis les dernières décennies. Encore une fois, une autre puissance étrangère est à la manœuvre : la Turquie. La Turquie souhaite avoir une continuité territoriale avec les autres pays de langue turque, et c’est l’Arménie qui empêche ce projet panturc.

Une partie de ces tragédies peuvent s’expliquer par le fait que les Américains ne sont plus aussi présents, ou du moins, plus aussi influents, pour jouer l’arbitre. Un monde multipolaire, comme souhaité par la Russie et la Chine, est beaucoup plus instable, car les différentes puissances régionales pourraient être tentées d’attaquer leurs voisins ou bien de régler des différends territoriaux latents.

Certains affirment que la perte de puissance des États-Unis s’est vue confirmée par le retrait en panique d’Afghanistan. En quelques jours, les Américains ont quitté un pays qu’ils occupaient depuis 20 ans, laissant derrière eux de nombreux véhicules militaires et des armes. Quant à la soi-disant armée afghane, entraînée à coups de milliards depuis des années, elle s’est volatilisée du jour au lendemain. Laissant tout le loisir aux talibans de reprendre le contrôle.

Il est probable qu’à ce moment, les Russes aient décidé d’en finir avec le conflit gelé au Donbass et de frapper un grand coup en envahissant l’Ukraine. Poutine s’est probablement dit qu’à ce moment-là, les Européens étaient trop divisés et dépendants du gaz russe, et que les Américains ne pourraient pas faire grand-chose pour défendre l’Ukraine.

D’autres conflits en dormance pourraient bientôt se réchauffer. La Chine apprend beaucoup sur le cas russe des sanctions internationales et comment s’en échapper. Elle prépare depuis des années une économie de guerre et de rationnement. Elle peut envahir Taïwan à n’importe quel moment. Taïwan étant l’objet d’une guerre de la désinformation, dans les médias et les réseaux sociaux, et de harcèlement constant de la part de bateaux de guerre et d’avions chinois.

Quant à la Corée du Nord, elle multiplie les essais de missiles. Nous savons maintenant qu’ils sont en mesure de frapper le Japon et même d’aller beaucoup plus loin. Le pays vivant une famine depuis la fermeture des frontières suite à la pandémie, tout est possible. Nous savons déjà que Kim Jong Un s’est rapproché de Poutine lors d’une visite officielle en Russie, et que celui-ci est prêt à faire la guerre lui aussi à l’Ukraine. Ce qui serait une nouveauté pour le régime, normalement très isolé.

Donc, à ceux qui disent que le déclin, voire la chute de l’empire américain est une bonne chose. Réfléchissez. Oui, certaines guerres des États-Unis étaient injustifiables, notamment l’Irak. Mais justement, dans un pays démocratique comme les États-Unis, il est permis de dénoncer la guerre et de faire pression pour qu’elle termine. Ce qui est arrivé. Or, ce que nous voyons, c’est la disparition d’un arbitre qui modérait les ardeurs des puissances régionales. Puissances qui sentent maintenant avoir la légitimité de multiplier les aventures militaires. Un monde multipolaire ne signifie pas un monde en paix. Bien au contraire. Mais une multiplication des conflits régionaux.

Anthony Tremblay

Originaire de La Baie, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, Anthony Tremblay a étudié en politique appliquée à l’Université de Sherbrooke. Curieux de nature et passionné par les enjeux contemporains, il a parcouru le monde, explorant des pays tels que l’Indonésie, la Turquie et la Chine. Ces expériences l’ont marqué et nourrissent aujourd’hui ses réflexions sur la crise du monde moderne, les bouleversements technologiques et l’impact croissant des réseaux sociaux. Fort de son expérience d’enseignement de l’anglais en Chine, Anthony conjugue perspectives locales et internationales dans ses analyses. Il réside actuellement à Sherbrooke, où il partage son quotidien avec ses deux chiens.

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