Le déclin du français au Québec : qui est réellement responsable?

Un rapport fut rédigé par l’Office québécois de la langue française pour répondre aux préoccupations quant à l’état réel de notre langue. Le constat est sans appel : Gatineau, Montréal, les jeunes et les travailleurs temporaires sont considérés comme particulièrement à risque. Mais si, en réalité, ce n’était pas un peu plus complexe que ça? Que certaines raisons du déclin du français soient occultées de façon volontaire ou non? Voyons voir cela de plus près.

Si en effet, l’effet de l’immigration se fait particulièrement ressentir à Montréal par les travailleurs temporaires, de même que l’arrivée massive d’ontariens à Gatineau qui viennent y profiter de logements moins chers que chez eux, ce sont les jeunes qui nous font poser le plus de questions.

Pourquoi sont-ils plus nombreux que leurs aînés à ne pas considérer comme important d’être servi en français dans les commerces? Pourquoi sont-ils nombreux à utiliser l’anglais sur les réseaux sociaux? Bien sûr, ils vont affirmer que dans le cas des réseaux sociaux, c’est pour rejoindre un « public plus large ». Comme si en fait au Québec, le marché n’était pas là. D’où cette réflexion.

Plus jeune, on nous disait que si l’on n’apprenait pas bien l’anglais que notre vie serait bien plus difficile. Que l’anglais « ouvre des portes ». Certains parents pensaient même que la loi 101 était une « injustice », car leurs enfants se font limiter par les lois linguistiques. Comment alors, dans un tel contexte, peut-on être fier de sa langue?

Au primaire, c’est une réalité déjà ancienne que l’on impose l’anglais dès la première année du primaire. Et que l’on oblige les élèves à faire de l’immersion à leur sixième année. Le français est systématiquement dénigré, car « trop difficile », « trop plate » ou que les cours sont peu adaptés à des élèves qui ont de plus en plus des troubles d’apprentissage ou de concentration.

Combien de fois a-t-on entendu de la part des plus grands à l’époque que le cinéma québécois n’était « pas bon » ? Ou de gens qui préfèrent la musique en anglais à la musique québécoise « imposée par des quotas » à la radio? Pourtant, au début des années 2000, c’était un âge d’or pour le cinéma québécois. Mais le temps a fait son œuvre. Le gouvernement libéral s’est mis à couper en culture. Ce qui a fait plaisir au fédéral qui s’est mis à remplacer cet espace laissé vide par Québec.

Nous connaissons la suite. Les artistes québécois subventionnés par le fédéral ne mordront pas la main qui les nourrit. Il n’y a pas si longtemps que cela, c’était mal vu chez les artistes de chanter seulement en anglais ou d’être fédéralistes. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Tout comme les artistes, les jeunes ont fini par intérioser le discours comme quoi le français c’est une langue qui ne mène nulle part. Que c’est l’anglais qui permet d’ouvrir des « portes » ici et à l’étranger.

Nos gouvernements ont une responsabilité face au financement de la culture et de l’enseignement de l’anglais à l’école. Il est faux de prétendre que c’est une fatalité. Le gouvernement doit financer davantage la création de films, de séries télé ou la musique. Ne pas laisser le champ libre au fédéral qui s’en servira comme une arme à imposer l’idéologie diversitaire et l’anglais.

De même, le gouvernement doit sérieusement revoir l’importance écrasante accordée à l’anglais au primaire, dans un contexte où les élèves apprennent par « osmose » cette langue en jouant en ligne ou en étant entourés d’anglophones. C’est compréhensible que le gouvernement ait écouté les préoccupations des parents quant à l’anglais à l’école, mais les choses ont radicalement changé depuis le début des années 2000.

À l’époque, il y avait relativement peu de contenu anglophone disponible sur demande. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. C’est même tout le contraire. Davantage de contenu en anglais est consommé par les jeunes Québécois, qui boudent une production nationale famélique. Nous sommes loin en effet de Radio Enfer et Dans une galaxie près de chez vous. Le gouvernement québécois devra prendre des décisions à cet effet un jour ou l’autre. Le plus tôt sera le mieux.

Anthony Tremblay

Après des études en politique appliquée à l'Université de Sherbrooke, Anthony Tremblay s'est intéressé notamment aux questions sociales telles que le logement ou l'itinérance, mais aussi à la politique de la Chine, qu'il a visité et où il a enseigné l'anglais. Il vit à Sherbrooke avec ses deux chiens.

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