Le gaz naturel canadien, remède inattendu à la crise climatique mondiale

Basé sur un article de Tristin Hopper publié dans le National Post le 23 mai 2025.

Un nouveau rapport du Fraser Institute affirme que le moyen le plus efficace pour le Canada de contribuer à la lutte contre les changements climatiques ne serait pas de réduire ses propres émissions, mais plutôt de vendre autant de gaz naturel liquéfié (GNL) que possible à l’Asie.

Comme l’explique Tristin Hopper dans le National Post, cette étude de 46 pages, publiée jeudi par l’institut de réflexion de droite, repose sur l’idée que les exportations canadiennes de gaz naturel pourraient, à elles seules, réduire de façon significative la dépendance asiatique au charbon, un des combustibles fossiles les plus polluants.

Selon les auteurs du rapport, si le Canada parvenait à doubler sa production de GNL, cela permettrait de remplacer suffisamment de charbon dans les centrales électriques asiatiques pour éviter l’émission de 630 millions de tonnes de gaz à effet de serre chaque année. À titre de comparaison, cela équivaut presque à l’empreinte carbone annuelle complète du Canada, qui s’élevait à 694 millions de tonnes en 2023 selon Environnement et Changement climatique Canada.

« Au lieu de se concentrer sur la réduction des émissions de GES à l’intérieur du Canada en adoptant des politiques qui freinent la croissance économique, les gouvernements devraient plutôt s’attarder à réduire les émissions mondiales de GES et à aider le pays à diminuer les émissions à l’échelle internationale », soutient le rapport.

Le raisonnement du Fraser Institute est relativement simple : le gaz naturel émet beaucoup moins de CO₂ que le charbon pour une même quantité d’énergie produite. Selon les données de l’U.S. Energy Information Administration, brûler un million de BTU (British Thermal Units) de charbon génère entre 93 et 103 kilogrammes de dioxyde de carbone. Pour le gaz naturel, ce chiffre descend à 53 kilogrammes.

Actuellement, le Canada produit environ 17,9 milliards de pieds cubes de gaz naturel par jour. La majeure partie est consommée localement, tandis que 39 % sont exportés, principalement vers les États-Unis par pipeline. Le rapport estime que si le Canada doublait cette production et dirigeait l’excédent vers l’Asie, cela pourrait remplacer plus de 200 millions de tonnes de charbon chaque année.

Toutefois, Tristin Hopper souligne qu’il n’y a aucune garantie que cette augmentation de la production canadienne détournerait immédiatement l’Asie de sa consommation de charbon. Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le continent asiatique a augmenté sa consommation de charbon, en partie à cause des perturbations de l’approvisionnement en gaz naturel.

Au moment même où plusieurs économies avancées sont sur le point d’éliminer complètement le charbon, la consommation mondiale de ce combustible a atteint un record en 2024, avec 8,77 milliards de tonnes. L’Asie est presque entièrement responsable de cette hausse, les centrales électriques chinoises représentant à elles seules le tiers de la consommation mondiale.

Un rapport commandé en décembre par l’Asia Natural Gas and Energy Association indiquait que si la production nord-américaine de gaz naturel ne permettait pas de maintenir des prix mondiaux bas, les pays d’Asie du Sud-Est continueraient tout simplement à brûler du charbon. « Sans garantie d’un approvisionnement abordable, leur stratégie par défaut — de manière tout à fait compréhensible — est de se rabattre sur un combustible qu’ils connaissent bien, peu coûteux et abondant : le charbon », pouvait-on lire dans ce rapport.

Cette approche du Fraser Institute, consistant à maximiser les exportations de gaz, n’est pas nouvelle. Le chef conservateur Pierre Poilievre a lui-même défendu une stratégie similaire. En campagne électorale, il avait promis de démanteler les programmes de décarbonisation internes pour se concentrer sur la vente accrue de gaz naturel à l’étranger. « La meilleure façon de réduire les émissions est de rapatrier une production propre ici », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse peu avant le début de la campagne de 2025.

Depuis dix ans, la stratégie climatique des gouvernements libéraux s’est presque exclusivement attachée à réduire les émissions canadiennes, sans tenir compte de la façon dont les actions canadiennes influencent les émissions mondiales. Ce cadre d’analyse omet notamment certains éléments cruciaux : par exemple, bien que le Canada exporte encore du charbon vers l’Asie, les émissions générées par ce charbon ne sont pas incluses dans l’empreinte carbone du pays.

La stratégie de décarbonisation proposée par le Fraser Institute serait non seulement plus efficace sur le plan environnemental mondial, selon ses auteurs, mais aussi plus lucrative pour l’économie canadienne. Le Conference Board du Canada a déjà indiqué que chaque tranche de 4 milliards de pieds cubes de GNL produits quotidiennement au pays entraîne une croissance du PIB de 7,4 milliards de dollars et la création de 65 000 emplois. Ainsi, doubler la production actuelle pourrait générer plus de 30 milliards de dollars supplémentaires par an et près d’un quart de million de nouveaux emplois.

En comparaison, les efforts de décarbonisation menés jusqu’à maintenant ont généralement freiné la croissance économique. Avant la suspension de la taxe carbone en mars, les prévisions internes du gouvernement canadien anticipaient une réduction du PIB de 25 milliards de dollars d’ici 2030 — soit l’équivalent d’un pour cent de l’économie nationale.

La Rédaction

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