Le gouvernement Carney sera-t-il le fossoyeur de la liberté d’expression ?

Dans la plateforme des libéraux, il est dit que, dans les cent premiers jours d’un gouvernement libéral réélu, Mark Carney irait de l’avant avec la réforme entamée sous Justin Trudeau pour responsabiliser les réseaux sociaux sur le contenu qu’ils hébergent. Mais la loi est si large quant à la définition de ce qu’est un discours haineux qu’il faut s’attendre à des dérives. Et peut-être même à la fin de la liberté d’expression sur Internet au Canada.

Au Royaume-Uni, une telle loi existe depuis quelques années déjà. Le gouvernement travailliste de Keir Starmer a mis en prison plusieurs personnes pour des délits d’opinion. Cet inquiétant phénomène s’est amplifié lors de manifestations contre la présence de l’islam en Angleterre.

D’ailleurs, c’est également en Écosse qu’un inquiétant projet de loi visait à sanctionner les propos haineux tenus dans un cadre privé. Ce qui aurait pu permettre – en théorie – à des enfants de dénoncer leurs parents pour des propos soi-disant haineux. Le projet de loi a heureusement fait polémique, et le gouvernement du Scottish National Party a dû reculer.

Pourquoi parler du Royaume-Uni ? Parce que Carney était jusqu’à récemment citoyen de ce pays. Il connaît très bien les rouages politiques de l’ancienne puissance coloniale, ayant été directeur de la Banque d’Angleterre. Il semble d’ailleurs proche du roi Charles III, qui viendra lire le discours du Trône en Chambre.

Quelles sont les conséquences possibles ? On peut s’attendre à ce que les réseaux sociaux deviennent particulièrement frileux à l’idée de faire affaire au Canada. On se souvient de la décision de Meta – derrière Facebook, Instagram et WhatsApp – d’empêcher le partage de contenus médiatiques, incluant même les indépendants comme Québec Nouvelles.

Facebook, X, YouTube (par le biais de Google), pourraient-ils être tentés de réduire les services qu’ils offrent sur le territoire canadien ? Meta a par ailleurs déjà menacé le Nigeria de quitter le pays pour une question de taxation. Alors, qu’est-ce qui empêcherait les GAFAM de faire pression sur les consommateurs canadiens, qui n’ont rien demandé ?

Une autre chose qui pourrait arriver, c’est que les réseaux se soumettent aux obligations du gouvernement canadien. Qu’ils censurent encore plus que par le passé. On sait que l’algorithme de Facebook est particulièrement sensible. Incapable de distinguer le second degré, il a banni plusieurs utilisateurs pour des raisons obscures, sans possibilité d’appel. Ce qui rendra l’utilisation du site plus complexe pour parler d’enjeux politiques et sociaux.

Il est peu probable que des gens aillent en prison pour des délits d’opinion au Canada. Nous ne sommes ni le Royaume-Uni, ni la France, qui compte quantité de procès politiques. La liberté d’expression, pour le moment, existe toujours chez nous, et elle est plus étendue qu’en Europe. Mais se peut-il qu’avec la montée du dit populisme en Occident, la multiplication des guerres et des tensions, le gouvernement canadien cherche à verrouiller le débat public ?

Mark Carney a certes obtenu le mandat de premier ministre, ayant fait élire le plus grand nombre de députés. Mais il est minoritaire : il doit être prudent sur les mesures qu’il compte mettre en œuvre concernant la liberté d’expression. Les conservateurs et les bloquistes sont potentiellement en ligne de mire. Nous devons rester alertes face à toutes les attaques contre la liberté d’expression. Et rappeler au gouvernement qu’il est sous surveillance.

Anthony Tremblay

Originaire de La Baie, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, Anthony Tremblay a étudié en politique appliquée à l’Université de Sherbrooke. Curieux de nature et passionné par les enjeux contemporains, il a parcouru le monde, explorant des pays tels que l’Indonésie, la Turquie et la Chine. Ces expériences l’ont marqué et nourrissent aujourd’hui ses réflexions sur la crise du monde moderne, les bouleversements technologiques et l’impact croissant des réseaux sociaux. Fort de son expérience d’enseignement de l’anglais en Chine, Anthony conjugue perspectives locales et internationales dans ses analyses. Il réside actuellement à Sherbrooke, où il partage son quotidien avec ses deux chiens.

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