Le grand retour de l’Ukraine sous le feu des projecteurs

Pendant plus d’un an, l’Ukraine était considérée comme une cause perdue par les Occidentaux. Combien de médias, de gouvernements ont émis des réserves quant à l’avenir de ce pays d’Europe de l’est, aux prises avec une guerre contre la Russie depuis février 2022? Pourtant, depuis début août, l’Ukraine a fait son grand retour sur la scène internationale, et provoque la surprise. À la fois par son incursion – historique – en territoire russe, mais aussi par la visite du premier ministre Indien Narendra Modi, l’Ukraine est à nouveau sous le feu des projecteurs.

Depuis le 6 août, l’Ukraine a réussi un coup de maître : la première incursion sur le sol russe d’une armée étrangère depuis la Seconde Guerre mondiale. Les troupes ukrainiennes auraient déjà pris le contrôle d’un territoire de plus de 1200 km² dans la région de Koursk. Si ce n’était pas assez, Vladimir Poutine est critiqué à l’interne pour avoir permis cette incursion sans précédent. En effet, plusieurs villages ont été évacués.

Le but avéré de l’Ukraine n’est pas l’annexion de territoires russes. Mais de soulager le front est de la région du Donbass. Région riche en charbon où la Russie et l’Ukraine se partagent chacun la moitié du territoire actuellement. Cela pourrait changer. Déjà, comme humiliation, la Russie perd énormément en crédibilité. Poutine a eu beau dire qu’une attaque avec des armes occidentales serait une « ligne rouge », où l’usage de la force nucléaire pourrait être utilisé, il n’en demeure pas moins que sa réaction montre en réalité son impuissance face à une situation dans laquelle il a plongé son pays.

Ce qui a prouvé le point de l’Ukraine : la Russie gesticule beaucoup, mais au final, n’agit pas. Au niveau symbolique, c’est un coup de maître de la part des troupes de Volodymyr Zelensky. Mais une autre ombre au tableau s’est ajoutée pour la Russie : la visite de Narendra Modi en Ukraine. Le premier ministre indien, fort d’une récente victoire électorale dans son pays, en promettant à l’Inde d’en faire une grande puissance, montre un peu plus chaque jour son indépendance comme nation émergente.

Certains associent à juste titre l’Inde aux BRICS+, une association de pays émergents qui souhaitent renverser la domination de Washington dans les affaires du monde. Mais voilà. L’Inde a un rapport de force face à la Russie. Poutine sait qu’il n’a pas le choix de vendre du pétrole à l’Inde à des tarifs préférentiels. Sinon, ses débouchés seraient encore plus limités. L’Inde agit comme une puissance de plus en plus indépendante.

Bien sûr, on sent qu’il y a une cordialité entre les membres des BRICS+. Mais c’est seulement une façade. En réalité, chaque pays a des contentieux avec d’autres membres, si ce n’est pas des relations historiquement difficiles. Pensons à l’Inde et à la Chine. La Chine soutient officiellement le Pakistan dans ses revendications au Cachemire. Ce qui a tout pour déplaire à l’Inde. Ce qui est désormais le pays le plus peuplé du monde sait que l’avenir sera favorable aux puissances occidentales, pas à la Chine ni à la Russie.

La Chine souffre de son déclin démographique, avec une population qui sera vieille avant d’être riche. En plus, à force d’avoir attaqué, vilipendé, insulté ses partenaires commerciaux les plus importants, les pays du G7, le Parti communiste chinois a nui de façon irréversible à son économie. Le marché intérieur a beau être important, le principal client de la Chine est l’Occident. Et le demeurera toujours. Quant à la Russie, pas besoin de faire de dessins. Le pays a beau avoir survécu aux sanctions, il en demeure néanmoins ébranlé. Le pays est particulièrement isolé. Son élite intellectuelle, sa jeunesse éduquée s’est depuis exilée à l’étranger.

Il est trop tôt pour connaître les conséquences à long terme de cette contre-offensive ukrainienne en territoire russe. Ni sur le virage de certains pays considérés comme des rivaux de l’Occident, la guerre se continuera pendant longtemps. Et il est probable que l’hiver gèle littéralement les positions des deux armées en présence.

Néanmoins, l’Ukraine a su faire mentir les pays européens, ainsi que les États-Unis, qui doutaient de ses capacités à résister à la Russie. Ce réflexe s’était manifesté les premiers jours du conflit. Mais voilà, cela fera bientôt trois longues années que l’Ukraine tient tête à ce qui est considéré – peut-être par erreur – comme l’une des meilleures armées du monde.

Anthony Tremblay

Après des études en politique appliquée à l'Université de Sherbrooke, Anthony Tremblay s'est intéressé notamment aux questions sociales telles que le logement ou l'itinérance, mais aussi à la politique de la Chine, qu'il a visité et où il a enseigné l'anglais. Il vit à Sherbrooke avec ses deux chiens.

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