L’autre jour, mon estimé collègue Philippe Sauro-Cinq-Mars a écrit une chronique où il interroge le milieu médiatique québécois et son rapport au personnage de Donald Trump. Comme il l’affirme, Richard Martineau semble vivre en 2016 par ses affirmations faciles concernant le supposé mépris de Donald Trump pour les Américains. C’est intéressant, car j’en discute souvent avec un ami. Comme quoi notre univers médiatique, politique et même militant semble stagner en 2016. Pourquoi cette année précise? C’est ce que nous allons voir.

Une partie de la méfiance envers les médias « traditionnels » vient peut-être du fait qu’ils semblent avoir arrêté d’évoluer avec leur époque. TVA par exemple est toujours aussi obsédée par Donald Trump. Bien qu’il ne soit plus président, il fait toujours l’objet d’une couverture particulièrement hostile. Richard Latendresse s’est même fait prendre en train de partager une fausse nouvelle le concernant. C’est dire.

Déjà, Trump n’est pas notre président. Et il est facile pour des politiciens, des médias de blâmer d’autres individus au lieu de regarder ce qu’ils peuvent améliorer eux-mêmes. L’idée n’est pas nécessairement de défendre le personnage, mais de voir que cette obsession malsaine a fait son temps. Les médias – québécois – mais pas que, semblent avoir stagné en 2016.

Il n’y a pas que sur Donald Trump que la cassette semble avoir arrêté à cette année particulière. Regardez le Parti Québécois. À l’époque, le parti allait très mal. Aucun chef charismatique, des démissions en masse. Les médias annonçaient la « mort » du Parti Québécois. Il faut dire que les années Marois, et les chefs qui s’étaient succédé, d’André Boisclair à Pierre Karl Péladeau, ne furent pas un âge d’or pour le parti de René Lévesque.

À écouter les blâmes que les gens font au Parti Québécois, ils semblent avoir les mêmes reproches à faire qu’en 2016 : trop ci, trop ça. Et si le parti n’avait pas radicalement changé depuis le temps? Tout comme les autres partis politiques depuis le temps? La CAQ fait moins l’innocente depuis qu’elle a pris le pouvoir il y a 6 ans. François Legault était le premier à vouloir faire le « ménage » et à ne vouloir qu’un « seul mandat ».

Aujourd’hui, le parti est sur le pilote automatique d’un gouvernement majoritaire, qui n’a d’autres ambitions que de gouverner aux sondages. Une majorité aussi confortable ne permettrait-elle pas de mener des réformes audacieuses? 2016 est déjà loin. Pourtant, l’écosystème politique québécois a beaucoup changé depuis cette époque.

2016, c’était l’année de l’élection de Donald Trump, qui a eu un effet majeur sur nos relations avec les États-Unis. Les gens semblaient davantage préoccupés par celui-ci, que par les changements profonds amenés par Justin Trudeau, sûrs de ses moyens. Trudeau menait déjà à cette époque une politique migratoire radicale, qui aura changé le Canada pour toujours. Mais nous regardions ailleurs, au sud de la frontière.

2016, c’est aussi une époque où les tensions avec la Chine se multipliaient. Les promesses de prospérité « commune » pour l’humanité, de même que le « miracle » économique chinois prenait déjà l’eau. Quant au Québec, nous étions en pleine austérité libérale. Le Parti Québécois, qui avait lui-même contribué à cet état de fait, était impuissant.

Une des raisons de la naissance de Québec Solidaire, c’est en réaction à ce Parti Québécois qui voulait « parler » des vraies affaires. Lire ici : austérité, finances publiques, réformes, restructurations. Une bonne partie de la gauche québécoise avait de la rancœur face à la charte des valeurs, ainsi que contre les mesures d’austérité sous les gouvernements péquistes ayant suivi la démission de Jacques Parizeau.

Québec Solidaire semble toujours vivre en 2016, là où ils ont encore une haine primitive du Parti Québécois. Mais les choses évoluent petit à petit. On se rend bien compte, à gauche comme à droite, que le monde a évolué plus vite qu’on ne l’aurait imaginé. 2016, c’était il y a déjà 8 ans, ce qui est une éternité en politique. Dans un monde avec des technologies qui se développent toujours plus vite, il est difficile de se rendre compte de tous les changements que cela apporte.

C’est peut-être une des raisons pourquoi les gouvernements se sont révélés aussi impuissants pour légiférer sur l’intelligence artificielle ou le pouvoir des GAFAM. Ils sont incapables de suivre toutes les évolutions, et surtout de suivre leur rythme. 2016 est une année confortable. Il y a les bons, comme Justin Trudeau, qui accueille des réfugiés syriens. Et des méchants comme Donald Trump, qui bouscule toutes les conventions auxquelles doivent normalement se soumettre les présidents américains.

D’où l’importance de l’année 2016 dans notre vie politique. Nous avons été incapables de réaliser toutes les évolutions politiques, démographiques, technologiques et sociales des huit dernières années. Imaginez à quel point le XXe siècle fut marquant en termes de changements. Bien plus que les siècles précédents combinés ensemble. Et imaginez maintenant tout ce que nous avons vécu depuis ces 24 dernières années. C’est impossible pour un cerveau humain de réaliser tout le chemin parcouru. Nos politiciens les premiers. Et ils ne seront pas les derniers à rater le train qui part.

Anthony Tremblay

Originaire de La Baie, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, Anthony Tremblay a étudié en politique appliquée à l’Université de Sherbrooke. Curieux de nature et passionné par les enjeux contemporains, il a parcouru le monde, explorant des pays tels que l’Indonésie, la Turquie et la Chine. Ces expériences l’ont marqué et nourrissent aujourd’hui ses réflexions sur la crise du monde moderne, les bouleversements technologiques et l’impact croissant des réseaux sociaux. Fort de son expérience d’enseignement de l’anglais en Chine, Anthony conjugue perspectives locales et internationales dans ses analyses. Il réside actuellement à Sherbrooke, où il partage son quotidien avec ses deux chiens.

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