On l’a échappé belle. Le projet de loi C-63 a été automatiquement abandonné avec la dissolution du Parlement pour le déclenchement des élections. Tel est le sort de toutes les législations pendantes.
La « Loi sur les préjudices en ligne », avait été présentée par le gouvernement Libéral en février 2024. Ce projet de loi visait à établir des normes de base pour assurer la sécurité des Canadiens sur les plateformes en ligne, en particulier pour protéger les enfants, et à tenir ces plateformes responsables du contenu hébergé. Mais la loi C-63 instrumentalisait la sécurité des enfants pour proposer des amendements visant à renforcer les dispositions relatives aux «discours haineux». Advenant une victoire Libérale, une loi similaire pourrait être proposée après les élections.
Sur le site du gouvernement, on peut lire que ce projet de loi préconisait « une nouvelle vision qui permettrait d’interagir en ligne de façon plus sécuritaire et plus inclusive ». Cette loi aurait visé sept catégories de contenus préjudiciables:
Les dispositions relatives à la protection de l’enfance en ligne et les mesures contre l’exploitation sexuelle des enfants font évidemment consensus. Le problème réside dans ce à quoi elles se trouvent amalgamées.
Comme la diffusion de la majorité des points énumérés ci-haut constitue déjà une infraction au Code criminel, l’ajout d’une nouvelle loi semble inutile. Et l’objection va au-delà de la redondance. Ce qui inquiète, c’est l’inclusion de « contenu qui fomente la haine », vu le caractère subjectif de ce que peut constituer un propos « haineux ». Pour y parer, le projet de loi C-63 aurait introduit une définition légale du terme « haine » dans le Code Criminel, précisant que la « haine » excède le dédain ou l’aversion et implique de la détestation ou de la diffamation. Quoi qu’il en soit, on se trouverait quand même en terrain arbitraire, où les décisions seraient sujettes à interprétation ou basées sur des jugements personnels.
Ça devient d’autant plus grave quand on considère que la loi C-63 aurait apporté des modifications au Code criminel ainsi qu’à la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP).
Le projet de loi C-63 rétablissait et élargissait l’article 13 de la LCDP, abrogé en 2013 par le gouvernement Conservateur, qui s’inquiétait de son impact sur la liberté d’expression. L’administration Harper se basait sur des critiques selon lesquelles la disposition était utilisée de manière excessive ou subjective, ce qui restreignait des opinions légitimes.
L’article 13 réintroduit aurait interdit la diffusion, via un service en ligne, de propos haineux visant une personne ou un groupe en fonction de motifs de discrimination interdits tels que la race, l’origine nationale ou ethnique, la religion, le sexe, l’âge, l’orientation sexuelle et l’identité de genre.
La loi C-63 aurait aussi modifié le Code criminel avec des amendements visant à renforcer les dispositions relatives aux discours haineux, tant en ligne que hors ligne. Augmentation des peines maximales pour les infractions de propagande haineuse. Par exemple, les peines d’emprisonnement pour incitation publique à la haine passent de 2 ans à 5 ans. Si un individu est reconnu coupable d’avoir communiqué des propos haineux en ligne, le Tribunal canadien des droits de la personne peut imposer une indemnisation de 20,000$ payable à la victime et une amende administrative de 50,000$ payable au gouvernement.
Une loi comme C-63 faciliterait grandement le dépôt et le traitement des plaintes en offrant un recours direct. Elle permettrait aux individus ou groupes de porter plainte directement auprès de la Commission canadienne des droits de la personne pour des contenus en ligne estimés haineux. Advenant que la plainte soit jugée recevable, elle pourrait être présentée devant le Tribunal canadien des droits de la personne. Le nombre de plaintes et de recours pourrait exploser en raison de son accessibilité. Sans parler de la possibilité de recevoir jusqu’à 20,000$ par plainte, susceptible de motiver le signalement massif de contenus, rien qu’ambigus, pour des gains potentiels.
S’ajouterait l’introduction d’un engagement à « ne pas troubler l’ordre public ». Ce projet de loi prévoyait une mesure préventive permettant d’imposer à une personne certaines conditions. Difficile de ne pas voir dans ce projet un moyen potentiel de criminaliser le discours et de le censurer – ou d’encourager l’autocensure par crainte de réprimandes.
Le projet de loi prévoyait la création d’une Commission de la sécurité numérique du Canada pour administrer le cadre réglementaire, d’un Ombudsman de la sécurité numérique pour servir de ressource aux utilisateurs et aux victimes, et d’un Bureau de la sécurité numérique pour soutenir la Commission et l’Ombudsman. Bref, davantage de bureaucratie pour alourdir un appareil étatique déjà trop lourd et coûteux.
Pour élaborer le projet de loi C-63, le gouvernement Libéral s’était inspiré de lois passées ailleurs dans le monde, comme le Digital Services Act (DSA) passé dans l’Union Européenne en 2022 et l’Online Safety Act du Royaume-Uni en 2023, qui ont contribué à brimer la liberté d’expression en ligne. La base de données sur la transparence de la DSA de l’Union Européenne rapporte 10,223,262,942 actions de modération rapportées en vertu du DSA. Sans surprise, la conséquence principale d’une telle loi est l’intensification de la modération sur les plateformes qui craignent les représailles.
Il a été rapporté qu’en 2024, X a été forcé de suspendre des comptes Français après des plaintes pour des propos jugés « islamophobes » par des associations militantes, alors que les tribunaux n’avaient pas encore statué de leur illégalité. En Italie, des publications critiquant les migrants ont aussi été bloquées sous pression du DSA, avant même qu’une décision judiciaire n’ait été rendue. Au Royaume-Uni, une campagne en ligne critiquant les politiques transgenres a été signalée comme « nuisible » par des groupes militants en janvier 2025. Bien que légale, elle s’est fait retirer pour éviter des sanctions. Des lois de ce type ne font que donner davantage de munitions aux tenants du wokisme pour museler leurs adversaires idéologiques.
Difficile de croire qu’une nouvelle administration Libérale ne reviendrait pas à la charge avec un projet de loi similaire. Dans son livre Values (paru en 2021) ainsi que dans ses interventions publiques, Mark Carney défend une régulation proactive des entreprises pour aligner leurs actions sur des objectifs sociétaux liés au climat. Une loi comme C-63 partage cette volonté d’imposer des devoirs de responsabilité aux plateformes.
En juin 2021, avant les élections, le gouvernement Trudeau avait déjà présenté un projet de loi (C-36) visant à lutter contre les discours haineux en ligne, bien qu’il ait été abandonné avec l’appel des élections. Cela faisait partie d’un engagement plus large contre « la haine et la désinformation », mais n’a pas été un thème central de la campagne Libérale en 2021. Le fait qu’une nouvelle loi ne soit pas un sujet de premier plan dans la plateforme électorale Libérale ne veut pas dire qu’ils ne reviendront pas à la charge s’ils sont réélus. La liberté d’expression est la plus précieuse de toutes, il faut écarter du pouvoir tout parti tenté de la restreindre.
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