Le projet d’usine de composants de batteries ÉcoPro BM pourrait être abandonné définitivement à Bécancour

​Le secteur des batteries au Québec, autrefois perçu comme une pierre angulaire de la politique économique de la CAQ, traverse actuellement une période tumultueuse. Des projets phares, tels que ceux de Northvolt et de Lion Électrique, ont récemment rencontré des obstacles majeurs, remettant en question la viabilité de cette filière. Aujourd’hui, c’est le projet d’usine de composants de batterie d’ÉcoPro BM à Bécancour qui est au bord de l’abandon définitif en raison de la guerre tarifaire.​

Des interruptions successives pour ÉcoPro BM

Depuis son annonce en août 2023, le projet d’usine de fabrication de matériaux de batteries à Bécancour, évalué à 1,2 milliard de dollars, a connu plusieurs interruptions. Ces arrêts successifs ont été attribués à divers facteurs, notamment des controverses liées à l’exemption du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) et des pressions politiques. Plus récemment, des obstacles supplémentaires, tels que des enjeux environnementaux et réglementaires, ont entravé la progression du projet.​

Le marché des véhicules électriques a aussi subi une baisse des ventes ces dernières années, alimentant les incertitudes du secteur. Cette situation a conduit Ford à se retirer du projet en octobre 2024, après avoir réévalué l’évolution de la technologie des véhicules électriques, les coûts et les besoins de l’entreprise. Cette décision a fragilisé davantage le projet d’usine de cathodes à Bécancour.​

Vers un abandon définitif du projet ?

Les récentes révélations indiquent que le projet pourrait être définitivement abandonné. Malgré les assurances initiales d’ÉcoPro BM concernant leur engagement envers le projet, les multiples arrêts, le retrait de partenaires clés comme Ford et, coup de grâce, les tarifs de Trump, ont accru les doutes quant à la viabilité du projet.​

On pouvait le lire dans les pages de La Presse : «[…] C’est ce qu’a laissé entendre le chef de la direction de l’entreprise EcoPro Materials, Byeonghoon Kim, lors d’une entrevue avec le média financier Bloomberg News en marge de la conférence d’affaires InterBattery qui a lieu à Séoul, en Corée du Sud. «C’est difficile de redémarrer la construction [à Bécancour] alors que [le président] Trump menace d’imposer des tarifs contre le Canada, a indiqué M. Kim. Parce que s’il y avait des tarifs sur les produits venant du Canada, il y aurait peu de différence pour nous de fabriquer ces produits d’une usine en Corée pour exportation directe aux États-Unis.»»

Un projet phare de la CAQ en train de s’écrouler?

La filière des batteries était devenue le projet phare de la Coalition Avenir Québec (CAQ) post-pandémique, avec Pierre Fitzgibbon, alors ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, comme principal architecte. Cependant, son départ en septembre 2024 a suscité des appels à la suspension des travaux parlementaires entourant le projet de loi 69, lié à la gouvernance énergétique. Cette situation a accentué les incertitudes entourant l’avenir de la filière batterie au Québec.​

Maintenant, le retour de Donald Trump sur la scène politique américaine, marqué par une realpolitik économique et des politiques pro-hydrocarbures, a contribué à la dévaluation rapide des investissements verts. De plus, l’abandon du bannissement des voitures à essence prévu pour 2035 a ralenti un marché déjà en difficulté. Par ailleurs, la guerre tarifaire avec la Chine, qui possède un avantage concurrentiel dans les voitures électriques, a imposé des restrictions supplémentaires au secteur automobile canadien, accentuant les défis pour des projets comme celui d’ÉcoPro BM.​

Revoir les priorités énergétiques face aux défis économiques

Dans ce contexte, il deviendrait extrêmement négligent de maintenir les mêmes politiques de transition agressives qui nous mettent en difficulté d’un point de vue énergétique et économique. La situation actuelle oblige le Québec à réévaluer ses priorités.

La fermeture probable d’ÉcoPro BM et les difficultés de Northvolt ont déçu les attentes économiques de la région de Bécancour, qui espérait des retombées significatives.​ Face à cela, il serait opportun de remettre en fonction le projet de terminal gazier de Bécancour. La région pourrait exploiter son potentiel gazier et/ou pétrolier, ainsi que ses infrastructures portuaires stratégiques. Disposer d’infrastructures portuaires opérationnelles renforcerait la position économique de Bécancour et offrirait des alternatives face aux incertitudes actuelles du secteur des batteries.​

Bref, les récents revers dans la filière des batteries au Québec, illustrés par les difficultés d’ÉcoPro BM, soulignent la nécessité d’une réévaluation stratégique des priorités énergétiques et industrielles de la province.​