En France, plus d’une centaine d’éditeurs ont publié une lettre ouverte qui mettait en valeur la liberté de la presse. Cet élan ne vient pas de nulle part, il est en lien avec l’intimidation exercée auprès du magazine satirique, Charlie Hebdo. Cette publication ne se gêne pas pour se moquer des communautés de foi théiste, de sombrer dans le blasphème et d’outrepasser les règles de la bienséance. Aux dires de certains, elle bascule dans l’infâme. Personnellement, je trouve Charlie Hebdo de mauvais goût, mais que ses journalistes émettent leurs opinions souvent de manière irrespectueuse et choquante n’est toutefois pas une raison valable pour perpétrer des attentats contre eux.
Dans la nouvelle Gaule, on milite pour le droit de blasphémer, de rire des religions, de choquer les gens. Au contraire, au Québec, on veut museler quiconque s’éloigne de la pensée unique. Ce courant de pensée vise l’uniformisation des idées, des opinions, basée sur celles que les médias traditionnels décrivent comme convenables. Toutefois, certains médias de droite ont tendance à se distancer de cette pensée standard, car leur discours émet un autre son de cloche. Cependant, très peu d’entre eux ont ce même courage de s’éloigner de la conformité attendue de la part de tous.
Cette semaine, on pouvait lire des citations de chroniqueurs du Journal de Montréal outrés que des gens inquiets du lobby concernant la gestion sociale et économique de la Covid puissent faire entendre leur voix dans les médias traditionnels. Que ces journalistes soient en désaccord avec les propos de ces dissidents de la pensée unique, c’est de bonne guerre. Par contre, ce qui est décevant de leur part, c’est qu’ils sombrent facilement dans le mépris au lieu d’opter pour l’argumentation. Karine Gagnon va jusqu’à dire que les dissidents de la pensée unique sont « extrêmement faibles sur les arguments, croient connaître la vérité, peu importe la science, tout comme ces animateurs sans vergogne qui agissent en irresponsables ». Elle affirme son opinion sans disloquer aucun de leurs arguments, elle esquive le tout. En fait, elle agit comme un attaquant du Canadien qui, au lieu de faire une passe à son coéquipier, lance la rondelle le long de la bande pour qu’elle y fasse le tour et ne se rende nulle part. En fait, voilà une démonstration de ce que ces chroniqueurs recherchent, créer une distance émotionnelle avec les dissidents de la pensée unique au lieu de nourrir une pensée articulée qui permettrait à leurs lecteurs de se faire une opinion après avoir entendu les pour et les contre de la question. Je me demande parfois lequel des deux camps tombe dans le sensationnalisme, voire dans l’irrationnel.
Claude Villeneuve, de même, se laisse emporter dans le même élan de moquerie, soulève des faits sans arguments de fond, ne faisant que les discréditer sans donner de munitions intellectuelles. En voici un exemple : « À Radio X, l’animateur du matin, Dominic Maurais, reçoit Ken Pereira pour parler 5G et Bill Gates. Il l’encourage en disant que tout ce qu’il dit relève des faits. » Il ne dit pas en quoi les propos de Ken Pereira ne relèvent pas des faits, il ne démolit rien. En réalité, il fait ce qu’il leur reproche. Ce genre d’argument ne fait que renforcer la tendance à se réfugier dans le concept de la pensée unique : « Tout le monde pense comme ça, donc tu dois penser comme ça. Ne cherche pas à comprendre, ne questionne pas, ne cherche pas à débattre et surtout ne dis jamais que les dissidents ont un ou deux points intéressants à considérer, ça risque d’ébranler le sacrodogme de la pensée unique. » Contrairement à la France, c’est là où le Québec se positionne.
Sans surprise, ça m’attriste d’observer la culture française qui veut plus de liberté de presse, plus de liberté d’expression alors qu’au Québec, on en réclame moins. En fait, la quasi-totalité des médias traditionnels chez nous recherche continuellement à recentrer le discours tandis qu’en France, on veut le décentrer davantage. Ne nous demandons pas pourquoi les Québécois ont de moins en moins le goût de s’exprimer en français, c’est une langue qui ne cesse d’être muselée.