Un commentaire de Philip Deck, publié le 31 octobre 2025 sur The Hub, plaide pour une redécouverte de la dimension fondamentale de l’énergie dans la survie même de la civilisation. Selon lui, le refus contemporain d’assumer pleinement la puissance énergétique — notamment au Canada — constitue non seulement une erreur économique, mais un symptôme de déclin spirituel et intellectuel.
L’énergie, moteur de l’ordre face à l’entropie
Philip Deck ouvre son essai en rappelant une vérité physique essentielle : selon la seconde loi de la thermodynamique, tout tend vers le désordre — sauf la vie, qui crée temporairement de l’ordre en captant et transformant l’énergie. Cette lutte contre l’entropie, écrit-il, est au cœur de l’histoire humaine : « Chaque grand saut de progrès a été rendu possible par notre capacité à dompter et convertir l’énergie. »
Des réactions biochimiques du carbone à la photosynthèse, jusqu’à la combustion et à la production industrielle, l’auteur voit dans l’énergie le fil conducteur qui relie la matière à la signification. Sans énergie, aucune forme de vie ni de culture ne peut s’organiser ; avec elle, les civilisations émergent, bâtissent, pensent — puis déclinent lorsqu’elles cessent de la comprendre.
De la lumière de Dieu à l’intelligence artificielle
S’inspirant à la fois des religions anciennes et de la pensée moderne, Deck relie la quête d’énergie à celle du sens. Il rappelle que de nombreuses traditions, de l’Égypte ancienne à l’hindouisme, ont assimilé le soleil à une divinité créatrice, intuition spirituelle de la vérité scientifique selon laquelle toute vie dépend de la lumière.
L’auteur cite ensuite des interprétations contemporaines : Matthieu Pageau, dans sa lecture du Livre de la Genèse, voit dans la création de la lumière le symbole de la naissance du sens et de l’ordre. De son côté, le philosophe Daniel Dennett propose une version séculière : le sens ne vient pas d’une révélation divine, mais du processus énergétique à l’œuvre dans la vie et la culture.
Pour illustrer cette tension entre poussière et génie, Deck évoque Shakespeare : « Quintessence of dust », cette poussière noble que nous sommes — chefs-d’œuvre temporaires produits par la consommation d’énergie.
L’intelligence artificielle : nouveau seuil énergétique de la signification
Philip Deck pousse plus loin la réflexion : pour la première fois, la création de sens sort du biologique. Les systèmes d’intelligence artificielle, écrit-il, « modélisent la pensée humaine à travers d’immenses flux énergétiques ». Les centres de données consomment des quantités d’électricité telles que l’énergie devient désormais la véritable limite de croissance de l’IA.
Dans un monde où l’électricité se fait rare et où les centrales nucléaires ne suffiront pas à court terme, Deck estime que seule la production au gaz naturel peut répondre à la demande immédiate. Le paradoxe, souligne-t-il, est cruel : alors que les réglementations climatiques limitent le développement énergétique, la révolution technologique la plus rapide de l’histoire repose justement sur une soif d’énergie sans précédent.
L’idéologie anti-énergie : un frein civilisationnel
Pour The Hub, Deck identifie une rupture culturelle : l’Occident industrialisé, rongé par la culpabilité écologique et la peur du progrès, s’est retourné contre la source même de sa vitalité. Les mouvements environnementalistes ont certes permis des avancées, reconnaît-il, mais ont aussi propagé un discours où toute consommation d’énergie est perçue comme suspecte, voire immorale.
Or, avertit-il, cette hostilité persisterait « même si l’énergie était totalement sans carbone ». Ce rejet de l’abondance relève selon lui d’un nihilisme anti-progressiste : une haine de la puissance, de la création et de la maîtrise technique, héritée d’un sentiment de culpabilité moderne face à la nature.
L’auteur appelle donc à dépasser les récits de peur et à renouer avec une vision positive de la production énergétique — incluant le nucléaire, la géothermie supercritique et, à terme, la fusion. La question du carbone ne saurait effacer la nécessité première : assurer la continuité de la civilisation.
L’avantage stratégique de la Chine et le retard occidental
Dans sa conclusion, Philip Deck élargit le propos au terrain géopolitique. Tandis que l’Occident s’enferme dans la contrition réglementaire, la Chine, « débarrassée de toute contrainte climatique sérieuse », fait de l’énergie et de l’intelligence artificielle les piliers de sa suprématie future. Si l’IA devient, comme il le croit, le facteur décisif de la puissance économique et militaire, alors l’énergie en est la condition sine qua non.
« Si nous ne pouvons pas rivaliser sur le plan énergétique, nous perdrons la guerre de l’IA », avertit-il. Ainsi, derrière les slogans de “superpuissance énergétique” souvent galvaudés au Canada, se joue rien de moins que la survie d’un monde libre capable de produire sa propre signification.



