Alors que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) tient une audience publique cruciale sur la redéfinition du contenu canadien (Cancon), les tensions montent entre les diffuseurs traditionnels et les plateformes de diffusion en continu. Anja Karadeglija, journaliste pour La Presse Canadienne, rapporte que les principaux acteurs étrangers du streaming – notamment Netflix, Paramount, Disney et Amazon – s’opposent fermement à ce que leur soient imposées les mêmes obligations que celles qui régissent les médias canadiens traditionnels.
La Motion Picture Association-Canada (MPA-Canada), représentant les intérêts de ces géants du numérique, a défendu vendredi sa position devant le CRTC. Selon elle, les entreprises de diffusion en ligne à l’échelle mondiale ne devraient pas être tenues aux mêmes standards que les télédiffuseurs canadiens, en raison de leur nature transnationale et de leurs modèles économiques distincts.
La controverse survient alors que le CRTC s’apprête à moderniser sa définition du contenu canadien, dans le cadre de la mise en œuvre de la nouvelle Loi sur la diffusion continue en ligne (ancien projet de loi C-11). Cette réforme vise à intégrer les plateformes numériques aux obligations culturelles canadiennes, jusque-là principalement imposées aux réseaux télévisés traditionnels.
« Le standard de contribution appliqué aux radiodiffuseurs canadiens est bien plus élevé et reflète leurs obligations historiques », a souligné MPA-Canada dans sa déclaration d’ouverture. « Le Parlement a expressément choisi de ne pas imposer la même norme aux entreprises étrangères, jugeant cela irréaliste. »
Le nœud du débat réside autant dans la définition même de ce qui constitue un contenu canadien que dans les obligations financières liées à sa production. Tandis que les diffuseurs canadiens doivent consacrer jusqu’à 30 % de leurs revenus à du contenu local, les plateformes étrangères comme Netflix sont tenues à un minimum de 5 % — une règle que ces dernières contestent actuellement devant les tribunaux.
Karadeglija rapporte que Netflix, Paramount et Apple ont même retiré leur participation à l’audience du CRTC cette semaine, exprimant ainsi leur désaccord de manière spectaculaire.
MPA-Canada plaide pour que ses membres puissent remplir leurs obligations par des investissements directs dans la production de contenu, en harmonie avec leurs propres modèles d’affaires, plutôt que par l’intermédiaire de fonds ou de mécanismes d’achat de programmes imposés.
Le CRTC a suggéré de maintenir le système actuel d’évaluation du contenu canadien, basé sur un système de points attribués selon les postes occupés par des Canadiens dans une production (réalisateur, scénariste, acteurs principaux, etc.). Il propose toutefois d’élargir cette liste afin d’intégrer des fonctions contemporaines cruciales, comme celle de showrunner, devenue centrale dans les grandes séries modernes.
Mais pour MPA-Canada, cette approche reste trop rigide. « Ajouter quelques fonctions à une liste vieille de plus de 40 ans ne reflète pas les réalités actuelles de la production internationale », a plaidé l’organisation.
Au-delà du débat sur le financement et les quotas de Cancon, ce dossier rouvre une inquiétude plus profonde, maintes fois exprimée depuis l’adoption de la Loi sur la diffusion continue en ligne : celle de l’ingérence du gouvernement dans les algorithmes des plateformes. Si le CRTC venait à exiger que les plateformes favorisent la visibilité du contenu canadien via des ajustements algorithmiques, cela soulèverait des enjeux majeurs de liberté d’expression, de transparence technologique, et d’ingénierie culturelle.
Plusieurs groupes de défense des libertés numériques – comme OpenMedia – ont déjà dénoncé l’idée de donner au CRTC le pouvoir de dicter quels contenus doivent être promus dans les recommandations personnalisées des plateformes comme YouTube, Spotify ou Netflix. Une telle intervention pourrait ouvrir la porte à une forme de « programmation culturelle forcée », jugée incompatible avec les fondements d’un Internet libre et ouvert.
La question demeure donc entière : jusqu’où l’État canadien peut-il aller pour promouvoir sa culture sans basculer dans une forme de contrôle éditorial des plateformes numériques ? Et les efforts pour « canconiser » Internet risquent-ils, paradoxalement, de marginaliser encore plus le contenu canadien sur la scène mondiale si les géants du web décidaient de se retirer du marché canadien ou de réduire leurs investissements locaux ?
Le CRTC poursuivra ses audiences jusqu’à la fin de la semaine prochaine. L’enjeu dépasse le simple cadre réglementaire : il s’agit bel et bien de redéfinir l’identité culturelle canadienne à l’ère du numérique.
Récemment, a été inaugurée à Montréal la place des Montréalaises. C’est une œuvre qui aura…
Fox News rapporte que le Danemark, après quarante années de bannissement du nucléaire, envisage maintenant…
Le troisième lundi de mai, c’est la Fête des Patriotes au Québec, une journée où…
Les ventes de véhicules électriques (VE) au Canada ont connu une nouvelle baisse en 2025,…
Dollard des Ormeaux, vous connaissez ? C’est un personnage historique que l’on célébrait jadis, le…
Marie-Élaine Guay, auteure, poète et chroniqueuse à Radio-Canada, affirmait récemment dans le balado de Fred…