Traduit de l’anglais. Article de Sabrina Maddeaux publié le 1er mars 2023 sur le site du National Post.
Jusqu’à ce que les éditeurs, les commissions scolaires et les bibliothèques en général trouvent le courage de résister à la culture de l’annulation littéraire, les sanctuaires de livres joueront un rôle important.
Lorsque j’entends le mot «sanctuaire», je pense aux animaux – aux espèces menacées, braconnées et maltraitées qui ont besoin d’un refuge sûr. Je ne pense pas aux livres. Et pourtant, à l’instar des éléphants, des pandas géants et des tigres, trop de romans, de textes religieux, de mémoires, de livres pour enfants, de poèmes et de pièces de théâtre se retrouvent pourchassés par des censeurs enragés qui ne veulent pas exhiber leurs meurtres, mais les effacer de l’histoire.
Nous vivons une nouvelle ère de censure intellectuelle et littéraire, comme il n’y en a pas eu en Amérique du Nord depuis l’apogée de la guerre froide. L’interdiction des livres est devenue un fléau bipartisan pour des raisons allant des thèmes homosexuels « insidieux » à l’endoctrinement religieux, en passant par le langage offensant, le contenu sexuel, les stéréotypes raciaux et même la mauvaise grammaire.
Nous nous retrouvons donc dans un monde où la bibliothèque publique de Toronto (TPL) se sent obligée d’accueillir un «sanctuaire de livres», un concept dystopique qui semble tiré des pages de Fahrenheit 451 (qui, bien que traitant des méfaits de la censure, a ironiquement fait l’objet de nombreuses tentatives d’interdiction ou de censure).
La collection Book Sanctuary de la TPL contient 50 livres qui ont suscité des tentatives de censure ou d’interdiction en Amérique du Nord. Elle est exposée en permanence à la Toronto Reference Library, mais les ouvrages sont accessibles dans toutes les succursales de la TPL, ainsi qu’en ligne.
Cette initiative s’inscrit dans le cadre du projet Book Sanctuary, lancé l’année dernière par la bibliothèque publique de Chicago. Le projet compte plus de 1 770 Book Sanctuaries à travers les États-Unis et encourage les gens à collecter des livres en danger et à les rendre accessibles aux autres. Son slogan : «Certains livres ont des héros. D’autres en ont besoin». Une pensée déprimante, en effet.
Les récentes absurdités de l’éditeur de Roald Dahl, Puffin, montrent l’étendue du problème. Puffin prévoyait de censurer les classiques de l’auteur pour enfants en omettant des mots prétendument inacceptables comme «fou», «gros» et «laid», ainsi qu’en supprimant les références au sexe, à la couleur de la peau et même au fait qu’un personnage féminin change de nom de famille en se mariant.
Heureusement, un semblant de bon sens a prévalu et l’éditeur a finalement accepté de publier les versions classiques et actualisées des œuvres de Dahl. Mais certains livres ne sont pas aussi chanceux.
Le site Web de la TPL répertorie les 50 titres de sa collection Book Sanctuary ainsi que les raisons pour lesquelles ils ont été contestés. Certains sont des classiques, comme Le journal d’une jeune fille d’Anne Frank (contesté pour des discussions sur la sexualité pendant la puberté), La boussole d’or (pour avoir promu l’athéisme) et même la Bible (pour endoctrinement religieux, représentations de la violence, insinuations sexuelles et notions anticapitalistes).
D’autres sont moins connus, comme The Great Bear, un livre pour enfants interdit en 2022 par le conseil scolaire du district de Durham pour avoir prétendument porté atteinte aux populations autochtones. Le hic ? Il a été écrit par l’auteur cri primé David A. Robertson. Le livre a été rétabli après que l’auteur ait réussi à faire pression.
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Les livres ne devraient pas avoir besoin de sanctuaires, mais jusqu’à ce que les éditeurs, les commissions scolaires et les bibliothèques en général trouvent le courage de résister à la culture de l’annulation littéraire, ils peuvent jouer un rôle important dans ce que la Chicago Public Library appelle effrontément la «Read-sistance». Mais ils offrent également un test plus large de notre démocratie : libérer les livres de la censure est absolument nécessaire si nous voulons protéger la liberté d’expression sous toutes ses formes.
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