Mercredi dernier, le PDG d’Hydro-Québec Michael Sabia s’est adressé aux membres du Cercle Canadien de Montréal et a commenté la situation tarifaire avec les États-Unis dans quelques déclarations fortes. Par la même occasion, il a réitéré son optimisme dans les choix énergétiques verts du Québec, et remis en question le retour du pétrole. Bien qu’on puisse apprécier la fougue de M. Sabia dans la protection des intérêts québécois, on peut tout de même douter de ses analyses quelque peu jovialistes.
D’abord, il dit que pour négocier, il faut être en position de force. « Surtout face à un intimidateur. Et le président des États-Unis est un intimidateur. La force, c’est ce que les gens à Washington comprennent » De la sorte, à la question si l’on doit envisager de couper les exportations d’électricité vers les États-Unis, il répond que « tout doit être sur la table ».
Mais c’est justement là tout le problème : nous n’avons aucune position de force. Quand bien même qu’on coupe l’électricité aux Américains, 100% du pétrole qu’on importe passe par les États-Unis. Eh oui, bien que la moitié vienne de l’Ouest Canadien, l’entièreté passe par un pipeline en territoire américain ; précisément parce qu’on a refusé Énergie-Est! Veut-on réellement jouer à ça? Les États-Unis gagneraient toujours. Il ne suffit pas de dire qu’on doit négocier en position de force pour que ça devienne une réalité, il faut aussi savoir négocier de manière réaliste.
De plus, Michael Sabia déclare que c’est une erreur de croire au retour des hydrocarbures, et cite l’exemple de Exxon et Chevron qui n’anticiperaient pas de croissance dans le secteur pétrolier. Selon lui, les appels à « Drill, baby, drill! » de Donald Trump ne seraient « que du bruit » : « Suivez les dollars. Chevron a coupé ses CAPEX [budgets d’investissement] de 2 milliards US pendant que GE Vernova, du renouvelable, va investir 9 milliards US d’ici 2028. »
Or on pourrait bien lui répondre que les cotations ESG et les programmes DÉI étaient considérés comme très prometteurs par le grand capital il n’y a que quelques mois, et que dans les dernières semaines, du jour au lendemain, les grosses compagnies ont commencé à purger ces programmes wokes. Le paradigme change à une vitesse folle, nos politiciens sont visiblement dépassés. Pour ce qui est du marché, il demeure prudent, particulièrement dans un secteur habitué de se voir harcelé par les politiques gouvernementales et les réglementations.
Mais selon Micheal Sabia, c’est la preuve que le Québec est du bon côté de l’histoire, et que la situation va ultimement se retourner à notre avantage. Il argue qu’en bout de ligne, ce sont les États-Unis qui se retrouveront seuls et isolés.
Je suis désolé, mais c’est de la pensée magique et un pari extrêmement risqué.
Le problème que Michael Sabia néglige ici, c’est que cet optimisme du marché de l’électrique n’est fondé que par une assurance politique par les gouvernements en Europe et au Canada de faire des transitions énergétiques agressives pendant les prochaines décennies. Mais de toute évidence, ces « assurances » sont complètement artificielles et peuvent tomber à la moindre élection. Et lorsqu’elles tombent, on voit bien que la croissance de ce secteur et tout sauf organique ; que tout ça n’est qu’un mirage – et un très mauvais choix géostratégique face à «l’ultra-domination » du cette filière par la Chine.
Même si le Canada et l’Europe deviennent des utopies électro-hippies dans les prochaines années et que les États-Unis demeurent attachés aux énergies fossiles, où croyez-vous que les autres superpuissances se situeront sur ces enjeux? Qu’en dira la Chine, la Russie, l’Inde? Qu’en diront les 4 milliards d’Asiatiques, les 1,3 milliards d’Africains? Les projections de M. Sabia pour les prochaines années sont-elles aussi optimistes sur la filière des batteries qu’elles ne le sont quant à l’influence du Canada et de l’Europe sur la scène mondiale?
Évidemment, on peut se dire que le règne de Trump va bien finir un jour, et que rendu là, les États-Unis rejoindront à nouveau le grand concert des nations énergético-morales – que la vertu soit sur eux. Mais serait-ce faire preuve d’un excès d’optimisme?
Ces mêmes gens qui semblaient persuadés de voir Kamala Harris prendre le pouvoir peuvent ils réellement nous convaincre qu’après Trump, ce ne sera pas un Vance, un Trump fils ou un DeSantis qui va continuer sur cette voie pour des décennies encore? Dans ce cas de figure, ne serait-ce donc pas le Canada et l’Europe qui se retrouveraient de plus en plus isolés et pris entre un club de grandes puissances qui décident réellement le sort du monde?
Face à tous ces enjeux et à un contexte multipolaire de plus en plus imprévisible, les grands idéaux et les projections conditionnelles au beau temps ne valent plus grand chose : le principe de réalité reprend le dessus et nous force à être pragmatiques.
Ce que ça prend pour faire face aux menaces de notre époque, c’est de la flexibilité gouvernementale et de l’effectivité. On n’a plus le luxe, face à une administration Trump hyperactive, de faire traîner des projets de développement pendant des années, multiplier les blocages et les bannissements et réagir aux développements de l’actualité à pas de tortue. L’urgence en ce moment, c’est de libérer les capacité productives de notre province en allégeant les réglementations et le fardeau fiscal des Québécois.
Et surtout : on doit arrêter de tout mettre nos oeufs dans le même panier… Un chroniqueuse écrivait récemment sur les « risques » de la diversification énergétiques. Cette folie doit cesser.
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