La ministre Danielle McCann a déposé, le 7 avril dernier, le projet de loi 32 pour protéger la liberté d’expression dans les universités. Ce projet de loi va dans la bonne direction, mais est impuissant à résoudre le problème auquel il dit s’attaquer.

Le gouvernement Legault fait semblant, de temps à autre, de camper au centre droit, échéance électorale oblige. Mais faire semblant cette fois-ci n’est pas suffisant, l’enjeu est trop important.

Une fois le diagnostic posé, Il faut avoir des convictions. C’est là que la CAQ échoue à son examen.

Avant de proposer des pistes d’amélioration du projet de loi, regardons la situation de plus près.

J’ai travaillé près de trente ans dans le monde des relations publiques et j’ai effectué une partie importante de ma carrière à l’Université du Québec à Montréal. J’ai été chargé longtemps de la rédaction des discours et j’ai eu accès à la haute direction ainsi qu’à des études sur différents problèmes que vivaient plusieurs universités.

Fort de cette expérience, je peux affirmer que le projet de loi 32 dénote une méconnaissance du fonctionnement du petit monde universitaire et sous-estime le mal qui le ronge.

Beaucoup d’universités – et pas seulement les facultés de sciences sociales – sont aux prises avec des professeurs et des administrateurs qui sont passés tout doucement du marxisme au wokisme.

La Commission Cloutier a établi l’an dernier que la majorité des professeurs au Québec s’autocensurent plus ou moins régulièrement en évitant, par exemple, d’utiliser certains mots ou d’aborder certains sujets. Les attaques subies en 2021 par la professeure Verushka Lieutenant-Duval à l’Université d’Ottawa en étant la dernière illustration. Le wokisme, le marxisme et l’écologie radicale font régner un climat de peur, car le système a ses méthodes pour organiser l’assassinat symbolique et la mise à l’écart du moindre dissident ou de toute personne qui semble dévier, même légèrement, de la doxa bien-pensante du mois.

L’Université est le champ de bataille d’une guerre culturelle qui a débuté il y’a une vingtaine d’années aux États-Unis. C’est à l’université que sont conceptualisés les justificatifs, les éléments de langage et la rhétorique qui seront déployés dans la société civile et les médias pour soutenir l’idéologie d’une gauche extrémiste en matière d’économie, d’environnement, de droit, de relations communautaires, de relations homme-femme et surtout dans le commentariat politique.

Dans plusieurs facultés qui forment les journalistes, pratiquement tous les professeurs sont de gauche ou d’extrême gauche et transforment trop souvent leurs classes en salles d’endoctrinement. Des collaborations et des stages foisonnent avec Radio-Canada et les autres médias mainstream.

C’est ainsi que l’on fabrique l’opinion publique.

Comme le soulignait Mathieu Bock-Côté dans son dernier livre, ce ne sera pas facile de faire bouger le paquebot. La sécurité d’emploi des professeurs et les règles d’embauche par les pairs favorisent l’endogamie. Le système est organisé pour se perpétuer.

Est-ce dire qu’il n’y a rien à faire? Pas du tout. Au contraire, le moment est arrivé de brasser cette cage.

L’autonomie des universités doit être respectée, mais elle ne doit pas être un prétexte à l’inaction devant des atteintes répétées à la liberté d’expression.

Avant de proposer une solution, examinons rapidement ce qui cloche dans le projet de loi 32 du gouvernement Legault.

Le projet de loi 32 n’est pas réaliste

Le projet de loi prétend garantir le libre exercice de la liberté d’expression dans les universités, mais on en confie l’exercice à des comités de surveillance bidon et qui n’ont aucun pouvoir de sanction.

Ces comités-conseils doivent agir à l’intérieur d’un cadre interprétatif : y a-t-il bien eu atteinte à la liberté d’expression? Les membres de ces comités auront de la difficulté à trancher entre la multitude de témoins et d’appuis rassemblés par des professeurs n’ayant pas la langue dans leur poche face à une ‘victime expiatoire’ déjà mise à terre par une campagne de dénigrement.

La réalité, c’est que ces comités seront composés de gens qui auront les mains liées par des fils qui les ramènent tous à leur carrière dans le monde académique et aux subventions de recherche dont ils dépendent.

Un recteur me disait à l’UQAM que lui et ses collègues ne feraient jamais rien pour discipliner les gauchistes et que c’était au gouvernement de le faire. Les rapports de force sont complexes au sein d’une université, où l’on essaie de ne choquer personne. On achète la paix au détriment du bien commun.

Et puis le courage d’un Jordan Peterson est chose rare : nous ne sommes pas tous prêt à remettre notre carrière en question pour défendre nos convictions. Le résultat prévisible, c’est que peu de plaintes se rendraient à ces comités.

Les recteurs, en bons tartuffes, plaident en public pour l’autonomie universitaire. En sachant qu’ils ne peuvent régler le problème seuls. Un autre paravent de l’immobilisme.

Le projet de loi 32 n’est pas réaliste, mais la ministre McCann fait semblant qu’il l’est. Après moi le déluge.

Le PCQ a une solution que la CAQ n’ose pas présenter

Un levier pour rétablir la liberté d’expression, c’est d’affronter le problème là où il est le plus criant.

Les menaces à la liberté d’expression ne viennent pas seulement de professeurs woke ou marxistes de différentes teintes, mais d’associations étudiantes dominées par des extrémistes. Ces associations vivent de fonds publics et de cotisations prélevées à la source lors des inscriptions étudiantes.

Ces associations étudiantes disposent de millions de dollars pour subventionner différentes causes toutes plus folles les unes que les autres, en écologie, luttes internationales ou wokisme le plus débridé. Tout en baillonnant les débats ou les conférenciers qui ne leur plaisent pas. Ce sont elles qui mettent régulièrement les étudiants en grève illégale et qui les privent d’un parcours académique normal. Il faut couper les vivres à ces militants radicaux qui devraient utiliser leurs talents d’influenceurs ailleurs.

C’est par ce bout-là que l’on va amorcer un changement et promouvoir une véritable liberté d’expression au sein de nos universités.

Comment exercer un contrôle public adéquat sur tous ces fonds? La solution passe par le renforcement de la démocratie étudiante.

À son Congrès de novembre, le Parti conservateur du Québec a proposé de modifier la loi 32 sur le financement des associations étudiantes (proposition no 5.2.2).

Il a été constaté que, dans une université comme l’UQAM, 50 % des étudiants sont inscrits à temps partiel; ils ont des familles et n’ont pas le temps de venir discuter avec des gauchistes dans des assemblées interminables.

Il a été donc été proposé de permettre le versement des cotisations étudiantes à une association étudiante dite « représentative » à la condition expresse que les responsables de l’association en question soient élus par vote secret et par internet. Ce type de vote permettrait à tous les étudiants de s’exprimer sans pressions et permettrait de mettre un terme aux votes tenus à minuit au milieu de la semaine.

La grande majorité des étudiants serait soulagée d’un tel changement. Une partie des professeurs et des recteurs aussi.

André Valiquette

Détenteur d’une maîtrise en histoire canadienne, il a été journaliste à Radio-Canada puis a poursuivi sa carrière dans le milieu universitaire, où il a été responsable de relations médias et rédacteur de discours. De 2007 à 2009, il a été directeur des communications à l’Institut économique de Montréal. Il a été candidat du Parti populaire du Canada en 2019 dans NDG-Westmount. Il a été président de la Commission politique du Parti conservateur du Québec et membre de son Bureau exécutif national. André publie une chronique à titre personnel dans Québec Nouvelles.

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