L’ignorance politique : notre plus grand ennemi collectif

Il faut bien le dire : lorsqu’on discute avec des Européens – Français, Italiens ou Grecs – on réalise rapidement l’océan qui nous sépare. Pas seulement géographique, mais culturel. Le Québec souffre d’un profond déficit en matière de culture politique. Et cette dépolitisation pourrait bien nous précipiter dans les abysses, si rien n’est fait pour redresser la barre.

Prenons un exemple : Gilles Proulx. À 85 ans, ce monument de la radio québécoise aura passé plus de 60 ans à défendre l’histoire de la Nouvelle-France, à faire connaître nos héros oubliés et les grandes femmes qui ont façonné notre société. Pourtant, son verdict est sans appel : les Québécois ne connaissent ni leur histoire, ni leur politique. Ce n’est pas une insulte, mais un appel au réveil.

Pendant que certains à droite, notamment les pirates, prônent l’abandon du projet national québécois – en affirmant que c’est une perte de temps, qu’il faut se fondre dans l’Amérique anglo-saxonne –, Gilles Proulx nous invite au contraire à réinvestir nos institutions, à s’informer, à résister.

Car oui, l’école a failli à sa mission. À vouloir trop relativiser, on enseigne aux jeunes le relativisme religieux, des notions bancales sur le genre, et des leçons vides de repères historiques. L’enseignement de base – notre histoire, notre système politique, notre droit – est relégué au second plan. Et cela a un coût.

Aujourd’hui, des Québécois s’apprêtent à voter pour Mark Carney par peur irrationnelle de Donald Trump. Comprennent-ils qui est réellement Mark Carney? Savent-ils qu’il était un conseiller économique clé du gouvernement Trudeau, et qu’il partage la responsabilité du naufrage libéral? Connaissent-ils ses déclarations sur le Québec, son mépris à peine voilé pour la langue française? Ou ses magouilles lors de ses précédentes fonctions?

Non. Car ils relativisent. Et parce qu’ils votent souvent pour des raisons anecdotiques. Pensons à cette dame qui votait libéral parce qu’elle trouvait le candidat « beau garçon ». Ou à cette autre, qui votait Jean Charest simplement parce que le bureau de circonscription du député de Dubuc était en face de chez elle. Anecdotes, oui. Mais révélatrices.

On dit souvent que « voter, c’est un droit ». Mais c’est aussi une immense responsabilité. Comme le rappelle la maxime rendue célèbre par Spider-Man : « Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités. » Le droit de vote est sacré, mais il perd tout son sens si l’électeur n’a pas les bases pour l’exercer de manière éclairée.

Bien sûr, il ne faut pas tout mettre sur le dos des citoyens. Les algorithmes, les médias sensationnalistes, la culture de l’instantanéité… Tout cela complique l’accès à l’information de qualité. Mais à ce jour, aucune machine n’a encore réussi à surpasser l’intelligence du cerveau humain lorsqu’il est bien alimenté.

Il faut donc réanimer cette pulsion de vie, cette flamme de dignité collective qui a permis aux Québécois de résister pendant plus de deux siècles. Malgré la Conquête. Malgré les tentatives d’assimilation. Malgré l’échec de 1837-38, la lumière a persisté, ravivée par les réformistes qui ont su investir les institutions coloniales pour en faire des outils au service du peuple.

Le Québec dort sur un trésor. Un trésor politique, historique, culturel. Mais faute de s’y intéresser, on risque de le perdre. Nous vivons dans l’un des endroits les plus enviables au monde, avec un tissu social fort, un niveau de paix remarquable, et une culture unique. Encore faut-il en être conscient. Car on protège ce qu’on aime.

Même en Alberta, Danielle Smith est forcée de reconnaître que les Québécois ne se laissent pas faire face au fédéral. C’est un honneur. Mais ce sont les citoyens, pas seulement les élus, qui doivent faire vivre cette flamme. En lisant. En discutant. En débattant. En votant avec sa tête.

L’avenir nous appartient. À condition d’y croire. Et surtout, de s’en montrer dignes.

Anthony Tremblay

Originaire de La Baie, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, Anthony Tremblay a étudié en politique appliquée à l’Université de Sherbrooke. Curieux de nature et passionné par les enjeux contemporains, il a parcouru le monde, explorant des pays tels que l’Indonésie, la Turquie et la Chine. Ces expériences l’ont marqué et nourrissent aujourd’hui ses réflexions sur la crise du monde moderne, les bouleversements technologiques et l’impact croissant des réseaux sociaux. Fort de son expérience d’enseignement de l’anglais en Chine, Anthony conjugue perspectives locales et internationales dans ses analyses. Il réside actuellement à Sherbrooke, où il partage son quotidien avec ses deux chiens.

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