Qu’il s’agisse de Radio-Canada, de TVA, du Journal de Montréal, de La Presse ou du Devoir, tout le monde entonne le même refrain : il faut faire venir toujours plus d’immigrants pour pourvoir des postes, car personne ici ne peut (ou ne veut) les occuper. Au point où il est difficile de remettre en question le refrain immigrationniste dans un contexte de précarité culturelle au Québec. Pourquoi l’immigration n’est pas la solution pour la « pénurie » de personnel? C’est ce que nous allons voir.

Sherbrooke. Automne 2023. Sur des pages de type « spotted », qui voient défiler de nombreux messages anonymes, plusieurs demandent s’ils n’ont pas un emploi à pourvoir dans leur entreprise. Et nous ne parlons pas d’emplois intéressants. Mais dans la vente au détail, la restauration. Secteurs qui sont en théorie les plus touchés par la « pénurie » de personnel. Les gens se plaignent d’avoir envoyé des dizaines de CV, de ne pas pouvoir concilier travail et famille. Est-ce possible que l’immigration massive des dernières années ait en fait exacerbé la difficulté pour plusieurs Québécois et immigrants arrivés depuis plus longtemps de se trouver un emploi?

Comme ces histoires que nous entendons sur les ressources humaines qui jettent les CV de gens surqualifiés ou écrits dans un français « trop » bon, on peut douter raisonnablement que les employeurs demandent avant tout des gens faisant leurs tâches sans poser de questions sur les conditions de travail, les avantages auxquels ils auraient droit ou sur les heures supplémentaires. Dans la région de Québec par exemple, plusieurs McDonald’s utilisent une main-d’œuvre étrangère avec un contrat de travail fermé. C’est-à-dire qu’ils sont soumis à la bonne volonté de l’employeur, qui peut imposer les horaires qu’il veut (soir, nuit, fin de semaine) à des gens captifs. Qui également paie leur loyer aux franchisés qui possèdent des maisons pour loger leurs travailleurs.

À Montréal, la crise du logement est telle que plusieurs finissent à la rue, ou pour les moins mal pris, déménage dans des villes comme Sherbrooke ou Trois-Rivières. Pourtant, les employeurs exigent toujours autant de nouveaux travailleurs. Mais que nous allons loger comment? Ça, on ne nous l’a jamais expliqué. Le chômage fait son retour à Montréal et ailleurs au Québec. Mais le gouvernement croit pertinent le fait d’amener des travailleurs étrangers pour travailler dans les usines de batterie qu’il subventionne avec l’argent public.

Selon plusieurs économistes, dont Pierre Fortin, amener des immigrants pour combler des postes font que la demande de services ou de produits augmentera toujours plus. Donc il sera toujours nécessaire d’amener toujours plus de travailleurs pour combler la pénurie causée par ces nouveaux consommateurs. C’est le serpent qui se mord la queue. De plus, la demande en main-d’œuvre étrangère est surtout dans des secteurs mal payés ou risqués, comme les abattoirs, les entrepôts d’Amazon ou Dollarama. Un libre marché qui est sain est celui où les travailleurs sont sollicités par des employeurs qui se battent pour attirer et garder la main-d’œuvre.

C’est pour cela que nous devrions revoir nos priorités dans cette société. Est-ce essentiel que tous les McDonald’s soient ouverts 24h? Est-ce si important que ça d’avoir des services de livraison comme Uber Eats qui coûtent les yeux de la tête? Ces emplois sont comblés par une main-d’œuvre mal payée qui a peur de déplaire au patron. Et ça, c’est mauvais pour tout le monde. On nivelle par le bas constamment. D’où le recours à des agences de placement et à l’économie de partage.

Avec l’automatisation qui s’en vient, il est probable que de nombreux travailleurs perdent leur emploi. Que celui-ci soit remplacé par une intelligence artificielle ou un robot. Il faudra alors soit reconvertir les travailleurs dans d’autres secteurs, ou bien offrir une prestation de type revenu de base. Il est donc inutile à long terme d’avoir recours à toujours plus de travailleurs étrangers. Qui sont souvent les moins qualifiés dans la nouvelle économie digitale. Le chômage fait son grand retour au Québec, et partout ailleurs dans le monde occidental. Et celui-ci n’ira qu’en augmentant. Il n’est pas trop tard pour faire les bons choix, qui déjà seraient d’automatiser au lieu de constamment faire appel à des gens de l’étranger qui consomment eux aussi. Donc qui creuse toujours la soi-disant « pénurie » de personnel.

Anthony Tremblay

Après des études en politique appliquée à l'Université de Sherbrooke, Anthony Tremblay s'est intéressé notamment aux questions sociales telles que le logement ou l'itinérance, mais aussi à la politique de la Chine, qu'il a visité et où il a enseigné l'anglais. Il vit à Sherbrooke avec ses deux chiens.

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