L’indépendance du Québec : une patate chaude pour les « solidaires »?

Pierre Falardeau fut le premier à dénoncer les fondateurs de Québec solidaire et leur froideur face à l’indépendance. Dans une entrevue qu’il a accordée à Richard Martineau, Falardeau affirmait que « mère Teresa David » a mis l’indépendance tout en bas de sa liste des priorités, et que ça a pris des années à Option Citoyenne, mouvement précurseur de QS pour décider s’ils voulaient du Québec un pays. Les solidaires ont toujours dit que l’indépendance était un outil qu’ils se donnaient pour leur « projet de société » avec assemblée constituante, pour écrire une constitution québécoise. Essayons de comprendre comment l’indépendance est depuis toujours vue comme un boulet gênant pour les militants solidaires.

Déjà, durant les années 70, les mouvements marxistes-léninistes, dont sont issus plusieurs des fondateurs de Québec solidaire, militaient contre l’indépendance du Québec, au nom de « l’unité de la classe ouvrière canadienne » et contre la loi 101, accusée de diviser les ouvriers selon leur langue. Ce fantôme a toujours suivi la gauche québécoise depuis la désaffection de Charles Gagnon qui a quitté le mouvement indépendantiste pour fonder le groupe En lutte.

Pendant que Pierre Vallières renonçait au FLQ pour appuyer le Parti Québécois et sa voie légale vers l’indépendance, Gagnon regardait du côté de la Chine ou de l’Albanie pour « unir la classe ouvrière » pour le socialisme. Si l’importance de ce mouvement en nombre de militants a été surestimée, son héritage demeure toujours présent dans les départements de sciences politiques des universités, le militantisme de gauche, institutionnalisé ou marginal, la culture et le mouvement communautaire.

Les militants de ces groupes dits « ML » ont milité contre le camp du oui en 1980, et ont ainsi creusé la tombe du communisme au Québec. Une théorie avancée sur la disparition soudaine de ces groupes communistes, au-delà du pourrissement du bloc soviétique durant les années 80 en Europe, c’est que plusieurs militants ont milité contre leurs convictions profondes, qui étaient en faveur de la souveraineté, mais qui furent obligés de militer contre au nom des ordres du parti.

La gauche québécoise a toujours ainsi traîné l’indépendance comme un débat controversé, au nom de vagues idéaux d’unité avec les Canadiens anglais. L’insuccès du NPD au Québec est justement lié aux difficultés de fonder un mouvement de gauche unificateur au Canada entre francophones qui visent au minimum plus d’autonomie pour le Québec, et les anglophones qui n’ont rien à faire de la décentralisation du pouvoir. Qui voudrait au contraire un État fédéral fort. La vague orange fut un incident de parcours dans notre histoire politique. Mais pour en revenir à Québec solidaire, ils ont toujours eu une gêne à parler d’indépendance.

Nous nous rappelons de la fusion entre le parti Option nationale, alors dirigée par Sol Zanetti, et Québec solidaire. C’était selon les termes de Sol, la première étape vers une radicalisation du discours « indépendantiste » à Québec solidaire. Or, aujourd’hui, ON est une coquille vide, une page Facebook inactive, qui bien qu’ils aient publié Le livre qui fait dire oui, n’a pas réussi à « nationaliser » Québec solidaire.

Plusieurs signes indiquent une lassitude des militants qsistes face à l’indépendance. Déjà, plus de 60% des électeurs du parti ne sont pas en faveur d’un Québec indépendant. Ce chiffre est similaire aux électeurs de la CAQ. Les solidaires, notamment Ruba Ghazal, parlent de l’indépendance comme un projet qui doit être « inclusif » en opposition à un nationalisme dit ethnique. À force de démoniser ainsi le projet indépendantiste, ils s’étonnent qu’une majorité de leurs électeurs soient contre.

De plus, lors d’un congrès de Québec solidaire, les militants ont voté à une faible majorité en faveur d’un Québec indépendant et solidaire. La société solidaire telle qu’elle était proposée était en fait un écran de fumée pour parler d’un Québec dans le Canada. Et ça, c’est sans compter les controverses des derniers mois dans le parti.

Gabriel Nadeau-Dubois a parlé en termes méprisants des compétences du Québec. Aucun dirigeant indépendantiste ne dirait des champs de compétences que ça ne l’intéresse pas. Ou bien lors de la dernière partielle dans Saint-Henri-Sainte-Anne, le candidat de QS a répondu à la question de la place de l’indépendance dans la campagne qu’il souhaite faire une « campagne positive ». Langue de bois vide de sens pour dire en quelque chose que l’indépendance est « négative ».

Peut-on faire confiance à Québec solidaire? Ils ont prouvé depuis l’élection de 2018, qui a fait élire 10 députés, qu’ils reviennent régulièrement sur leur parole. Qu’ils sont devenus un parti comme les autres. Qu’ils ne font pas de la politique autrement. Ils pratiquent la même langue de bois qu’ils reprochaient jadis aux grands partis. Et depuis Françoise David, vue comme la « conscience morale de l’Assemblée nationale », le parti qui était déjà très problématique, a révélé sa vraie nature. Le pouvoir pour le pouvoir. Quitte à mentir. Voilà Québec solidaire.

Anthony Tremblay

Après des études en politique appliquée à l'Université de Sherbrooke, Anthony Tremblay s'est intéressé notamment aux questions sociales telles que le logement ou l'itinérance, mais aussi à la politique de la Chine, qu'il a visité et où il a enseigné l'anglais. Il vit à Sherbrooke avec ses deux chiens.

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