L’Université comme champ de bataille dans la guerre sino-américaine

D’après un article de Simone McCarthy publié sur CNN le 23 mai 2025.

Dans un article publié par CNN, Simone McCarthy explique que la décision de l’administration Trump d’interdire à l’Université Harvard d’inscrire des étudiants internationaux a provoqué une onde de choc en Chine. Loin de se limiter à une préoccupation éducative, les réactions officielles et populaires chinoises traduisent une tentative transparente de transformer une affaire intérieure américaine en pièce à conviction dans le procès idéologique que Pékin instruit contre l’Occident.

Le ministère chinois des Affaires étrangères n’a pas tardé à condamner la mesure américaine, affirmant qu’il s’agissait d’une « politisation de la collaboration éducative », et que cela ne ferait que « ternir l’image des États-Unis ». Pourtant, cette dénonciation sonne creux lorsque l’on considère l’état réel de la liberté académique en Chine, où les universités sont soumises à une surveillance politique étroite, et où les échanges scientifiques sont filtrés selon les objectifs stratégiques du Parti communiste chinois (PCC).

Simone McCarthy note également que les réseaux sociaux chinois, notamment Weibo, ont été le théâtre de réactions jubilatoires : des commentaires ironiques saluaient la mesure comme un affaiblissement auto-infligé des États-Unis. « C’est amusant de les voir détruire leur propre force », lit-on dans un message très liké. Ce ton moqueur révèle une certaine satisfaction nationaliste à l’idée de voir une institution emblématique de l’élite américaine, Harvard, fragilisée.

Mais derrière cette apparente indifférence, c’est bien une inquiétude stratégique qui affleure. McCarthy rappelle que Harvard compte plus de 25 % d’étudiants étrangers, dont une proportion importante venant de Chine. Pékin sait pertinemment que l’accès de ses jeunes talents aux universités américaines les plus prestigieuses a constitué, pendant des décennies, un outil de formation inestimable pour sa propre élite, tant technocratique qu’économique. L’ancien vice-premier ministre chinois Liu He, principal négociateur du fameux accord commercial de Trump, est lui-même un ancien de Harvard.

L’administration Trump, pour sa part, ne cache pas sa volonté de rompre avec cette dynamique. Kristi Noem, secrétaire à la Sécurité intérieure, affirme que Harvard est tenue pour responsable d’avoir « favorisé la violence, l’antisémitisme et coopéré avec le Parti communiste chinois sur son campus ». Une déclaration qui jette une lumière crue sur les liens soupçonnés entre certaines institutions académiques américaines et des entités chinoises impliquées dans des recherches à visée militaire, voire dans des violations des droits humains.

Il est vrai que la stratégie éducative de Pékin à l’international n’est pas neutre. CNN rappelle que la Chine a longtemps été la principale source d’étudiants étrangers aux États-Unis, et que ces étudiants ont parfois été utilisés par le régime chinois pour des transferts de technologies sensibles. L’initiative « China Initiative », lancée sous Trump puis abandonnée sous Biden, visait précisément à contrer ces infiltrations académiques, bien qu’elle ait suscité des accusations de profilage ethnique.

Helen Regan et Joyce Jiang rapportent également des témoignages d’étudiants chinois directement affectés par cette mesure. Fangzhou Jiang, étudiant à la Kennedy School de Harvard, dit avoir été « absolument choqué » par la décision. Une autre étudiante, Sophie Wu, dénonce ce qu’elle perçoit comme une « prise d’otage » politique. Pourtant, on peut s’interroger sur la sincérité de ce désarroi : ces étudiants sont aussi les premiers à bénéficier d’un système éducatif américain qu’ils acceptent tant qu’il leur sert d’ascenseur social — mais dont ils condamnent soudainement les règles dès qu’elles se retournent contre eux.

En Chine, cette évolution s’inscrit dans une tendance plus large : celle d’un nationalisme éducatif croissant. CNN souligne qu’un nombre croissant d’universitaires chinois rentrent au pays, attirés par des postes prestigieux dans les grandes universités chinoises. Le phénomène de brain-drain, longtemps redouté par Pékin, est aujourd’hui présenté comme une forme de victoire symbolique sur l’Occident.

La décision de Washington, si elle peut paraître brutale, remet en question une relation académique profondément déséquilibrée. Alors que les États-Unis ont ouvert grand leurs portes aux étudiants chinois pendant des décennies, la Chine a maintenu un système hermétique, contrôlé, idéologiquement orienté. Dès lors, voir Pékin jouer la carte du partenariat éducatif apparaît pour ce qu’elle est : une posture opportuniste dictée non par l’amour du savoir, mais par un intérêt stratégique.

La Rédaction

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