Malgré ce qu’en pense Justin Trudeau : les compétences partagées, c’est important!

Dans un récent sondage publié par le Journal de Montréal, 82% des Québécois estiment que les gouvernements doivent respecter leurs compétences, et ils sont à 74% à penser qu’Ottawa doit obtenir l’accord des provinces avant d’intervenir. Bien qu’il n’y ait pas que le Québec qui tienne à ses compétences, cela démontre que le « fédéralisme » canadien n’est pas qu’un mot vidé de son sens par les libéraux. Petites réflexions sur la question controversée des « compétences ».

Le fédéralisme, comme on l’a déjà rappelé sur Québec Nouvelles, c’est un système politique qui s’applique souvent aux grands pays ou multiethniques, comme les États-Unis, la Russie, le Canada ou l’Australie. C’est qu’un gouvernement central, souvent dans une capitale considérée comme « à part », décide de certaines compétences qui s’appliquent à l’ensemble du territoire comme la monnaie, la politique étrangère, l’armée.

Cependant, les « compétences » dans lesquelles l’État intervient sont partagées avec des gouvernements d’échelons inférieurs. Comme des États américains ou des provinces canadiennes. Ils s’occupent d’enjeux plus proches des gens au quotidien : la santé, l’éducation, la culture, les allocations. On estime qu’ils sont plus compétents à apporter ce genre de service aux populations qu’un gouvernement central qui est souvent dans une capitale éloignée.

Or, ce qu’on vit présentement avec Justin Trudeau, c’est l’empiétement par le fédéral dans les compétences des provinces, telles que la santé, le logement, l’éducation. Ce qui est dangereux, c’est que le premier ministre canadien ne respecte même pas les principes de sa constitution. En affirmant que les « gens s’en fichent de quel gouvernement paie », cela crée un précédent qui élimine progressivement les frontières entre le gouvernement central (le fédéral) et les provinces.

Les provinces canadiennes pour la plupart estiment qu’elles sont légitimes à gérer leurs compétences. Et elles y tiennent. Tout particulièrement le Québec. Qui est une nation à part entière dans le Canada, avec sa langue et sa culture. Les gouvernements des provinces souhaitent un respect des compétences, car ils estiment qu’Ottawa est inapte à connaître les enjeux locaux, et méprise leurs différences.

L’Alberta est aussi une province éloignée de plusieurs milliers de kilomètres d’Ottawa. Quant au Québec, ce qui dérange, c’est que le fédéral est souvent vu comme hostile à sa langue, ce qui fait qu’il se méfie quand Justin Trudeau s’invite dans des dossiers dans lesquels il n’est pas la bienvenue pour s’impliquer.

Le Canada, c’est un pays qui s’est imposé par la force des choses, sans que personne n’ait nécessairement voulu pousser cette utopie postnationale jusqu’au bout. Des gens d’un océan à l’autre remettent de plus en plus en question le bien-fondé d’Ottawa pour gérer des parties grandissantes de leur vie. Le mouvement indépendantiste au Québec reprend de la vigueur, mais aussi dans les provinces de l’ouest, un mouvement autonomiste se développe. Quant à Terre-Neuve, il y a toujours un certain pourcentage de la population qui souhaite l’indépendance.

Les commentateurs politiques ont eu raison de dire que Justin Trudeau mettait le Canada tel qu’on le connaissait en péril. Le Canada est conçu comme une fédération où les compétences sont partagées entre un gouvernement central et des provinces. Or, ce qui arrive de plus en plus, c’est que les libéraux s’invitent dans des domaines où ils n’ont ni légitimité, ni été invités. Seul l’avenir nous dira si Trudeau fut le fossoyeur du Canada, mais il semble bien parti.

Anthony Tremblay

Après des études en politique appliquée à l'Université de Sherbrooke, Anthony Tremblay s'est intéressé notamment aux questions sociales telles que le logement ou l'itinérance, mais aussi à la politique de la Chine, qu'il a visité et où il a enseigné l'anglais. Il vit à Sherbrooke avec ses deux chiens.

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