Dans une chronique incisive publiée le 5 juin dans le National Post, le chroniqueur Jesse Kline sonne l’alarme : selon lui, le premier ministre Mark Carney est en train de replonger le pays dans le piège bien canadien d’un idéalisme paralysant, où les grandes ambitions s’enlisent dans les compromis politiques, les processus bureaucratiques et la multiplication des intérêts divergents.
Kline commence par souligner l’enthousiasme de façade affiché lors de la récente rencontre des premiers ministres à Saskatoon. Tous semblaient s’entendre sur la nécessité pressante de bâtir les infrastructures essentielles au développement énergétique du pays et à sa prospérité économique. Doug Ford parlait d’un projet sans précédent pour faire avancer le Canada. Scott Moe et Wab Kinew y voyaient une opportunité générationnelle. Même Danielle Smith, d’Alberta, exprimait un optimisme prudent.
Mais derrière les sourires et les poignées de main, Jesse Kline perçoit les premiers signes d’une machine fédérale déjà prête à étouffer l’élan sous des conditions vagues, changeantes, et foncièrement politiques.
Mark Carney a multiplié les critères pour qu’un projet soit jugé « d’intérêt national » : il devra renforcer l’économie, l’autonomie et la résilience du Canada, offrir des bénéfices indéniables, avoir une probabilité élevée de réussite, être priorisé par les leaders autochtones, et – surtout – contribuer à la « croissance propre ». Une liste noble en apparence, mais qui, selon Kline, pourrait servir à bloquer n’importe quel projet qui déplairait aux élites technocratiques d’Ottawa ou à certains groupes de pression.
Kline note que le gouvernement semble mêler projets d’infrastructures publics (routes, ponts) et investissements privés (mines, pipelines), alors que ceux-ci devraient répondre à des logiques différentes. Il critique aussi le caractère flou et extensible de l’exigence de « participation autochtone » : celle-ci, écrit-il, devrait se limiter aux communautés ayant des droits légaux sur les terres concernées, et non à celles invoquant des titres ancestraux non reconnus.
Le chroniqueur ne rejette pas la nécessité de normes environnementales ni le respect des droits autochtones, mais il plaide pour des règles claires, stables et prévisibles. Il dénonce le risque que le gouvernement fédéral s’érige en planificateur central de l’économie canadienne, en fixant des conditions arbitraires pour les investissements privés, plutôt que de laisser le marché guider les décisions.
L’exemple des oléoducs cristallise ses craintes : Carney n’a évoqué que timidement la possibilité d’« un oléoduc » dans un contexte de « barils décarbonés » — une expression que Kline juge aussi opaque qu’irréaliste. Pendant ce temps, François Legault refroidit déjà les attentes concernant un pipeline est-ouest, affirmant que le Québec devra y trouver son compte. David Eby, en Colombie-Britannique, se montre également réticent.
Pour Jesse Kline, ce type de revendications territoriales et de calculs politiques bloque depuis longtemps les ambitions énergétiques du Canada. Si Carney n’est pas capable de convaincre les provinces les plus réticentes, l’avenir des pipelines pourrait se limiter à des routes marginales, comme le port de Churchill ou l’extrême Nord.
La résistance n’est pas qu’interprovinciale. L’Assemblée des Premières Nations, par la voix de sa cheffe nationale Cindy Woodhouse Nepinak, exige le respect du consentement libre, préalable et éclairé, et menace de « conflits et de litiges prolongés » si ces principes sont ignorés. La Federation of Sovereign Indigenous Nations, de son côté, réclame carrément l’abrogation des lois de 1930 sur le transfert des ressources naturelles aux provinces des Prairies.
À travers tout cela, Kline déplore que les priorités économiques soient diluées dans un magma de préoccupations politiques, identitaires et environnementales souvent contradictoires. Et c’est là que, selon lui, le danger guette : lorsque l’État essaie de concilier toutes les revendications, rien ne se construit. Il compare la situation actuelle à une forme douce de planification centrale, où chaque groupe cherche à tirer sa part du gâteau, quitte à bloquer l’ensemble du processus.
En conclusion, Jesse Kline en appelle à un recentrage sur l’essentiel : définir l’intérêt national comme ce qui est bon pour l’économie canadienne dans son ensemble. « Une marée montante soulève tous les bateaux », écrit-il, et c’est en assumant pleinement cette logique que Carney pourra espérer accomplir ce qu’il promet. Faute de quoi, le Canada poursuivra son lent glissement vers ce que Kline qualifie sans détour de « servitude planifiée ».
Crédits : Jesse Kline, chroniqueur au National Post, est l’auteur de la tribune originale « Mark Carney fast tracks the road to serfdom », publiée le 5 juin 2025.
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