En mars dernier, le gouvernement fédéral a finalement mis à exécution la fermeture du chemin Roxham après un an de laxisme dans l’application de l’Entente sur les pays tiers avec les États-Unis. Instantanément, les groupes pro-immigration ont accusé le gouvernement de mettre en danger la vie des migrants, qui seraient alors obligés de prendre des routes encore plus dangereuses. Médecins Sans Frontières, par exemple, écrivait dans une lettre ouverte que cette mesure « n’empêchera pas les gens de rechercher la sécurité qu’ils ne trouvent plus dans leur pays d’origine, elle les obligera seulement à emprunter des itinéraires plus dangereux… »

Les derniers mois prouvent plutôt le contraire, les passages irréguliers ont enregistré une chute drastique, mais le flux migratoire ne s’est pas tari pour autant ; il s’est plutôt détourné vers les aéroports! En effet, au lieu de passer de manière illégale à la frontière, de nombreux migrants prennent désormais l’avion soit pour demander l’asile directement à leur arrivée, ou bien en se faisant passer pour des touristes et en déposant une demande dans les jours suivants.

Ainsi, selon le Devoir, « On compte environ 31 000 demandeurs d’asile pour les 5 premiers mois de 2023 au Québec. Si le rythme d’ajout de plus de 4000 par mois se poursuit, le niveau de 2022 sera atteint, soit un peu plus de 58 000 au total. »

La raison de cette facilité à pénétrer le territoire canadien et demander l’asile par la voie des airs vient d’un allégement réglementaire en matière de visa pour de nombreux pays d’où viennent ces migrants. Par exemple, depuis 2016, les ressortissants mexicains n’ont plus besoin de visa pour visiter le Canada. Or, l’imposante majorité des demandeurs d’asile des dernières années étaient mexicains. C’est donc dire que nos portes sont grandes ouvertes pour l’un des pays les plus problématiques en matière d’immigration.

Outre cela, 13 pays qui nécessitaient autrefois des visas peuvent désormais seulement payer une autorisation de voyage électronique au coût de 7$. Parmi ceux-ci, de nombreux pays des Antilles, la Costa-Rica, le Panama, le Maroc, l’Uruguay, l’Argentine, les Philippines, la Thaïlande…

Dans cette situation, la fermeture du chemin Roxham ne change effectivement pas grand chose. Le Canada est encore une véritable passoire. Et gageons que Trudeau en était pleinement conscient.

En soi, l’admission que le flux de migrants du chemin Roxham s’est détourné vers les aéroports et non pas vers des moyens encore plus clandestins et précaires que ne l’était déjà cette brèche dans la frontière terrestre prouve que les inquiétudes des groupes pro-immigration étaient largement exagérées. On nous annonçait pourtant qu’on mettrait la vie de ces gens en danger et qu’on les pousserait à risquer leur vie en traversant dans des zones plus isolées et hostiles. Or, non seulement les passages terrestres irréguliers ont drastiquement chuté, mais ceux qui tentent encore de faire une demande d’asile, loin d’apparaître désespérés, sans le sous et sans moyens à la frontière, s’achètent des billets d’avion comme n’importe quel touriste, font leur demande une fois rendu sur le territoire et sont ensuite hébergés par le gouvernement dans des hôtels.

Sans vouloir sembler trop insensible, ce n’est pas exactement l’image que les gens se font de réfugiés poussés au désespoir. On est à des années lumières des embarcations de fortune sur la Méditerranée ou des passeurs qui entassent les migrants dans des camions comme du bétail à la frontière entre les États-Unis et le Mexique. C’est un trajet qui s’apparente plus à des voyages tout inclus, avec l’activation d’un processus de citoyenneté en prime…

Malgré tout, les groupes pro-immigration utilisent encore l’argument que « fermer Roxham n’était pas la solution ». On voit encore la noyade migratoire comme une fatalité ; la seule option possible, selon ces gens, serait d’accepter tout le monde et faciliter l’entrée des migrants sur le territoire. En d’autres mots, selon leur logique, si votre chaloupe est percée à deux endroits et que vous colmatez une seule brèche, le fait que l’eau continue à rentrer par la seconde prouve que vous n’auriez pas dû tenter de colmater la première.

Aussi bien percer de nouveaux trous et laisser le bateau couler, nager, c’est tellement plus humain et naturel…

Contactés par le Devoir, des intervenants du milieu font part de cette vision fataliste. Selon Eva Gracia-Turgeon, directrice générale de Foyers du monde, les conflits armés et les changements climatiques pousseraient cette augmentation des flux migratoires. Elle en conclu « qu’il faut prévoir pour l’avenir » car « ce n’est que le début. Même son de cloche chez Stephan Reichhold, directeur de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI), qui affirme que c’est une « mouvance mondiale ».

Il est assez surprenant que des « experts » du domaine font preuve d’une telle naïveté dans leurs analyses de la conjoncture mondiale. Malgré tout ce qu’on peut croire, les statistiques sont pourtant claires : il y a de moins en moins de guerres sur terre, et l’extrême pauvreté est en net recul depuis 30 ans, assurant plus de stabilité partout sur terre. Ils auront beau tenter d’activer la panique environnementale, mais la réalité, c’est que leurs arguments ne tiennent sur à peu près rien de concret et ne jouent que sur l’émotion.

En vérité, la raison de l’augmentation des flux migratoires est très simple : les migrants sont poussés sur les routes par une décennie de laxisme des États occidentaux concernant leurs frontières et par la promesse que quiconque sera accueilli, qu’il entre de manière illégale ou pas. Tant et aussi longtemps que nos États ne prendront pas leurs responsabilités et voudront accueillir toute la misère sur du monde, les migrants seront au rendez-vous. Il vient un moment où il faut fixer une ligne à ne pas franchir (carrément), mais nos politiciens tels que Trudeau préfèrent continuer à vendre ce rêve illusoire, histoire de se flatter l’égo par signalement de vertu.

C’est pourtant simple : si vous invitez les gens chez-vous et affirmez qu’aucune mesure ne sera prise pour protéger votre propriété, il y a de bonnes chances que vous attiriez tout un tas de gens, et possiblement quelques voleurs. Si tout le monde connaît une manière de ne pas payer pour aller à votre cinéma local et que le cinéma en question affirme qu’il ne prendra aucune mesure pour contrer le phénomène, gageons que beaucoup de gens viendront profiter de cette faille… Des exemples comme ça, on pourrait en sortir à la pelletée. Il est dommage qu’en ce qui nous concerne ici, on puisse carrément l’appliquer à notre pays.

Philippe Sauro-Cinq-Mars

Diplômé de science politique à l'Université Laval en 2017, Philippe Sauro Cinq-Mars a concentré ses recherches sur le post-modernisme, le populisme contemporain, la culture web et la géopolitique de l'énergie. Il est l'auteur du livre "Les imposteurs de la gauche québécoise", publié aux éditions Les Intouchables en 2018.

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