Si la majorité des gens ressentent les effets des trois derniers mandats de Justin Trudeau à la tête du Canada, ils sont peu à dire qu’il a accompli beaucoup de choses… Outre la légalisation de la marijuana, des dépenses folles et une économie médiocre, on peine à voir sur quoi ce gouvernement travaille réellement. Or, s’il est un domaine dans lequel le gouvernement Trudeau a été hyperactif ces dernières années, c’est bien dans celui de la réglementation du web et de la liberté d’expression. Voilà maintenant un an qu’à cause de ses politiques, les canadiens ont accès à moins de contenu d’actualité sur le web.

En effet, les grands médias sont peut-être les premiers à accuser Meta, l’entreprise-mère de Facebook, d’avoir bloqué les nouvelles par avarice et refus de se conformer aux nouvelles lois canadiennes ; mais en définitive, c’est le gouvernement Trudeau qui voté ces lois et Meta, au contraire, ne fait que s’y conformer en bloquant les nouvelles sur son site.

D’ailleurs, le conflit d’intérêt des grands médias dans tout ça est flagrant : cette loi visait à détourner les revenus publicitaires des géants du web pour leur donner à EUX! Évidemment qu’ils ne sont pas contents que Meta refuse de les payer et, pour se conformer à la législation, cesse de leur offrir sa plateforme!

On se retrouve donc doublement desservis : les contenus d’actualité sont bloqués sur l’une des plateformes les plus populaires au Québec et les médias, en conflit d’intérêts, ne veulent même pas pointer le vrai problème.

Le contexte canadien actuel frôle la dystopie : on s’est pratiquement habitué au caractère anormal de la situation. Ce n’est qu’en quittant le pays et en redécouvrant ce qu’est un internet libre qu’on réalise l’étendue du désastre et à quel point cette politique a été dévastatrice pour l’information de citoyens.

Cet énorme biais en faveur des grands médias est probablement l’aspect central de ces lois connues sous le nom de « C-11 » et « C-18 ». En effet, le but ultime et assumé de ces législations est de « contrer la désinformation sur le web » et aider financièrement les grands médias en difficulté. Et pour ce faire, le gouvernement Trudeau n’a pas hésité à faire une politique de terre brûlée.

Car la loi C-18 s’est retournée contre TOUS les médias sur Facebook, mettant plus sérieusement en difficultés les médias alternatifs que les gros Titanics constamment remis à flots à coups de subventions… Nous en sommes très conscients chez Québec Nouvelles : presque la totalité de notre audience était sur Facebook ; c’est donc pratiquement l’entièreté de notre audience de 22 000 personnes qui a disparu du jour au lendemain.

Je pourrais évidemment en vouloir à Meta, une entreprise privée, qui a fait un choix d’affaires en fonction du nouveau contexte canadien, mais au fond de moi, je sais bien qu’ultimement, c’était l’objectif de Justin Trudeau. Ces lois n’ont jamais réellement eu pour objectif de contrer la désinformation et rendre les partages de revenus plus équitables sur le web : l’objectif a toujours été le contrôle total de l’information, et ce n’est possible que par une alliance entre le gouvernement et les grands médias contre la population et les sources d’informations alternatives que les médias sociaux permettaient.

D’ailleurs, si C-11 et C-18 étaient plus indirectes, le gouvernement poursuit cette tentative de museler le web avec C-63, qui prévoit des peines de prison à vie pour discours haineux, des mécanismes de dénonciations anonymes dignes des régimes totalitaires et tout un appareil bureaucratique de censure et de révision idéologique des citoyens.

Bref, outre la marijuana et l’économie catastrophique, l’héritage le plus lourd de Justin Trudeau sera probablement sa marque sur le web. Le Canada vit désormais dans sa propre chambre à écho avec un web muselé et surveillé de toutes parts.

Philippe Sauro-Cinq-Mars

Diplômé de science politique à l'Université Laval en 2017, Philippe Sauro Cinq-Mars a concentré ses recherches sur le post-modernisme, le populisme contemporain, la culture web et la géopolitique de l'énergie. Il est l'auteur du livre "Les imposteurs de la gauche québécoise", publié aux éditions Les Intouchables en 2018.

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