Migrants désormais considérés comme illégaux aux États-Unis : un exode vers le Canada en vue?

D’après un article de Josh Gerstein et Myah Ward publié sur Politico le 30 mai 2025.

Dans un revirement judiciaire qui pourrait bouleverser la vie de près d’un demi-million de migrants vivant légalement aux États-Unis, la Cour suprême américaine a autorisé l’administration Trump à commencer la déportation massive d’immigrants cubains, haïtiens, nicaraguayens et vénézuéliens. Ces derniers avaient obtenu un statut temporaire de résidence sous les programmes dits de « parole humanitaire », mis en place par l’administration Biden en 2022 et 2023. Cette décision pourrait provoquer un déplacement massif vers le Canada, alors que des milliers de personnes cherchent désespérément une alternative à une expulsion imminente.

Josh Gerstein et Myah Ward, journalistes chez Politico, expliquent que la Cour suprême a émis une ordonnance sommaire, sans justification, levant ainsi une décision d’un juge fédéral de Boston qui avait bloqué l’annulation des programmes CHNV (Cuba, Haïti, Nicaragua, Venezuela). Cette levée ouvre la porte à des expulsions immédiates, une mesure saluée par Donald Trump comme une « grande décision de la Cour suprême » et décrite par ses collaborateurs comme une étape essentielle pour « inverser les vols de migrants illégaux ».

Kristi Noem, la secrétaire à la Sécurité intérieure nommée par Trump, avait dès mars dernier ordonné la fin du statut légal des bénéficiaires de ces programmes, leur imposant un délai de 30 jours pour quitter le pays. Mais le juge Indira Talwani, nommée par Barack Obama, avait suspendu cette décision en avril, arguant que les révocations de statut devaient se faire au cas par cas. Cette protection juridique vient donc d’être supprimée par la plus haute instance judiciaire américaine.

Ketanji Brown Jackson, dans un puissant désaccord, a dénoncé l’approbation de la Cour comme une « erreur manifeste » qui « facilite une souffrance humaine inutile » et « bouleverse brutalement la vie et les moyens de subsistance de près de 500 000 non-citoyens ». Sonia Sotomayor s’est jointe à son opinion dissidente.

Le verdict pourrait s’étendre à d’autres bénéficiaires de la « parole humanitaire », notamment des Ukrainiens, des Afghans, et des enfants d’Amérique centrale, pour un total de près d’un autre demi-million de personnes. Josh Gerstein note que les défenseurs des droits des migrants s’attendent maintenant à une accélération du démantèlement de tous les programmes mis en place par Biden, alors que Trump promet de mettre fin à ces mesures dès son retour au pouvoir.

Karen Tumlin, avocate au Justice Action Center, avertit que « la décision de la Cour suprême donne le coup d’envoi au fantasme de déportation massive de l’administration Trump » et rappelle que ces individus avaient un statut légal jusqu’à tout récemment. Ils deviennent, du jour au lendemain, des sans-papiers aux États-Unis.

L’enjeu pourrait rapidement franchir la frontière nord. Avec la perte de leur statut légal et la menace d’une expulsion imminente, un grand nombre de ces migrants, notamment ceux ayant de la famille ou des liens communautaires au Canada, pourraient chercher refuge au nord. Déjà, les vagues migratoires précédentes, en particulier de ressortissants haïtiens et vénézuéliens, ont souvent ciblé le Québec comme destination. L’éventualité d’un exode massif n’est pas exclue.

D’autant plus que les bénéficiaires des programmes CHNV avaient souvent des parrains américains, souvent eux-mêmes issus de l’immigration, qui seront bouleversés par cette révocation. Josh Gerstein souligne que la mesure risque de provoquer une réaction politique, notamment en Floride, où les communautés haïtienne, cubaine et vénézuélienne exercent une influence croissante.

L’administration Trump, par l’entremise de son solliciteur général John Sauer, justifie l’initiative en soulignant le caractère temporaire et discrétionnaire des programmes CHNV, rappelant que le Département de la sécurité intérieure pouvait y mettre fin « à tout moment ». Il souhaite également que la Cour suprême corrige ce qu’il perçoit comme une « tendance déstabilisante » des tribunaux inférieurs à contester les politiques migratoires nationales.

Mais les militants des droits des immigrants accusent Trump de vouloir utiliser ces individus comme « cibles faciles » pour gonfler artificiellement les chiffres des expulsions, dans un contexte où les tribunaux d’immigration sont saturés. Les autorités disposent de données précises sur ces migrants, notamment leur adresse, ce qui facilite les arrestations ciblées.

Si le Canada est déjà familier avec les conséquences des politiques migratoires américaines — pensons à l’afflux au chemin Roxham durant la présidence Trump —, cette nouvelle vague pourrait être sans précédent en volume. Le gouvernement canadien devra rapidement anticiper les répercussions et évaluer sa capacité d’accueil.

La Rédaction

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