Près de 200 personnes ont été tuées lors d’une série d’attaques coordonnées lancées à l’occasion de Noël dans plusieurs villages chrétiens de l’État du Plateau, situé au coeur du Nigeria. Les journaux locaux parlent d’un « Noël noir ». International Christian Concern rapporte que des centaines de maisons ont été incendiées. Selon un résident du comté de Bokkos, des prêtres et leurs familles sont au nombre des personnes qui ont été tuées quand une horde composée d’une centaine d’assaillants armés a fait irruption dans les rues.
Avec une population de plus de 230 millions d’habitants, le Nigeria est le pays le plus peuplé d’Afrique. Son poids démographique le classe au sixième rang sur le plan mondial. Le Nigeria est un État multinational habité par plus de 250 groupes ethniques. Les Haoussas [Musulmans] constituent le groupe le plus important et représentent 30% de la population totale, suivis des Yoruba [divisés entre islam et christianisme] et des Igbo [Chrétiens], qui comptent pour un peu plus de 15% chacun. Les Peuls [aussi appelés Foulani], sont un peuple de pasteurs musulman et constituent le 4ème groupe en importance, avec plus de 6% de la population. Chacun des autres groupes représente moins de 2.5%.
Au-delà de sa composition ethnique, le Nigeria est traversé par une fracture religieuse qui oppose les Musulmans, majoritaires dans le nord, aux Chrétiens prédominants dans le sud. En 2020, Pew Research Center estimait la population musulmane à 51,1% et la population chrétienne à 46,9%.
Les violences religieuses ne constituent pas un phénomène nouveau au Nigeria. Le groupe djihadiste salafi Boko Haram, qui s’est donné comme objectif de faire appliquer la charia à la grandeur du pays, a perpétré de nombreuses attaques contre les chrétiens depuis 2009, dans la plus grande indifférence des médias.
Au lendemain de ces attaques de Noël, plusieurs médias chrétiens ont réitéré leur dénonciation d’un génocide visant à éradiquer les chrétiens du centre et du nord du Nigeria. Le silence des médias de masse a de nouveau été dénoncé.
Il faut toutefois souligner que les attaques survenues à Noël ne sont pas l’oeuvre de Boko Haram, mais d’éleveurs nomades peuls. Parallèlement aux attaques djihadistes sévit un autre conflit qui oppose les éleveurs peuls, qui sont musulmans, aux agriculteurs d’appartenances ethniques multiples, qui sont majoritairement chrétiens. Les affrontements ont débuté dès 2011, mais les attaques menées par les éleveurs nomades armés se sont multipliées depuis 2020.
En 2019, Radio Canada publiait un article intitulé « Non, il n’y a pas de génocide des chrétiens au Nigeria », s’efforçant de minimiser le caractère religieux des violences nigérianes et de les attribuer essentiellement à la dimension agricole du conflit. Sa ligne éditoriale ne surprend pas: là où il était effectivement juste d’apporter de la nuance, Radio Canada a basculé de l’autre côté. Le malaise est palpable lorsqu’il s’agit d’attribuer le rôle de victime à des chrétiens – on préfère le réserver exclusivement à certains autres groupes.
Bien que Boko Haram se soit scindé, la menace du djihad salafiste continue de peser sur les Chrétiens du Nigeria, particulièrement dans le centre et le nord du pays. Elle n’est pas à prendre à la légère: le Centre international d’études sur la radicalisation et la violence politique (ICSR) avait qualifié Boko Haram de « groupe le plus féroce du monde ».
Au-delà de la violence, le Nigeria apporte matière à réflexion. Bien que la Constitution nigériane fasse office de loi suprême du pays, 12 de ses 36 états ont institué la charia [pénale et civile] depuis 1999, bien que leurs populations ne soient pas entièrement musulmanes. Le code pénal de la charia prévoit 100 coups de fouet et un an d’emprisonnement pour délit de fornication, la peine de mort pour adultère et la peine de mort par lapidation pour les personnes homosexuelles*¹. La charia est aussi reconnue dans 5 autres états, où elle ne s’applique qu’aux Musulmans. Outre, des tentatives répétées d’ajouter les concepts de la charia à la Constitution nigériane continuent d’insécuriser la population chrétienne du pays.
*¹[Ceux qui pourfendent les Conservateurs dont ils dénoncent « l’homophobie » et « l’autoritarisme » – et qui sont aussi ceux qui militent contre l’islamophobie – ne préfèrent-ils pas l’opposition au mariage gai à la lapidation?]
Il faut reconnaître au fondamentalisme islamique la volonté de tout encadrer. Rappelons-nous que l’application de la charia a déjà été débattue en Ontario au début des années 2000. Et bien qu’elle ait été rejetée, il est clair que le fondamentalisme musulman reviendra à la charge, d’autant plus que son poids démographique [et donc politique] continue d’augmenter – merci aux politiques immigrationnistes de l’administration Trudeau.
Retour sur ce tragique « Noël noir » dans l’État du Plateau au Nigeria. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un blackout médiatique délibéré, force est de constater que les médias n’en ont pas fait une nouvelle prioritaire. Est-ce parce qu’il s’agit de chrétiens, parce que l’Afrique subsaharienne intéresse peu ou une combinaison de ces facteurs? Bien qu’on puisse désigner la nature agricole du conflit, le caractère religieux semble difficile à nier. Sinon, pourquoi avoir perpétré ces attaques à l’occasion de la fête de Noël? Force est de constater que la sécurité des chrétiens est loin d’être garantie à mesure qu’ils se retrouvent minoritaires face à l’Islam.
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