La semaine dernière, nous apprenions que Northvolt avait perdu un contrat de 3 milliards avec BMW en raison de retards dans la livraison de ses batteries. Aujourd’hui, nous apprenions que l’entreprise révisait significativement ses plans d’expansions, désormais jugés « trop agressifs », afin de prioriser la construction de son usine en Suède et ce, potentiellement au détriment des travaux en Montérégie. Ce sont là de très mauvaises nouvelles pour la filière des batteries, dans laquelle nos gouvernements ont investi énormément d’argent public.

Une bulle spéculative avec notre argent?

Depuis la réélection de François Legault en 2022, les enjeux énergétiques ont pris le devant de la scène au Québec. Le gouvernement caquiste tente simultanément de prévenir les déficits énergétiques du Québec annoncés pour 2026 et d’achever une transition énergétique vers le tout-à-l’électrique, ce qui s’avère particulièrement ambitieux… voir carrément irréaliste. Nous manquons d’électricité et mettons en place des politiques qui nous en fait consommer plus.

Dans le cadre de ces objectifs de transition, nos gouvernements ont indiqué leur intention de bannir la vente de voiture à essence à moyen terme (entre 2030 et 2035 dépendant des États), et se sont retrouvés avec ce nouveau problème : l’industrie automobile occidentale n’est pas du tout prête pour ce changement radical. Non seulement ça, mais l’industrie chinoise l’est, et menace grandement d’inonder nos marchés de leurs voitures électriques bon marché.

Pour répondre à ce problème, les États Occidentaux se sont lancés dans une course aux investissements pour stimuler le secteur des voitures électriques. Et ça implique des investissements dans toute la chaîne de production ; de l’exploitation du lithium à l’assemblage des voitures en passant par la production de batteries.

Ainsi, par voie de législations tout à fait arbitraires qui ont créé un vide dans la chaîne de production, nos gouvernements ont créé une sorte de bulle spéculative autour de la filière des batteries. Tous les États se battent à coups de milliards pour devenir le nouveau hub de production.

Aux États-Unis, l’Inflation Reduction Act de Biden prévoit des incitatifs considérable pour les énergies vertes dont la filière des batteries fait partie, ce qui, à terme, aura forcé le Canada et le Québec à investir autour de 28 milliards de dollars au total pour attirer Volkswagen et Northvolt chez nous plutôt que chez eux. Du jamais vu!

On justifie évidemment ces investissements en raison des retombées potentielles que peut occasionner le fait de produire localement des batteries qui serviront à faire fonctionner le parc automobile électrique de demain, et on en parle avec beaucoup d’assurance. Or, de nombreux signes inquiétants portent à croire que l’avenir de la filière des batteries est loin d’être assuré.

D’abord, les ventes de voitures électriques sont loin d’être au rendez-vous comme on l’espérait et de nombreuses entreprises telles que Ford ou Tesla ont mis des projets d’expansion d’usine sur pause.

Les consommateurs ne sont pas encore convaincus de la fiabilité des voitures électriques, surtout en hiver, et le réseau de bornes de recharge n’est pas encore assez étendu pour un usage généralisé.

De manière générale, un fort scepticisme a commencé à croître autour du fait que les gouvernements occidentaux banniraient les voitures à essence ; on y croit de moins en moins.

Northvolt revoit ses plans

Chez nous, au Québec, le ministre Pierre Fitzgibbon, François Legault ainsi que Justin Trudeau au fédéral ont fait fi de ces inquiétudes et ont accepté de financer à hauteur de 7 milliards l’implantation du géant suédois Northvolt en Montérégie.

Nous le savons, l’implantation de cette méga-usine est devenue extrêmement controversée, notamment en raison de la destruction nécessaire de milieux humides lors de sa construction. Mais aussi en raison du caractère spéculatif de cette industrie naissante.

Tout le monde, au gouvernement comme chez Northvolt, ont passé les derniers mois à se faire rassurant et à promettre le ciel au Québécois… mais les incertitudes que le secteur automobile connaissait déjà semble les avoir rattrapés.

On apprenait la semaine dernière que Northvolt avait perdu un contrat de 3 milliards de dollars avec BMW en raison de retards dans la livraison de leurs batteries, ce qui n’était déjà pas un bon signe. Et puis aujourd’hui, nous apprenons que l’entreprise est en train de revoir ses échéanciers pour prioriser la construction de sa nouvelle usine en Suède, ce qui pourrait potentiellement retarder les travaux ici.

Selon l’aveu même du patron de Northvolt, Peter Carlsson, les plans d’expansion de la compagnie ont été « trop agressifs » et il est nécessaire de rectifier le tir…

Dans un article du Devoir, François Dauphin, p.-d.g. de l’Institut sur la gouvernance (IGOPP), expliquait « qu’ils se sont en effet peut-être un peu précipités dans leurs projets d’expansion. Ça se traduit assez clairement dans les résultats qu’on observe : le niveau d’endettement a augmenté considérablement d’une année à l’autre. Et les revenus sont encore embryonnaires »

Les experts en concluent ainsi que c’est une « jeune entreprise » qui « doit faire ses preuves », mais ne s’affirment pas inquiets.

Ça a néanmoins quelque chose d’inquiétant pour le contribuable qui a vu ses gouvernements dilapider des milliards dans cette « jeune entreprise » qui n’a pas encore fait ses preuves! On parle quand même des plus gros investissements dans notre histoire! Il est donc légitime de se poser la question si le gouvernement Legault, le ministre Fitzgibbon et les libéraux de Trudeau n’ont pas joué avec notre argent comme au casino par simple signalement de vertu environnementaliste.

Philippe Sauro-Cinq-Mars

Diplômé de science politique à l'Université Laval en 2017, Philippe Sauro Cinq-Mars a concentré ses recherches sur le post-modernisme, le populisme contemporain, la culture web et la géopolitique de l'énergie. Il est l'auteur du livre "Les imposteurs de la gauche québécoise", publié aux éditions Les Intouchables en 2018.

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