Nouvelles pièces de 1$ : pourquoi l’acharnement à maintenir la monarchie au Canada?

Ce mardi, la Monnaie royale canadienne a dévoilé le portrait du roi Charles III qui ornera les pièces de 1$. D’ici décembre, il y a des chances que vous trouviez déjà son portrait dans votre monnaie. Certains vont être indifférents, mais tout est histoire de symboles dans notre société. Est-ce vraiment pertinent de garder le lien avec la monarchie en 2023? Et pourquoi faut-il absolument mettre un monarque étranger sur nos pièces de monnaie quand certaines figures nationales mériteraient d’être mises de l’avant? C’est ce que nous allons voir.

C’est une pièce qui montre le profil gauche de celui que l’on nomme désormais le roi Charles III, après avoir toujours été seulement le prince Charles. Celui qui est arrivé au trône à un âge avancé après le très long règne de sa mère, Élisabeth II, morte après un règne de plus de 70 ans. Le prince Charles est devenu roi à l’âge de 74 ans, alors que sa mère est devenue reine à 26 ans. Il faut dire qu’à l’époque, elle inspirait une forme de renouveau. Après l’indépendance des Indes et le démantèlement de l’Empire britannique, il fallait pour les Anglais tourner la page et se projeter vers l’avant.

Or, les choses ont changé au cours des 70 dernières années. De nombreuses colonies africaines ont obtenu elles aussi leur indépendance. Certains des joyaux de l’Empire comme le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont pris leurs distances. Hong Kong a été cédé aux Chinois, avec les conséquences que nous connaissons. Et l’image de la monarchie en a franchement pris un coup. Si la monarchie britannique n’était pas exempte de scandales, nous avons assisté ces dernières décennies à des guerres internes entre les princes Harry et William, la mort de Diana, les histoires de pédophilie du prince Andrew qui est un habitué de l’île d’Epstein.

De plus, la reine Elisabeth est arrivée sur le trône au sommet de sa forme et de sa jeunesse. Le prince Charles lui à un âge avancé. On disait à la blague qu’il a obtenu son premier travail à vie à un âge ou la plupart des gens ont déjà pris leur retraite depuis quelques années. Ce n’est pas totalement faux. On a parlé pendant son couronnement de ses agissements avec ses assistants, ou encore du fait qu’il ne brosse pas ses dents lui-même.

Or, dans ce contexte, est-ce vraiment pertinent pour le Canada de presser de nouvelles pièces de monnaie avec la figure du désormais roi Charles III? La coutume veut que nous ayons des portraits de premiers ministres sur nos billets, et le portrait du monarque sur nos pièces de monnaie. Or, déjà, sur le billet de 10$, nous avons remplacé la figure de John A. Macdonald par Viola Desmond, militante des droits civiques peu connue à ce jour de la Nouvelle-Écosse. Rien n’est figé dans la loi ou la constitution.

Nous savons tous pourquoi le Canada ne souhaite pas rouvrir le débat, et c’est la question du Québec. Le Québec n’a jamais signé la constitution de 1982, et c’est un tel panier de crabes que le gouvernement fédéral n’a pas du tout intérêt à rouvrir la question de la monarchie. Mais il demeure que le roi laisse le Canada largement indifférent. Selon un sondage, seulement 13% des Canadiens auraient un attachement personnel à la monarchie. Au Québec, 71% des répondants considèrent qu’il faut reconsidérer les liens avec la couronne. Les chiffres sont probablement plus élevés chez les francophones et les nouveaux arrivants qui n’ont pas de liens culturels avec la monarchie anglaise.

Mais au moins, est-ce que nous pourrions mettre un personnage historique qui puisse faire consensus? La figure d’un Louis Riel pourrait faire l’affaire. En effet, nous débattons beaucoup de l’histoire autochtone au Canada. Et même les Manitobains reconnaissent maintenant Louis Riel comme le fondateur de leur province. En plus, cela toucherait les Québécois en faisant un geste d’ouverture à leur égard, après des années d’hostilité plus ou moins ouverte.

La figure du roi Charles III est celle d’un passé revendiqué par de moins en moins de gens au Canada. Et encore moins au Québec. Selon Rhéal Fortin, porte-parole du Bloc québécois en matière de Monarchie : «Le gouvernement aurait pu préférer d’autres symboles, plus cohérents avec les valeurs démocratiques que chérissent les Québécois, mais il a une fois de plus erré, en choisissant un symbole monarchique, d’une institution issue du passé, qui n’a aucune légitimité démocratique et qui est rejeté par une majorité de Canadiens et une majorité encore plus nette de Québécois»

Les arguments temporels du style « parce que nous sommes en 2015 » comme l’a déjà dit Trudeau, ou en 2023 pour ce qui nous concerne présentement sont bancals, mais il faut aussi voir que tout est symbole dans notre société. Et que la monarchie est quelque chose de dépassé qui fait à peu près consensus. Voilà pour la pièce de 1$ représentant Charles III. En attendant l’ouverture de la constitution pour abolir la monarchie.

Anthony Tremblay

Après des études en politique appliquée à l'Université de Sherbrooke, Anthony Tremblay s'est intéressé notamment aux questions sociales telles que le logement ou l'itinérance, mais aussi à la politique de la Chine, qu'il a visité et où il a enseigné l'anglais. Il vit à Sherbrooke avec ses deux chiens.

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