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Occident à risque : le piège ukrainien

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Avec l’annonce d’une bonification de l’aide canadienne à l’Ukraine et du renforcement de la présence de l’OTAN en Europe de l’est ces derniers jours, notre chroniqueur voulait revenir sur les risques et les implications géostratégiques du tout-pour-l’Ukraine. L’Occident serait-il en train de se tirer dans le pied en ranimant la guerre froide contre la Russie alors que la Chine réveillée se prépare à prendre Taïwan?

Lorsque Kissinger inspire à Nixon le rapprochement avec la Chine communiste en 1971, la logique est implacable : résister à un bloc eurasiatique fort serait perdu d’avance, alors mieux vaut briser le bloc communiste en deux pour mieux faire face à l’URSS, considéré alors comme la principale menace. Ça a été la culture stratégique occidentale depuis ce temps et j’irais même jusqu’à dire que c’est à la source de notre naïveté face à la Chine réveillée d’aujourd’hui.

Vous voyez probablement où je m’en vais avec ça : après deux ans et demi de pandémie nous ayant révélé le vrai visage de la Chine, cette superpuissance technocratique et totalitaire, la mobilisation virale contre la Russie à cause de la guerre en Ukraine nous mène dans une impasse géostratégique.

Comprenez-moi bien, la guerre en Ukraine et les atrocités qui y sont commises sont une catastrophe et je suis de tout cœur avec les populations civiles victimes de ce conflit. Cela dit, tout n’est pas noir ou blanc dans ce conflit et l’Occident joue un jeu dangereux en traitant la chose de manière unilatérale.

Premièrement, la guerre en Ukraine ne date pas de cette année ; elle a démarré en 2014 et l’intervention actuelle visait à mettre un terme à ce conflit fratricide entre ukrainiens et russophones d’Ukraine. C’est pourquoi le plan russe visait à complètement désarmer l’Ukraine ; une simple intervention frontalière dans l’est aurait seulement renforcé le front et n’aurait rien changé à la situation, ils ont donc joué le tout pour le tout. Pour le meilleur et pour le pire…

Deuxièmement, si tous les Ukrainiens ne sont pas des nazis, il serait profondément malhonnête de nier que des éléments ukrainiens très influents dans ce conflit sont ouvertement fascistes et génocidaires contre les russophones. Je me rappelle être tombé pour la première fois sur cette réalité en écoutant un reportage citoyen, autour de 2017, qui relatait le saccage et le lynchage sanglant d’une équipe entière d’employés russophones dans les bureaux d’un centre de la culture par des supporteurs du bataillon Azov. Alors quand Poutine parle de lutte contre le nazisme, il y a évidemment exagération, mais basée sur une réalité très concrète : les Ukrainiens ne sont pas des enfants de cœur… Et les Russes se souviennent très bien de leur collaboration avec le régime nazi en 1941… (Tout comme les Ukrainiens se rapellent de l’Holodomor…)

Troisièmement, l’histoire de l’Ukraine et ses liens avec la Russie sont extrêmement complexes. D’abord, c’est carrément le berceau originel du peuple russe. Ensuite, ses frontières ont majoritairement été tracées par ce même peuple et pour finir, toutes ses régions ne sont pas ukrainiennes de langue ou de culture. On pourra dire ce qu’on veut quant au droit d’ingérence, mais penser que la Russie devrait être indifférente au sort de populations russophones séparées de son territoire par la chute chaotique de l’URSS est simplement irréaliste.

Imaginez simplement un Québec indépendant qui verrait une guerre entre acadiens francophones et néo-brunswickois anglais… gageons que beaucoup dans nos rangs rejoindraient les acadiens et qu’après des années de combats, Québec serait tenté d’intervenir.

Quatrièmement, non, la guerre en Ukraine n’a rien à voir avec l’Anchluss ou l’annexion des Sudètes et non, Poutine n’est pas Hitler. Tel est le gros problème de la politique du viral et des mobilisations de masses ; l’impératif de solidarité et d’alignement mène aux plus grossières exagérations. On parle de ce conflit comme d’une déstabilisation de l’équilibre européen… Pardon? L’Ukraine a fait partie de la Russie pendant la majorité de notre histoire commune et la Russie a contrôlé la moitié de l’Europe jusqu’aux années 90… En aucun cas sa possession de l’est du Dniepr ne pourrait être considérée comme une déstabilisation géopolitique majeure et ça ne laisse pas pour autant présager d’un effet domino inarrêtable.

La réalité, c’est que la déstabilisation potentielle majeure provient essentiellement de la manière dont nous répondrons à cet enjeu ; si oui ou non nous sommes prêts à se porter responsables de l’extension du conflit. Rappelez-vous que ce n’est pas l’Allemagne qui a démarré la Première Guerre Mondiale, c’est l’Autriche-Hongrie en attaquant la Serbie. Mais nous l’avons quand même considéré comme principale coupable puisqu’elle a été la puissance responsable de l’extension du conflit au niveau mondial. C’est vraiment triste pour le peuple Ukrainien, mais cette guerre est un conflit frontalier avec la Russie… Et il relève de nous de ne pas en faire un conflit mondial.

Cinquièmement, si je suis sensible aux exactions et reconnais que toute guerre verse dans les atrocités, je demeure extrêmement sur mes gardes quant aux informations rapportées et qui peuvent être mélangées à de la propagande de guerre. D’ailleurs, le gouvernement ukrainien n’a pas laissé sa place avec ces histoires démenties du fantôme de Kiev, ses images de la tour Eiffel bombardée pour secouer l’ouest, etc. Comme on dit, trop c’est comme pas assez. Je me souviens bien que pendant les deux conflits mondiaux, les français ont accusé les Allemands de « couper les seins des femmes » pour instiguer un sentiment d’urgence. Si nous savons bien que les Allemands ont commis des atrocités – comme à Oradour-sur-Glane, par exemple – nous savons que cette histoire de seins coupés était de la propagande pure et simple. Alors je demeure sur mes gardes quand je vois les accusations de génocide envoyées aux Russes.

Sixièmement, se rappelle-t-on qu’on a tenté de destituer un président américain au sujet d’un possible conflit d’intérêt avec le gouvernement Ukrainien en 2019, et que beaucoup d’éléments compromettants du portable de Hunter Biden concernait ses activités avec une gazière ukrainienne? Vous ne trouvez pas que ça fait beaucoup d’Ukraine derrière les plus grands enjeux de la politique américaine depuis quelques années? Pourquoi personne n’en parle? N’y aurait-il pas là-bas des intérêts obscurs à protéger pour une certaine classe politique à Washington? Sait-on vraiment ce qui est en jeu ici, ou bien sommes-nous simplement victime d’un immense détournement de l’attention populaire?

Car il faut en revenir à ma réflexion initiale : tout le monde sait que la Chine est désormais la plus grande menace au monde libre et que l’axe géopolitique principal s’est déplacé de l’Atlantique au Pacifique. Tout le monde sait qu’on ne pourrait vaincre un bloc eurasiatique comprenant la Chine, la Russie, l’Iran… Et plus nous rejetterons et nous humilierons la Russie, plus elle se rapprochera de la Chine. Alors à qui profite cet élan de solidarité virale envers l’Ukraine? N’est-on pas en train de perdre de vue la « big picture »? Après deux ans et demi d’une pandémie chinoise aux origines nébuleuses et ayant dévoilé les penchants liberticides de nos gouvernements, du jour au lendemain, nous rejetons notre frustration sur la Russie? C’est moi ou bien ça ne fait pas de sens?

Je suis de tout cœur avec les populations civiles impliquées dans la guerre en Ukraine, mais ce n’est pas vrai qu’on va risquer notre sécurité géostratégique pour ça. Et il est à peu près temps que les gens arrêtent d’embarquer dans toutes les lubies du moments comme de véritables NPC et se proclament du jour au lendemain experts des sujets les plus divers pour quelques likes ou par signalement de vertu.

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