OPINION : Michael Sabia devra faire des miracles à Hydro-Québec. Si quelqu’un peut le faire, c’est bien lui

Traduit de l’anglais. Texte de Konrad Yakabuski publié le 19 juillet 2023 sur le site du Globe and Mail.

[…]
[Michael Sabia] a dirigé la Caisse de dépôt pendant plus de dix ans, transformant la culture du gestionnaire de fonds de pension, qui était un agent souvent contradictoire des gouvernements nationalistes du Québec, en l’un des investisseurs institutionnels les plus disciplinés et les plus novateurs au monde.

Il est maintenant temps de voir quels miracles, s’il y en a, M. Sabia peut faire à Hydro-Québec.

La société d’État québécoise estime qu’elle doit augmenter sa capacité de 50 % pour atteindre l’objectif de neutralité carbone que s’est fixé la province pour 2050. L’excédent d’électricité actuel sera épuisé d’ici 2027, ce qui obligera M. Sabia à faire preuve de doigté pour répondre à la demande sans sacrifier l’avantage concurrentiel de la province en tant que producteur d’énergie à faible coût.

La planification énergétique se mesure en décennies et non en années. Avant de déterminer la quantité de nouvelles sources d’approvisionnement qu’elle doit construire dans la province, Hydro-Québec voudra verrouiller les 5 000 mégawatts d’électricité (soit environ 15 % de sa capacité actuelle) qu’elle achète actuellement à un prix avantageux à la centrale de Churchill Falls, au Labrador, après l’expiration du contrat actuel en 2041. Les négociations avec Terre-Neuve-et-Labrador pour renouveler l’accord et éventuellement développer conjointement un nouveau projet hydroélectrique à Gull Island, en aval de Churchill Falls, incomberont principalement à M. Sabia.

Il sera essentiel de trouver le bon ton avec le premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador, Andrew Furey, et les communautés innues de sa province et du Québec. À la Caisse, M. Sabia a acquis la réputation d’un négociateur pressant dont les tactiques ont aliéné certains partenaires. Le premier ministre du Québec, François Legault, compte sur les talents de négociateur de M. Sabia pour convaincre M. Furey et d’autres parties prenantes à Terre-Neuve.

[…]

En avril, Hydro-Québec a déclaré qu’elle évaluait les « sites présentant le plus grand potentiel théorique » pour un nouveau développement hydroélectrique et qu’elle faisait avancer les études sur un projet de 1 200 MW sur la rivière Petit Mécatina, sur la rive nord du fleuve Saint-Laurent. Même si Hydro-Québec parvient à surmonter l’opposition des écologistes, le projet du Petit Mécatina ne fournirait qu’environ 6 % des 100 térawattheures d’électricité supplémentaires dont le Québec aura besoin d’ici à 2050. M. Sabia devra faire preuve de créativité pour exploiter d’autres sources d’énergie potentielles. Il devra peut-être même se tourner vers les producteurs privés d’hydroélectricité.

Dans le cadre d’une politique mise en place par l’ancien premier ministre libéral Robert Bourassa à la fin des années 1980, plus de trois douzaines de petites centrales hydroélectriques ont été construites par des opérateurs privés au Québec, chacune d’une capacité de 50 MW ou moins.

Innergex Inc, Boralex Inc, Brookfield Renewable Partners et Algonquin Power possèdent actuellement plusieurs centrales hydroélectriques au Québec, construites lors d’une vague de construction dans les années 1990. Les gouvernements québécois successifs ont mis un frein aux développements hydroélectriques indépendants, n’autorisant que les projets d’énergie éolienne dans la province à être détenus par le secteur privé.

Dans un document de l’Institut économique de Montréal publié ce mois-ci, le groupe de réflexion a appelé le gouvernement du Québec à lever le plafond de 50 MW imposé aux barrages hydroélectriques privés et à permettre aux producteurs indépendants d’approvisionner directement les clients industriels auxquels Hydro-Québec a refusé l’accès à de vastes blocs d’énergie en raison des pénuries d’électricité imminentes de la société d’État.

« Il y a un écart important entre la capacité actuelle d’alimentation des entreprises ayant un projet de développement économique et les multiples demandes reçues par le gouvernement », écrit Gabriel Giguère, analyste à l’IEDM. « Cela représente un frein au développement économique de la province. De plus, certaines communautés autochtones pourraient contribuer à ce développement, comme elles le font actuellement dans le secteur éolien, puisque certains sites d’éventuels barrages pourraient être situés sur leurs terres. »

M. Sabia et le ministre québécois de l’économie, Pierre Fitzgibbon, qui supervise Hydro-Québec, sont ouverts à une plus grande participation du secteur privé dans la production d’hydroélectricité. Mais les principaux partis d’opposition de la province sont partis en guerre contre cette idée, ce qui crée d’énormes risques politiques pour le gouvernement caquiste de M. Legault s’il décidait d’autoriser une plus grande production privée.

Néanmoins, si le passage de M. Sabia à Hydro-Québec est à l’image de son mandat à la Caisse, il est probable que de grands changements se préparent au sein de la société d’électricité provinciale. Peut-être même des miracles.

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