P. Diddy, Epstein, Hollywood : détruire des idoles à coups de marteau

Il y a quelques années, j’avais confié à un proche être reconnaissant de vivre en une époque où l’on voit tomber des fausses idoles. Je faisais référence au relatif déclin d’Hollywood et du star system comme on le connaissait jusqu’aux années 2000, où les stars avaient un statut quasi divin, dans une industrie qui paraissait extrêmement exclusive et inaccessible. Je ne renie pas pour autant les belles oeuvres qui ont été produites par ces stars pendant cette période, simplement, je préfère voir les artistes comme des citoyens égaux ; pas comme des demis-dieux nous regardant du haut d’une villa perchée dans les collines de Beverly Hills, et qui ont accès à des réseaux élitistes pour tous types de services…

C’est un peu ce qui rend la « surprise » autour des révélations fracassantes au sujet de Puff Daddy (Diddy) ridicules. Allons-nous réellement agir comme si nous n’étions pas au courant que l’industrie du show business était décadente, immorale, corrompue et parfois même carrément criminelle? Allons-nous réellement siffloter et faire comme si nous n’avons pas, au contraire, célébré cette culture immorale de manière tout à fait transparente tout ce temps?

Je veux dire ; les artistes eux-mêmes ne cessent de représenter la vie dans le show business dans leurs propres œuvres, révélant continuellement à la face du monde les vices de leur milieu professionnel! Ça semble être devenu le fil narratif classique : le/la pauvre artiste « découverte » par un agent qui la propulse aux plus hautes sphères, où elle sera confrontée à : 1. Des partys 2. De la drogue. 3. des pratiques sexuelles embarassantes et 4. Éventuellement, les prédations de quelques producteurs vicieux.

Je suis un millénial et j’ai le vif souvenir qu’avant les médias sociaux, cette décadence, qui semblait uniquement permise chez les hautes sphères habituées par les tapis rouges, était précisément ce qui faisait rêver. C’est assez clair, lorsque fêter au manoir Playboy de Hugh Heffner est considéré comme un rite de passage de l’industrie…

La réalité Hollywoodienne a toujours été tout à fait transparente vis-à-vis d’elle-même, au point même, parfois, de virer à un sombre inside joke de l’industrie, révélé ici et là, comme dans cet épisode de South Park où le diable, organisant un party, ne veut pas faire des choses que Puff Daddy a déjà faites dans ses party. Une référence probable à ses « Freak Off Parties » – nous y reviendrons.

L’arrivée des médias sociaux a en quelque sorte démocratisé l’auto-promotion, créant une toute nouvelle génération de « stars » provenant de n’importe quel milieu : les « influenceurs ». S’ils sont controversés, si on peut parfois leur reprocher de manquer de talent, il faut quand même reconnaître qu’ils auront au moins eu l’effet bénéfique de donner un visage plus humain, plus « populaire » au vedettariat. Comme un « grand égalisateur ». Le caractère brut et spontané des vidéos sur téléphone intelligent a détruit l’attrait pour les personnalités publiques dont l’image est soigneusement façonnée par leurs équipes marketing. L’admiration basée sur l’authenticité et la capacité à se reconnaître en une personnalité publique l’emporte désormais sur l’admiration du caractère intouchable et tout-puissant des élites.

C’est ainsi que tout au long des années 2010, l’intérêt croissant pour les contenus organiques du web a été accompagné par une baisse d’intérêt, ou en tout cas de confiance, envers le jet set Hollywoodien. Et de concert avec la culture d’annulation en ascension, la baisse d’admiration pour les stars a ouvert la porte à des mouvements comme #MeToo, où dénonciation et révélations fracassantes se sont succédé. Et ainsi, les idoles ont commencé à tomber…

Qu’on se rappelle : #MeToo expliquait alors sa position par une prétendue « culture du viol » dans la société occidentale dans son ensemble ; un résultat du « patriarcat ». De ce fait, c’est toute la population, et particulièrement les hommes, qui était pointé du doigt. Or, c’était probablement sa plus grande erreur, parce que dans les faits, on a rapidement remarqué que ces dénonciations touchaient particulièrement le secteur du show business. C’est donc dire qu’on accusait des hommes simples de la classe moyenne, ayant grandi dans une culture tout à fait saine, pour les crimes d’hommes décadents habitués aux orgies hollywoodiennes?

Il est pourtant assez clair que s’il y a une culture du viol, elle vient des milieux culturels – majoritairement de gauche, soit dit en passant – et pas des gens normaux.

Le fameux discours d’ouverture de Ricky Gervais, aux Golden Globes de 2020, est considéré par beaucoup comme un évènement marquant dans ce changement de perception à l’égard des stars hollywoodiennes.

Nous avons donc eu Harvey Weinstein, le puissant et intimidant producteur hollywoodien, qui a été condamné pour viol et agression sexuelle. Ensuite, nous avons eu Jeffrey Epstein, qui trafiquait des mineures à une brochette encore plus large d’élites américaines, dont probablement des politiciens. Et maintenant nous avons Puff Daddy, qui semble être le penchant gangsta rap de ce genre d’activités criminelles.

En effet, Sean Combs, dit « Puff Daddy » ou « Diddy », a commencé à avoir des démêlés avec la justice en raison d’une vidéo choquante où on le voit battre sa femme dans le lobby d’un appartement. Suite à cela, une avalanche de plaintes a déferlé contre lui, révélant l’emprise ignoble qu’il exerçait à la tête de sa compagnie de production, où la violence, les agressions sexuelles et les viols étaient chose courante.

Mais le côté insolite de certaines révélations fait virer le dégoût à une curiosité morbide. Par exemple la découverte par la police de milliers de bouteilles de lubrifiant dans sa maison, apparemment utilisées pour ses « freak off party », d’immenses orgies pour célébrités où se déroulaient beaucoup d’abus et où les victimes étaient parfois mineures.

Évidemment, dans le cas de Puff Daddy, encore une fois, il serait ridicule de s’en surprendre. Le gangsta rap, encore une fois, a toujours été très transparent quant à sa violence, son attrait pour la domination sexuelle, les « pimps », etc. Et les soupçons contre Puff Daddy ont toujours existés : de nombreuses personnes pensent qu’il serait à l’origine de l’assassinat de Tupac Shakur, en 1996.

Enfin, quoiqu’on dise de la cancel culture et du populisme, quand ils mènent à la chute de fausses idoles, détruisent leur aura mystifiante et dévoilent leurs crimes à la face du monde, je ne me peut m’empêcher, pour un instant, d’exprimer une forme de gratitude envers mon époque. Maintenant, il faudra oser aller encore plus loin, au risque de tout faire tomber tout l’establishment et révéler les listes de clients d’Epstein et les petits amis et collaborateurs de Puff Daddy.

Philippe Sauro-Cinq-Mars

Diplômé de science politique à l'Université Laval en 2017, Philippe Sauro Cinq-Mars a concentré ses recherches sur le post-modernisme, le populisme contemporain, la culture web et la géopolitique de l'énergie. Il est l'auteur du livre "Les imposteurs de la gauche québécoise", publié aux éditions Les Intouchables en 2018.

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