On a longtemps affirmé, lorsqu’une réforme sociale majeure était adoptée, que les opposants déliraient en évoquant la possibilité d’une pente glissante. Pourtant, on l’a constaté depuis quelques décennies : lorsqu’une mesure touche directement à des enjeux sociétaux, cela finit souvent en pente glissante. Du mariage entre conjoints de même sexe — ouvrant la porte à la pluriparentalité — jusqu’à l’aide médicale à mourir, devenue euthanasie, on doit pouvoir discuter de ces enjeux.

Il est possible de se faire lancer des pierres lorsqu’on parle du mariage homosexuel — ou du mariage entre conjoints de même sexe, pour reprendre la terminologie officielle et politiquement correcte. Pourtant, ce qui devait initialement être une mesure exceptionnelle pour des cas minoritaires a ouvert la voie à diverses revendications identitaires sur le genre et la parentalité.

Aujourd’hui, la Cour supérieure ordonne que le gouvernement québécois réécrive le Code civil pour y inclure la pluriparentalité. Pourquoi adopter une mesure qui ouvre encore une fois la porte à divers problèmes ? Le mariage homosexuel, dans sa forme, devait unir un couple monogame. Pour des questions de succession et d’héritage, cela pouvait se gérer simplement.

Mais voilà un bon exemple de pente glissante. Le « mariage pour tous » a ouvert la voie aux trouples, aux unions atypiques. Avec son lot de controverses étranges, qui émergeront au cours des prochaines années. Avec le recul, peut-être que nos descendants se demanderont quelle mouche a piqué les législateurs de notre époque, portée vers toujours plus de progressisme.

Un autre exemple de pente glissante devenue réalité : l’aide médicale à mourir. Ou, pour faire plus simple, l’euthanasie. Il n’y a pas si longtemps, on affirmait qu’il s’agissait d’une mesure pour les malades en phase terminale, dont la souffrance ne pouvait être soulagée par des médicaments.

Aujourd’hui, l’aide médicale à mourir est parfois offerte à des gens dont la mort n’est pas prévisible à court terme. Ou pire : à des personnes simplement fatiguées de vivre, dépressives ou atteintes de maladies mentales, certes handicapantes, mais pas mortelles. Certains théoriciens du complot affirment qu’il s’agirait d’un programme gouvernemental pour éliminer les personnes inaptes.

Sans nécessairement adhérer à cette thèse, de nombreux faits divers ont émergé au Canada ces dernières années. Des vétérans à qui l’on a proposé l’aide à mourir pour des douleurs lombaires, par exemple. Cela devient la solution de facilité — pour les patients, mais aussi pour les médecins.

Au-delà du strict droit de disposer de son corps, il s’agit d’un changement anthropologique profond. Qui marquera à jamais l’humanité. On peut désormais décider des circonstances de sa mort, de l’heure et de la manière dont on souhaite procéder à ce qui est, disons-le, un suicide sous supervision médicale.

Les garde-fous censés protéger la société, lors de l’adoption de mesures progressistes destinées à des cas rares, deviennent élastiques à mesure que le temps passe. Il est mal vu de dénoncer la porte ouverte par le mariage pour tous, qui permet désormais l’union de plusieurs personnes — même si cela va à l’encontre de la logique et du droit.

Quant à l’aide médicale à mourir, il est encore difficile d’estimer les répercussions à long terme de ce dispositif sur l’ensemble de l’humanité. On a normalisé le suicide, et plus seulement pour les personnes ayant une fin de vie prévisible et souffrante. Cela en dit long sur le déclin des valeurs morales de notre société : où l’intérêt de l’enfant compte moins que celui des parents, et où l’on peut demander — légalement — de mourir si l’on souffre d’une dépression profonde. Sans que cela ne choque grand monde.

Anthony Tremblay

Originaire de La Baie, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, Anthony Tremblay a étudié en politique appliquée à l’Université de Sherbrooke. Curieux de nature et passionné par les enjeux contemporains, il a parcouru le monde, explorant des pays tels que l’Indonésie, la Turquie et la Chine. Ces expériences l’ont marqué et nourrissent aujourd’hui ses réflexions sur la crise du monde moderne, les bouleversements technologiques et l’impact croissant des réseaux sociaux. Fort de son expérience d’enseignement de l’anglais en Chine, Anthony conjugue perspectives locales et internationales dans ses analyses. Il réside actuellement à Sherbrooke, où il partage son quotidien avec ses deux chiens.

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