En politique, rien n’est éternel. Les enjeux changent, les allégeances aussi, et bien souvent, on se retrouve à s’opposer à ceux qui étaient jusque-là des alliés. Lorsqu’un positionnement nous place du « bon côté de l’histoire », il faut prendre garde à ne pas s’asseoir sur ses lauriers et penser que nos idées s’appliquent à tous les nouveaux développements de l’actualité. On en a eu un bon exemple, ces derniers jours, dans la foulée de la guerre entre Israël et le Hamas.
On a parlé de long en large de cet islamo-gauchisme faisant un retour spectaculaire en se plaçant dans une position extrêmement conciliante à l’égard du groupe terroriste contrôlant la bande de Gaza. On le sait, à gauche, où les « luttes décoloniales » sont reines, Israël a toujours fait mauvaise figure et on est prompt à défendre la Palestine, peuple martyr par excellence.
Or ce n’est pas de ces réactions attendues à gauche que je veux vous parler aujourd’hui. Je parle plutôt de ces très nombreux critiques des médias et des gouvernements au centre et à droite, qui se sont notamment démarqués dans leur opposition aux mesures sanitaires, au dogme pro-Ukraine et, de manière générale, au wokisme mondialiste.
Depuis plusieurs années, j’ai exprimé mes inquiétudes quant à cette nouvelle société d’unanimisme et de mobilisation instantanée, qui fait en sorte que du jour au lendemain, tout le monde supporte « la cause du moment ». C’est même le sujet d’un meme populaire, où un NPC (personnage non-joueur dans les jeux vidéos) dit « supporter la cause du moment » et passe d’un « logiciel » pro-mesure sanitaire à un « logiciel » pro-Ukraine du jour au lendemain. On dépeint ici la population comme des automates qui obéissent au doigt et à l’oeil à l’agenda des médias et des gouvernements.
Désormais, face à cette nouvelle guerre israélo-palestinienne qui bouleverse le monde entier, de nombreuses personnes de ces mouvances politiques établissent le même lien et dépeignent ces manifestations de soutien à Israël comme une énième manipulation des gens de pouvoir.
La comparaison n’est pas simplement boiteuse, elle est idiote et complètement déconnectée.
Le fait qu’on n’ait jamais pu émettre la moindre critique pendant la pandémie et que nos gouvernements ont abusé de leur pouvoir en jouant avec nos libertés dans un unanimisme absolu méritait d’être souligné et oui, malgré tout ce qu’on en pense, on avait besoin d’un minimum de débats. Tout accepter sans la moindre critique était définitivement troublant et donnait une impression de société constituée d’automates. Les militants anti-mesures étaient en ce sens essentiels et « du bon côté de l’histoire », quoiqu’on pense de leur position.
Pour ce qui est de l’Ukraine, encore une fois, le fait qu’émettre le moindre doute quant à un support inconditionnel faisait instantanément de nous des « pro-Poutine » assoiffés de sang et sans aucune empathie semblait une prolongation de cet état d’esprit. Encore une fois, on nous demandait de nous mobiliser et d’accepter des milliards de dépenses sans dire un mot.
Bien qu’il était essentiel d’envoyer un message fort à la Russie et au reste du monde que ce genre d’invasion à grande-échelle d’un autre État ne pouvait être normalisé, la situation sur le terrain était tout de même plus nuancée et le résultat d’une guerre civile entre une minorité russophone assiégée et une Ukraine fortement radicalisée depuis des années. La présence néo-nazie était avérée et rapportée par nos médias durant tout ce temps, jusqu’à l’intervention spéciale russe, où tous les torts de l’Ukraine étaient désormais sujets à une omerta déconcertante.
Dit simplement, on parlait d’enjeux sur lesquels toute remise en question était défendue et ostracisée de manière massive.
Maintenant, face à une attaque terroriste sans précédent sur le territoire israélien, beaucoup de ces gens – dont on doit tout de même reconnaître la résilience et l’indépendance d’esprit dans les enjeux passés – se moquent du soutien mondial à Israël, l’attribuent à une nouvelle manigance des gens de pouvoirs et font des memes pour dépeindre la chose comme une énième manifestation de suivisme de gens « supportant la cause du moment » comme des automates.
Mais bon sang, de quoi est-ce qu’il parlent!?
Il n’y a probablement aucun enjeu aussi divisif que le conflit israélo-palestinien ; à chaque fois qu’Israël doit se défendre, nous avons instantanément une levée de boucliers et de multiples sorties médiatiques pour nous expliquer comment l’enjeu est « plus nuancé » et comment, dans les faits, c’est la Palestine qui est la vraie victime.
En fait, c’est probablement plus difficile de soutenir Israël que la Palestine ; le faire vous vaut d’être taxé de soutien à la colonisation violente du méchant État sioniste qui n’aurait supposément aucuns droits sur ces terres. L’option minoritaire et marginalisée est clairement le soutien à Israël, pas le contraire.
On en a d’ailleurs eu un bon exemple : dès les premiers jours de cette soi-disant « nouvelle cause du moment », les rues partout en occident se remplissaient de supporteurs à la cause palestinienne. Sans même attendre que le sang des victimes du Hamas n’ait séché… C’est dire le niveau de tolérance envers les opinions discordantes dans cet enjeu. Vous appellez ça un soutien unanimiste à la cause du moment? Où ça? De quoi diable parlez-vous?
Pis encore, ces gens qui ont passé les dernières années à s’opposer aux wokes et à la bien-pensance adoptent désormais les mêmes discours que les départements d’études décoloniales, comme de vrais petits intersectionnels uqamiens. Ils sont même alignés avec la position de Radio-Canada, qui se justifiait encore aujourd’hui de refuser d’appeler le Hamas une organisation terroriste, malgré le fait qu’il soit reconnu comme tel par le Canada!
Mais on est où là!? Réalisent-ils à quel point leur opposition systématique aux médias et aux gouvernements fait désormais d’EUX des automates apparemment incapables de réfléchir et prendre une position indépendante? Non seulement ce sujet est loin de faire l’unanimité, mais en plus, ils choisissent l’option la plus facile et la plus répandue chez ce qu’on appelle à raison « l’islamo-gauchisme ».
Je remarque deux raisons pour ce positionnement facile : d’abord, un vieux fond nationaliste de gauche décoloniale sur lequel le mouvement souverainiste québécois s’est basé à partir des années 60 et pour qui la Palestine n’est qu’une autre nation aspirant à l’indépendance, comme la Catalogne, le Pays Basque ou l’Écosse (et où on refuse paradoxalement tout droit d’auto-détermination au peuple Hébreu). Ces « patriotes québécois » péquistoïdes ont beau s’opposer aux wokes de QS, ils ont essentiellement la même position que ce dernier sur cet enjeu.
Ensuite, une option plus sombre, dans les confins du mouvement « Red Pill », qui relève bel et bien de crypto-fascisme et pour qui, Palestine ou non, la judéité, les rapports de pouvoir avec Washington et l’establishment d’Israël le rendent intrinsèquement coupable. En d’autres termes, la normalisation d’un antisémitisme anti-élite qui voit étrangement le jihadisme comme un moindre mal face à Israël… Encore une fois, une option qui est l’alliée objective de l’islamo-gauchisme.
Et dans cette ambiance de surdose de « nuances », où toute opinion ferme et conséquente contre le terrorisme islamique est considérée comme manipulée par les élites, on en vient à justifier l’injustifiable.
Il n’y a que quelques années seulement, les États de la région étaient en déliquescence complète et un nouveau « Califat » était proclamé. L’État islamique fera vivre l’horreur aux Syriens et Irakiens, décapitant, torturant, violant tout sur leur passage, mais aussi aux Occidentaux, en multipliant les attentats, les prise d’otages et les décapitations jusque chez nous. Pendant quelques années, nous aurons environ un attentat majeur par mois.
Il est normalement reconnu que la guerre en Irak de George W. Bush était une erreur monumentale et très peu de gens seraient prêts à la supporter aujourd’hui. Est-ce que cela veut dire qu’il fallait faire « des nuances » dans notre analyse de Daesh, et qu’il fallait « comprendre leur perspective », comprendre que « l’enjeu est plus complexe » et qu’il ne fallait pas être trop dur dans notre réponse? Avez-vous perdu la tête?
Supporter Israël contre le Hamas n’a rien d’un suivisme aveugle ; c’est simplement être conséquent avec une position toute simple : on ne négocie pas avec les terroristes. Point barre.
Épargnez-moi votre pleurnichage pacifiste qui ne profite qu’aux guérillas qui ne visent qu’à nous abattre, nous, méchants occidentaux blancs « privilégiés ».
Mais même en appellant un chat un chat, ces opposants systématiques aux médias y vont de contorsions à peine croyables. Je regrette profondément d’avoir à le dire, mais dans ce cas-ci, oui, on tombe complètement dans le fameux « complotisme » dont on accusait à tort la droite ces dernières années.
Dans certains de mes récents débats, alors que je rappelais l’aspect terroriste inacceptable du leadership palestinien d’aujourd’hui, on m’a répondu en se moquant que TOUS les mouvements terroristes islamistes du Moyen-Orient étaient une création occidentale! Rien de moins.
Cette affirmation absurde suppose qu’une civilisation entière de 1,6 milliard d’individus n’a, à toute fin pratique, aucun libre-arbitre ou idées originales! Dur de faire pire en termes de suprémacisme occidental involontaire et d’infantilisation du Tiers-Monde…
Évidemment, nous sommes conscients de l’immense influence des services de renseignements occidentaux et des financements occultes à des organisations terroristes. Certains présentent, depuis peu, des preuves d’une implication du Mossad dans la création du Hamas. Soit. Cela dit, il y a une marge entre attribuer toute la responsabilité de l’islamisme à nos gouvernements.
Cet argument est au mieux de la naïveté immense face à la civilisation arabo-musulmane, au pire, une inculture érigée comme de l’indépendance d’esprit et de la clairvoyance. Les occidentaux n’ont pas inventé le concept de Jihad, de Dar-al-Harb, de Kafir, de Taqîya. Ils n’ont pas poussé les premiers musulmans à la conquête de l’Empire Romain d’Orient et de la Perse, ils n’ont pas encouragé Saladin à prendre Jérusalem, pas plus qu’ils n’ont encouragé Mehmet II à prendre Constantinople. Ils n’étaient pas là pour financer la conquête de l’Europe par les Maures ou les Ottomans. Ce ne sont pas les Occidentaux qui ont poussé les musulmans à cet esprit de conquête continue au travers des siècles. Et malgré toutes nos interventions et les actions douteuses de nos services de renseignements, nous n’avons pas l’influence nécessaire pour faire en sorte qu’encore aujourd’hui, une majorité d’arabo-musulmans soutient la charia et le jihad contre les infidèles.
Oui, l’Occident est coupable de bien des choses au Moyen-Orient, mais prétendre que ça enlève toute culpabilité à ces sociétés qui se sont profondément radicalisées dans les dernières décennies est tout à fait absurde. Si la CIA alimentait un renouveau du FLQ au Québec, croyez-vous que du jour au lendemain, toute la population québécoise se mettrait à célébrer le kidnapping de politiciens? Sur quelle planète faut il vivre pour établir un lien causal aussi boiteux?
Pour finir, dans cette ambiance TRÈS LOIN de l’unanimité où émettre la moindre nuance en faveur d’Israël est plus controversée qu’en émettre pour la Palestine, et où on m’a dit que je choisissais « l’option facile, par lâcheté, probablement », j’aimerais quand même rappeler à quel point des mythes sont véhiculés au sujet de la création de l’État d’Israël.
Le mouvement sioniste n’a pas commencé après la deuxième guerre à cause de l’Holocauste ; le mouvement migratoire était commencé dès le XIXe siècle et la présence juive en Palestine a été continue depuis l’Âge du Fer. Un bonne proportion des sionistes ont immigré légalement dans ce qui était alors l’Empire Ottoman (Est-ce donc dire que la gauche islamo-gauchiste s’oppose à l’immigration et reconnaît une dynamique de « grand remplacement » dans le cas de la Palestine? Ironique, quand même. En plus, les juifs ont pu y immigrer en raison de la fameuse « ouverture à la diversité » dont se vantent constamment les sociétés musulmanes. Pourquoi cette ouverture centenaire ne comptait-elle plus pour les juifs d’Israël du jour au lendemain dans les années 1920?)
Même si la Palestine existait sur des cartes dès l’Empire romain – pour décrire un tout autre peuple, les Philistins -, elle n’a jamais été considérée comme une nation avant les années 1920… C’est à dire en même temps que le constitution d’un sentiment national israélien. Avant cela, les Palestiniens n’étaient que des Arabes sujets de l’Empire Ottoman. Et notons d’ailleurs que la création de la « Palestine Mandataire » par les Britanniques s’est fait dans la foulée de la partition de l’Empire Ottoman, donc à peu près en même temps que les accords Sykes-Picot, qui sont considérés comme une « aberration coloniale »… Apparemment, c’est donc une aberration quand ça ne fait pas notre affaire, mais devient des frontières sacrées quand vient le temps de préserver Jérusalem…
Car désolé de le dire, mais c’était autrefois la justification principale, bien avant toute idée de nationalisme palestinien. Le monde arabe ne voulait simplement pas laisser Jérusalem échapper à son emprise. C’est écrit dans le Coran, Mohammed a visité Jérusalem une nuit sur un cheval ailé, et selon les musulmans, la ville leur appartient de plein droit. Que ça ait été dans un ensemble panarabe ou au sein d’un nouvel État Palestinien était de peu d’importance, mais voyant l’impossibilité de reprendre la ville, les pays Arabes de la région ont abandonné l’idée et laissé les palestiniens se débrouiller seuls.
Bref, la Palestine n’a pas été « conquise » par Israël : les deux nationalismes se sont développés en même temps, des années 20 aux années 40, sur les ruines de l’Empire Ottoman avec le résultat qu’on connait aujourd’hui. Mais à la différence des Palestiniens, qui devraient pouvoir être accueillis partout dans la Umma arabe, les Israéliens, eux, n’ont pas d’autres options. C’est le seul territoire juif sur terre.
Mais apparemment, toutes ces « nuances » ne sont pas très populaires, même auprès des grands médias qui supportent supposément Israël à 100% et qui voudraient faire un lavage de cerveau à la population. Alors ils sont où les NPC, dites-moi? Il est où, l’unanimisme? Elles sont où, les machinations des puissants?
En voyant tous ces pro-Palestiniens faire des pirouettes idéologiques pour supporter indirectement le Hamas, j’ai plutôt l’impression qu’il est là, le suivisme aveugle, et qu’il dure depuis beaucoup trop longtemps par naïveté « décoloniale », comme un réflexe de vieux gauchiste qui ne réfléchit plus.
Eh quoi encore, vous croyez comme Fukushima que c’est la « fin de l’histoire », que tout est déterminé par nos élites et que les évènements mondiaux sont tous des « false flag »? Ça va, la tête? Vous réalisez que l’histoire suit son cours, que la géopolitique mondiale évolue, et qu’il y a encore beaucoup de gens sur terre qui souhaitent de tout coeur vous couper la tête? Vous croyez vraiment que la situation est aussi simple que « peuple du monde entier vs élites »? Ça va, la naïveté? Seriez-vous mondialistes en fait?
Il y a un terme pour ce genre de désillusion : idiots-utiles.
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