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Point de vue : « le Canada n’est pas brisé, il est mal administré »

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Selon l’économiste Jack M. Mintz, dans un récent article pour le Financial Post, l’expression populaire que le Canada serait un pays « brisé » ne serait pas tout à fait juste : il serait tout simplement mal administré, ce qui l’empêche de remplir son plein potentiel. L’auteur identifie trois problèmes : la perte de contrôle en immigration, dans les dépenses et les cibles irréalistes de transition énergétique.

En effet, l’économiste réagit ici à un sondage qui révélait que 70% des Canadiens étaient d’accord avec l’affirmation de Pierre Poilievre selon laquelle le Canada était un pays « brisé ». Il tient à souligner la robustesse des succès canadiens au cours des années, qui démontrent le fait que la mauvaise posture actuelle n’est que circonstancielle :

« Le Canada est l’un des pays les plus riches du monde, avec le neuvième PIB et plus de 40 millions d’habitants. Malgré les tensions régionales, nous avons maintenu notre unité grâce à une fédération décentralisée. Nous avons accueilli et intégré des millions d’immigrants et contribué à gagner deux guerres mondiales. Nous sommes une économie prospère basée sur les ressources qui a fourni au monde de l’énergie, des minéraux, des aliments et des produits du bois sans souffrir de la « malédiction des ressources ». Nous comptons 14 entreprises parmi les 500 plus grandes entreprises du monde selon Forbes. Nous comptons 28 lauréats du prix Nobel, ce qui nous place au huitième rang des pays, juste derrière la Russie et juste devant la Suisse. Selon un rapport récent, notre pays se classe au 20e rang des 196 pays où l’inégalité des revenus et des richesses est la plus faible.« 

Évidemment, M. Mintz n’est pas naïf, et reconnaît le relatif déclin des canadiens en termes de conditions de vie dans les dernières années, qui est d’autant plus inacceptable considérant le potentiel saboté que ça constitue :

« ‘Cela ne sonne pas comme un pays brisé pour moi. Pourtant, au cours de la dernière décennie, nous avons gravement régressé. Notre PIB réel par habitant, aujourd’hui 27e au monde, ne représente que 73 % du niveau américain, soit l’écart le plus important depuis 1950. Selon le FMI, notre marché du logement est le huitième moins abordable des 58 pays. Notre système de santé, élément clé de l’identité canadienne, est l’un des plus chers au monde et se classe mal en termes de qualité, avec un personnel épuisé, de longs délais d’attente et des services mal intégrés. Avec un niveau de vie stagnant et un climat d’investissement moribond au cours des six dernières années, un chômage en hausse depuis juillet 2022 et un demi-million de jeunes Canadiens au chômage aujourd’hui, nous avons clairement perdu notre mojo.« 

Une situation évidemment frustrante pour l’économiste, qui ajoute :

« Tout cela n’a aucun sens. Comment un pays qui a connu un grand succès pendant 150 ans peut-il s’enliser comme ça? Les Canadiens n’ont pas changé, mais leurs gouvernements, eux, ont changé. Au cours de la dernière décennie, ils se sont attachés à diviser le gâteau économique plutôt qu’à l’élargir. La politique industrielle est en vogue, avec des subventions et des préférences accordées aux industries politiquement favorisées. Les impôts sur les revenus des particuliers et des entreprises et sur toutes les plus-values ont été augmentés, tandis que les réglementations ont ralenti les exportations d’énergie, l’exploitation minière et le développement des infrastructures et du logement. »

Il en conclue donc que « Le Canada n’est pas « brisé ». Il est mal géré, en particulier dans les domaines de l’immigration, de la fiscalité et du climat. » Sur ces sujets, il va un peu plus loin, rappelant que même le gouvernement Trudeau a reconnu que sa politique d’immigration post-covid était un échec, admettant ne pas être « parvenu à un équilibre » :

« L’immigration a peut-être permis de remédier à la pénurie de main-d’œuvre qui a suivi la pandémie, mais elle a gravement mis à mal le logement, les services médicaux, les écoles et les infrastructures. Les planificateurs fédéraux n’ont pas non plus tenu compte du fait que les immigrants en concurrence pour les emplois feraient baisser les salaires si les entreprises n’augmentaient pas leurs investissements en conséquence – ce qui, bien sûr, s’est produit.« 

En matière fiscale, l’auteur rappelle les politiques dépensières et les énormes déficits, qui ont fait s’enflammer l’inflation :

« Comme l’a récemment indiqué le FMI, les dépenses publiques consolidées ont augmenté de 50 % entre 2014 et 2022, passant de 766 milliards de dollars (38,4 % du PIB) à 1 155 milliards de dollars (41,5 % du PIB). Au cours de la même période, les impôts sont passés de 770 milliards de dollars (38,6 % du PIB) à 1 114 milliards de dollars en 2022 (40,9 % du PIB). Après avoir présenté des budgets équilibrés en 2014, les gouvernements canadiens affichent depuis lors des déficits chroniques. Les charges d’intérêt représentent désormais 9 % des recettes de l’ensemble des administrations publiques, soit plus que les dépenses de défense. La dette publique est moins lourde que dans de nombreux autres pays, mais les ménages ont du mal à assurer le service de leurs hypothèques à des taux d’intérêt plus élevés. La dette privée et publique envers le reste du monde s’élève aujourd’hui à plus de 100 000 dollars par Canadien, soit presque autant qu’aux États-Unis.« 

En ce qui a trait aux politiques de transition énergétiques, qui exercent un pression énorme sur le développement, Jack M. Mintz n’y va pas par quatre chemins :

« La politique climatique est devenue une politique socialiste verte, les prix du marché étant subordonnés à une interprétation des « valeurs canadiennes » (comme si nous avions tous les mêmes valeurs). […] Le résultat d’un tel raisonnement est le flot actuel de taxes, de réglementations, de plafonds d’émissions et de caisses noires financées par l’impôt, plutôt que le prix uniforme des émissions qui permettrait au marché de déterminer le meilleur plan d’action.« 

« Nous avons fixé une échéance totalement arbitraire à 2035 pour les voitures électriques et l’électricité propre, sans avoir la moindre idée de la manière d’atteindre des objectifs aussi irréalistes. Et nous voulons que les entreprises rendent compte en détail des effets financiers des risques liés au climat – comme si ces informations (1) existaient et (2) étaient facilement disponibles – et pas seulement sur leurs propres émissions, mais aussi sur celles des entreprises en amont et en aval de leurs chaînes d’approvisionnement. Malgré l’impossibilité de tout cela, nous adoptons des règles de divulgation sur les risques climatiques qui pourraient conduire les institutions financières à refuser des financements basés sur des politiques et des objectifs choisis par des gouvernements canadiens mal informés.« 

Bref, comme le rappelle Jack M. Mintz, les trois enjeux de l’immigration, de la fiscalité et de la transition énergétique ne sont que trois exemples qui démontre la mauvaise gestion du gouvernement, mais ça ne veut pas dire que le Canada, en tant que tel, est si brisé que ça. Serait-ce une manière de voir le verre à moitié plein? Peut-être, mais en tout cas, ça a l’avantage de clarifier l’origine du problème. « Le Canada n’est pas brisé, mais ses dirigeants politiques le sont manifestement », de conclure l’économiste.

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