Pourquoi notre histoire nationale dérange-t-elle à ce point?

L’histoire refait surface régulièrement dans l’actualité québécoise. C’est un sujet qui ne manque pas de créer de nombreuses polémiques. Que l’on soit fédéraliste ou indépendantiste, on a tous notre propre vision de l’histoire de cette colonie française en Amérique qui est devenue ensuite le Québec que nous connaissons. Quelques réflexions sur les enjeux actuels en histoire.

Il y a quelques semaines, le gouvernement de François Legault annonçait en grande pompe la création d’un musée d’histoire nationale du Québec. Il n’en fallait pas plus pour que des groupes communautaires critiquent la décision du gouvernement, qui, selon eux, vont exclure les minorités culturelles. Les autochtones aussi ont pris la parole.

Ils affirment que l’histoire du Québec a commencé bien avant l’arrivée de Champlain en 1608. En effet, cela est vrai. Mais c’est quand même ironique de voir des porte-parole des communautés autochtones vouloir être « inclues » dans l’histoire québécoise, alors qu’en temps normal, ils font tout pour s’auto-exclure. Pour paraphraser Guy Nantel dans un extrait devenu célèbre : « quand ils sont exclus, ils veulent être inclus, mais quand ils sont inclus, ils veulent être exclus ».

Bien sûr, pas un mot sur le fait que le Québec compte de nombreux autochtones de qualité géré par ces communautés. Personne ne remet cela en question. Pas plus que personne n’a remis en question la création d’un musée pour les communautés noires. Mais lorsque l’on parle du peuple québécois, ou du moins des Canadiens français, là, ça devient tout de suite plus compliqué.

Le musée de la civilisation à Québec a récemment inauguré une exposition permanente nommée Le Québec, autrement dit. Selon Le Devoir : « Intitulée Le Québec, autrement dit et organisée sur le thème de la rencontre, l’exposition fait une place accrue aux peuplements autochtones, explore comment la société a évolué au rythme des mouvements sociaux et intègre les thèmes du métissage et de l’immigration. »

Bien sûr, encore une fois, personne ne remet en question le fait de parler de l’histoire des pensionnats autochtones (sans pour autant tomber dans les mensonges comme ici), ni de l’histoire des communautés juives, portugaises, italiennes et chiliennes. Par contre, pourquoi toujours vouloir à tout prix tenter de dissocier l’histoire du Québec de sa base fondatrice, c’est-à-dire les colons arrivés de Normandie pour la grande majorité?

C’est comme si les historiens contemporains avaient du mal à accepter l’existence d’un « roman national » pour le cas du peuple québécois. Pour plusieurs nations sur la planète, le même « roman » est parfaitement accepté par les intellectuels, mais dans le cas du Québec, cela dérange. Pourquoi? Peut-être, car la question nationale brouille les pistes.

Dans un État à moitié achevé, contesté par les forces de la mondialisation, qui voit se battre depuis des siècles la légitimité l’un sur l’autre de ses deux « peuples fondateurs », l’histoire est un terrain miné. Ce n’est pas sans raison que l’histoire fait vendre à ce point au Québec. Dépendant de notre camp politique, on sera tenté de célébrer Dollard des Ormeaux, les patriotes, le Parti Québécois de René Lévesque, Robert Bourassa ou encore la charte des droits de Pierre Elliott Trudeau. Combien de livres, de films et de documentaires sont produits chaque année sur les différentes facettes de l’histoire québécoise?

C’est pour cette raison que l’on voit une rivalité mémorielle, venant à la fois des autochtones, des anglophones, des communautés culturelles et des Québécois dits de souche. Dans un pays à l’avenir incertain, chacun y va de ses revendications et tente d’affirmer sa légitimité politique. Encore une fois, personne ne remet en question l’existence des institutions culturelles autochtones, des communautés culturelles ou des anglophones.

Mais pourquoi quand il s’agit du Québec, cela doit toujours être pris avec des pincettes? Il faut toujours montrer patte blanche et surtout ne pas tomber dans le « nationalisme ethnique », pour reprendre les détracteurs libéraux de la nation québécoise. Tout le monde a droit à son histoire. Les Québécois aussi. Voilà tout.

Anthony Tremblay

Après des études en politique appliquée à l'Université de Sherbrooke, Anthony Tremblay s'est intéressé notamment aux questions sociales telles que le logement ou l'itinérance, mais aussi à la politique de la Chine, qu'il a visité et où il a enseigné l'anglais. Il vit à Sherbrooke avec ses deux chiens.

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