Ceux qu’on pourrait appeler les idéologues du genre qualifient ceux qui ne s’identifient ni comme trans ni comme non binaire de cisgenre, ou « cis ». Il y a de la résistance à ce terme depuis longtemps et cela a attiré davantage d’attention quand Elon Musk a annoncé que ce mot serait considéré comme une insulte sur X (Twitter). Quelles sont les raisons de refuser ce mot?

Plusieurs raisons sont données notamment la suivante : si on s’en tient à la définition donnée dans des documents officiels (des documents produits par l’État, par exemple), dans des documents censés être informatifs, comme le guide qui accompagne l’exposition Unique en son genre au Musée de la Civilisation de Québec, et dans les discours de ceux qui sont présentés comme experts pour parler des questions de genre, alors rien dans la réalité ne correspond à la dénotation : serait cisgenre quelqu’un dont l’identité de genre/le genre ressenti correspond au sexe/genre qu’on lui a assigné à la naissance (certains documents ou individus parlent de sexe assigné, d’autres de genre assigné, d’autres passent de l’un à l’autre).

Personne ne se fait assigner de genre à la naissance, encore moins de sexe, alors ça ne peut pas exister, et de plus, les expressions « identité de genre » et « genre ressenti » sont confuses, mais il ressort des discours de ceux qui promeuvent ces notions que ça relève de la croyance métaphysique, impliquant le dualisme corps/esprit, ou encore la réification de perceptions non conformes à la réalité, ou encore la prétention que chaque humain a une identité stable, indépendante de la réalité matérielle, qu’il faudrait découvrir.

Des Youtubeurs comme Brad Polumbo, Marcus Dib et Blaire White sont de ceux qui disent à peu près ceci : « Ce sont les personnes trans qui doivent ajouter un adjectif pour spécifier qu’elles sont trans, les autres n’ont rien à spécifier. »

Il y a lieu de demander pourquoi le fait d’avoir une caractéristique correspondant à la norme fait en sorte qu’il ne doit pas y avoir de mot pour référer à ladite caractéristique. De plus, l’objection de ceux qui disent que si on reconnaît qu’il y a des personnes trans, on reconnaît forcément qu’il y a aussi des personnes cis semble convaincante à première vue.

Mais la position de Polumbo, White et autres est peut-être justifiée.

D’abord, trans est une préposition latine qui suggère que l’on passe d’un côté à l’autre, alors que cis est une préposition latine qui suggère qu’on reste du même côté. « Trans » est resté très répandu en français (transformer, transatlantique, transparent, etc.), alors que cis est très marginal, en fait, il semble difficile de trouver des mots qui incluent cette préposition en dehors du néologisme « cisgenre ». C’est probablement parce que c’est plus souvent pertinent de mentionner qu’on fait un mouvement d’un côté à un autre ou d’un état à un autre que de mentionner qu’on ne fait rien…

Tenez, si quelqu’un traverse l’atlantique, on dit qu’il a fait un voyage trans-atlantique, si quelqu’un voyage de Montréal à Québec, on ne dira pas qu’il a fait un voyage cis-atlantique.

Annie-Ève Collin

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