« On vous avait prévenu que l’élection de Trump serait une mauvaise chose », s’évertuent les anti-Trump. En fait, non. Ces gens-là avaient décrié Trump comme étant fasciste, raciste, misogyne et homophobe, une appréciation qui demeure aussi erronée maintenant qu’auparavant. La distinction entre positionnement idéologique et politique commerciale leur échappe.

Nous connaissions déjà le penchant protectionniste de Trump, mais il n’avait jamais imposé de tels tarifs lors de son premier mandat. Il n’avait d’ailleurs rien annoncé de tel avant sa réélection. Sa politique commerciale agressive envers le Canada surprend tout le monde – y compris ses partisans de ce côté-ci de la frontière, chez qui elle ne fait pas forcément l’unanimité.

Les arguments de Trump pour justifier ses tarifs de 25% tiennent-ils la route?

Le déficit commercial des États-Unis avec le Canada est invoqué comme élément central de l’application de tarifs douaniers. Selon une publication de recherche de la librairie du Parlement, le déficit commercial des États-Unis avec le Canada se chiffrait à 176.53 milliards de dollars canadiens en 2021, puis à 236.65 milliards en 2022. Il aurait légèrement baissé en 2023 pour atteindre 221 milliards. Ce déficit est véridique, mais découle d’un recours croissant aux hydrocarbures canadiens. Au cours des dix dernières années, les États-Unis ont intensifié leur approvisionnement en énergie provenant du Canada, notamment en ce qui concerne le pétrole. En 2023, 56 % des importations américaines de pétrole brut provenaient du Canada. Les tarifs sur le pétrole sont toutefois réduits à 10%.

Donald Trump allègue que les États-Unis « subventionnent » le Canada. Qu’en est-il? Accusées de fausser la concurrence, les subventions canadiennes aux secteurs du bois d’œuvre et de l’aluminium avaient déjà été une source de tension lors du premier mandat de Trump. Dans certains secteurs comme les produits laitiers et le bois d’œuvre, les États-Unis paient des tarifs sur les produits canadiens alors que l’inverse n’est pas vrai. Toutefois, c’est sur le plan de la sécurité que les arguments sont les plus percutants. Les États-Unis assument une part disproportionnée des dépenses de défense au sein de l’OTAN et du NORAD. Le Canada peine à atteindre l’objectif fixé par l’OTAN selon lequel un pays membre doit consacrer 2% de son PIB à la défense.

Trump avait initialement menacé d’imposer ces tarifs en représailles face à l’inaction du Canada en matière de sécurité frontalière. Il avait évoqué le trafic de fentanyl en provenance de sa frontière nord. Certains seront tentés de répondre qu’il a beaucoup moins de passages et d’activités illicites à la frontière canado-américaine qu’à celle avec le Mexique. Soit, sauf que selon les données de U.S. Customs and Border Protection, le nombre de traversées clandestines en direction des États-Unis par le secteur Swanton (le segment de frontière qui sépare le Québec et les États de New York, du Vermont, et du New Hampshire) a connu une forte hausse en 2024.

Au cours des trois dernières années, 1155 personnes figurant sur diverses listes de surveillance terroriste ont été interceptées alors qu’elles tentaient d’entrer aux États-Unis en provenance du Canada. Par comparaison, 199 tels individus ont tenté d’entrer aux États-Unis depuis le Mexique.

Quant au fentanyl, le Canada est devenu une zone d’activité majeure pour les groupes criminels spécialisés dans son trafic. Comme le rapporte le journaliste Romain Schué, il ne faut pas se fier aux petites quantités saisies à la frontière canado-américaine pour dresser un portrait de la réalité. Les comprimés sont faciles à dissimuler et traversent la frontière très facilement. L’automne dernier, la police fédérale de la Colombie-Britannique a démantelé un super-laboratoire clandestin capable de fabriquer près de 100 millions doses dans la région Kamloops. Il s’agit de la plus vaste installation de ce type jamais découverte au Canada. Comme quoi, les inquiétudes de Trump ne sont pas sans fondement.

Des tarifs de 25% semblent exorbitants dans le contexte économique libre-échangiste que nous connaissons depuis plusieurs décennies. Pourtant, il ne faut pas remonter si loin dans les relations commerciales canado-américaines pour trouver des tarifs de cet ordre. Avant l’Accord de libre-échange de 1988, certains produits faisaient face à des tarifs élevés, atteignant parfois 25%, et même davantage. En moyenne, les droits de douane sur le bois d’œuvre canadien variaient de 10 à 25%, mais pouvaient parfois dépasser ces pourcentages. Les droits de douane sur les produits agricoles étaient particulièrement élevés. Par exemple, les produits laitiers faisaient face à des tarifs allant de 10% à 35%. Les fruits et légumes pouvaient être soumis à des tarifs d’environ 10% à 20% selon le produit. Tandis que les droits de douane américains sur l’aluminium canadien pouvaient atteindre 5% à 10%, les tarifs sur certains types d’acier pouvaient aller jusqu’à 15% et 20%. Un tarif de 25% s’appliquait sur les camionnettes.

Donald Trump est un homme d’État atypique. Il provient du monde des affaires et non de la classe politique. Il semblerait que les « analystes » de la classe médiatique (ainsi qu’un grand nombre de nos représentants politiques) ont préféré dénigrer le personnage que d’essayer de comprendre et de décoder son discours. Dans son livre The Art of the Deal, Trump présente sa stratégie et sa technique de négociation agressives. Sachant qu’il a exprimé l’envie de devancer la renégociation de l’ACEUM (Accord Canada–États-Unis–Mexique), on peut supposer qu’il est en train de mettre la table afin de se présenter en position de force – ou comme un véritable bully, au choix.

« En affaires, il n’y a pas d’amis ». Qu’on applaudisse ou non ses discours cinglants critiquant le monde globalisé et le néo-progressisme (comme celui qu’il vient de livrer à la réunion de Davos), Trump devient un adversaire redoutable quand on se retrouve face à lui dans la joute commerciale. Même Elon Musk, un de ses principaux alliés de campagne, pourrait devenir son rival sur le terrain des affaires. Face à un négociateur aussi aguerri, céder à l’émotion est la pire stratégie. C’est hélas ce que nos dirigeants semblent ne pas comprendre, au provincial et au fédéral.

Trump représente l’équipe America 1st. Il jouerait probablement dur face à n’importe quel homologue canadien. Ceci dit, le Canada ne pourrait être plus mal servi que par l’actuelle administration Libérale. La réticence de Trudeau à sécuriser la frontière n’a contribué qu’à exacerber le mépris de Trump. L’attitude cavalière du président américain à l’endroit du Canada est largement attribuable à l’incompétence de celui qui dirige le pays. Pour se défendre face à Trump, il faut commencer par virer ce gouvernement. Pendant que se trame une guerre tarifaire, le gouvernement Libéral vient d’allouer 41,5 millions de dollars pour des projets visant à « faire progresser l’égalité pour les communautés 2ELGBTQI+ » et « lutter contre la montée de la haine » à leur endroit.

Ophélien Champlain

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