Il faut dire que cette campagne ne s’est pas distinguée par la qualité des débats ni par les enjeux de société évoqués. Un spectre hantait cette élection : Donald Trump. Les libéraux ont certes remporté la victoire, mais sans obtenir de majorité, contrairement à ce que prédisaient des simulateurs tels que Canada 338. Les conservateurs ont perdu de peu. Le Bloc québécois, quant à lui, a sauvé les meubles, malgré certaines pertes. Et c’est surtout pour le NPD que la soirée fut la plus éprouvante. Voici donc quelques leçons à tirer de la campagne électorale fédérale de 2025.
Certains sites spécialisés dans les simulations électorales, tels que Canada 338, prédisaient un gouvernement libéral majoritaire, avec au moins 180 sièges. Mais dès l’annonce des premiers résultats dans l’Atlantique, on a pu constater que la course serait plus serrée que prévu. Les conservateurs ont remporté plusieurs sièges dans ce bloc territorial canadien, jusqu’à présent bastion libéral.
Il faut dire que les Maritimes n’avaient pas une haute estime des conservateurs, en raison de réformes impopulaires sur l’assurance-emploi, qui visaient à forcer les personnes en attente de travail – souvent saisonnier – à accepter un emploi, même si cela impliquait de se déplacer à plusieurs dizaines de kilomètres de chez eux.
Or, il faut croire que cette méfiance des habitants de l’Atlantique à l’égard des conservateurs semble progressivement appartenir au passé. Mais c’est au Québec qu’a eu lieu une des parties les plus marquantes de la soirée électorale.
Le Québec a accordé un nombre historique de sièges aux libéraux. Pourtant, les libéraux de Mark Carney n’ont rien promis aux Québécois. C’était même le silence complet quant aux demandes traditionnelles de l’Assemblée nationale ou du premier ministre François Legault. Les libéraux ont remporté la majorité des sièges au Québec et, par le fait même, ont peut-être gagné les élections grâce à la Belle Province.
Des messages de militants progressistes canadiens remerciaient le Québec d’avoir empêché l’élection des conservateurs. Or, cela mérite d’être nuancé. Oui, le nombre de députés libéraux au Québec est particulièrement élevé, considérant le bilan catastrophique de ceux-ci lors des dix dernières années. Cependant, un joueur sous-estimé a empêché l’élection d’une majorité libérale : le Bloc québécois.
Le Bloc a sauvé les meubles, mais a tout de même subi des pertes. Une dizaine de députés, dont la défaite crève-cœur de Denis Trudel face à un candidat libéral « poteau », amateur de pornographie. Pourtant, Trudel n’était-il pas l’ami des migrants de sa circonscription ? On voit bien à quel point la politique est cruelle et les gens, parfois, ingrats.
D’où peut-être la nécessité pour le Bloc de réajuster son message. De cesser de vouloir imiter les libéraux en matière de questions sociétales ou d’inclusion. Et d’affirmer au contraire un message identitaire clair. Déjà, la grogne se répand dans le camp indépendantiste.
Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, a critiqué la stratégie du Bloc. Il faudra, dans ce cas, procéder à une introspection. Et examiner la responsabilité d’Yves-François Blanchet quant au temps accordé aux libéraux, qui ont pu peaufiner une stratégie pour éviter un effondrement. Le Bloc avait l’opportunité de faire tomber le gouvernement Trudeau l’automne dernier, mais ne l’a pas saisie. Une autocritique serait la bienvenue.
Mais celui qui a subi le pire revers de tous, c’est Jagmeet Singh. C’était sa troisième campagne électorale. En privé, Alexandre Boulerice, député de Rosemont, aurait confié à des journalistes qu’il espérait que le NPD puisse au moins conserver son statut de parti officiel. Il faut 12 députés pour cela. Or, ils n’en ont obtenu que 7. Singh annoncera sa démission le soir même.
La gauche progressiste rendra hommage au programme de soins dentaires ou à l’assurance-médicaments, un agenda poussé par Singh en échange de son soutien aux libéraux de Justin Trudeau. Or, les progressistes, comme le chef du NPD lui-même, semblent avoir oublié la nature fédérale du Canada, où les compétences sont partagées entre les provinces et le fédéral, à Ottawa.
Mais dans un tel univers, peu importe l’autonomie du Québec – qui possède déjà en partie de tels programmes – Ottawa continue de ne pas fournir ce à quoi nous devrions avoir droit en matière de transferts en santé. Argent donné partiellement, et avec des conditions. Sans parler du fait que le fédéral ne couvre qu’une petite portion des coûts nécessaires à l’accueil et à l’installation des migrants traversant la frontière entre les États-Unis et le Québec.
Les conservateurs, quant à eux, n’ont peut-être pas gagné, mais compte tenu de la campagne médiatique de peur orchestrée par Radio-Canada, TVA et d’autres réseaux, ils s’en sortent très bien. Le vote conservateur est désormais plus important que sous Stephen Harper, même si cela ne s’est pas traduit par un plus grand nombre de députés.
Il faut dire que, cette fois-ci, ce qui a désavantagé les conservateurs, c’est que le vote progressiste – en partie attribué normalement au NPD et au Bloc – s’est dirigé vers les libéraux. C’était la traditionnelle stratégie du barrage, du anything but. Les électeurs progressistes ont décidé de voter libéral pour faire obstacle à ce qu’ils considèrent comme une menace, réelle ou imaginaire, contre les droits des femmes.
Les conservateurs ont aussi bénéficié d’une prime à l’urne. Les sondages ont de la difficulté à cerner avec précision les intentions de vote pour ce parti. Car il s’agit d’un vote honteux. Qui souhaite réellement s’embrouiller avec sa famille en annonçant fièrement vouloir voter pour Pierre Poilievre, étant donné le climat d’hystérie entourant le locataire de la Maison-Blanche ? C’est, en ce sens, une victoire pour Poilievre, qui affirme qu’il restera en poste.
Que nous apprend cette élection ? Que les sondages se trompent souvent, et qu’il ne faut pas les considérer comme capables de prédire l’avenir à long terme. Il y a moins d’un an, les conservateurs avaient 20 points d’avance sur les libéraux. Mais, sous la pression interne qui a forcé le départ de Justin Trudeau, les libéraux se sont débarrassés de leur principal boulet.
Mark Carney incarne, avec son CV impressionnant, un individu apte à devenir premier ministre. Cela rassure : connaître l’économie, les flux monétaires… Puisqu’il est économiste, se disent certains, il sera le meilleur pour affronter la guerre commerciale provoquée par Donald Trump. Poilievre, catégorisé comme un mini-Trump canadien, n’avait aucune chance dans les médias.
Pourtant, il a réussi à faire mentir les sondages et les prophètes de malheur qui annonçaient un gouvernement libéral majoritaire. Une autre chose que ces élections nous enseignent : la modestie. Même si l’on a le meilleur programme, les individus les plus compétents et la vérité de notre côté, il sera difficile de faire face à l’indifférence, au cynisme et à la peur.
Paul St-Pierre Plamondon doit prendre des notes. Il est confortablement installé au sommet des sondages au Québec. Or, ce revirement – où ce sont les libéraux, en grande difficulté avant le départ de Justin Trudeau, qui l’ont emporté – montre qu’en politique, tout peut changer en quelques mois. D’où l’importance de ne pas sous-estimer François Legault, qui a peut-être encore des cartes dans sa manche, malgré un bilan médiocre. De même pour le futur chef du Parti libéral du Québec. D’où l’importance d’étudier ce qui s’est passé au Canada en 2025. Pour éviter que le même scénario ne se reproduise chez nous, au Québec.
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