On dira ce qu’on voudra de Justin Trudeau, mais il excelle en ce qui a trait à étirer le temps et faire poireauter ses adversaires. Malgré des mois de scandales et une année 2023 pour le moins catastrophique, il réussit toujours à se défiler et à ralentir sa chute. On l’a vu dans le dossier des ingérences chinoises et les multiples manœuvres qu’il a faits pour éviter de se résigner à lancer une enquête publique et indépendante. À la place de céder aux demandes de l’opposition, il y a eu tout cet épisode du « rapporteur spécial », ce poste créé de toute pièce, duquel David Johnston a fini par démissionner après un rapport qui n’a pas convaincu l’opposition.
Depuis des mois, les analystes prédisent que des élections seront lancées d’ici à cet automne, or cette semaine, Trudeau annonce plutôt un remaniement ministériel, dissipant l’attention qui était centrée autour de la possibilité d’une dissolution de la chambre des communes dans un avenir proche. Encore une fois, il réussit son pari de gagner encore un peu de temps et replace ses pions pour laver la réputation de son gouvernement.
Ça lui permet aussi de faire peau neuve et de se débarrasser des éléments les plus compromettants de son gouvernement.
Parmi les ministres qui étaient soupçonnés en début de semaine d’être écartés d’un nouveau gouvernement, on compte notamment Omar Alghabra, dont les performances en tant que ministre des Transports ont été maintes fois remises en question. Sa gestion de la crise des aéroports après la réouverture post-pandémique, notamment, a été maintes fois décrite comme passive et manquant d’initiative. Dans le dossier du suivi suite à la catastrophe de Lac-Mégantic, de nombreux journalistes et de récents rapports de la vérificatrice générale font état d’un échec de la part du ministère.
Ses liens avec l’islamisme, aussi, consolidaient l’image d’un Justin Trudeau particulièrement imprudent sur le sujet. Alghabra a longtemps été président de la Canadian Arab Foundation, un organisme qui avait perdu son financement fédéral puisque considéré « radical et antisémite ». Il avait par ailleurs soutenu l’idée de tribunaux islamiques au Canada, que le Hamas et le Hezbollah n’étaient pas des organisations terroristes et était allé jusqu’à refuser la condamnation des attentats suicides en 2006… Ce ne sera donc pas une grande perte.
Marco Mendicino, aussi, devrait perdre son portefeuille à la sécurité publique. Sa gestion désastreuse du projet de loi 21 pour réglementer les armes à feu, qui avait entraîné une levée de bouclier dans la population et la classe politique, ne l’aura pas aidé. Il n’aura pas su non plus rayonner dans le dossier des ingérences chinoises, qui représente probablement l’enjeu le plus compromettant pour le gouvernement. On lui attribue de graves lacunes en termes de communication. Et plus récemment, le dossier du transfert de Paul Bernardo dans un pénitencier à sécurité moyenne, qui a choqué la population, a probablement été la goutte qui a fait déborder le vase.
Pour ce qui est des autres pressentis pour être écartés : David Lametti, ministre de la Justice et procureur général, Mona Fortier, présidente du conseil du Trésor, Joyce Murray, ministre des Pêches, Océans et garde côtière canadienne, Helena Jaczek, aux Services publics et approvisionnement, Carolyn Bennett, à la Santé mentale et dépendance.
C’est ainsi clairement un remaniement à saveur électorale. Encore une fois, plutôt que de lancer des élections que tout le monde attend, Trudeau trouve une manière détournée de se présenter à l’écoute de la population. Il envoie ici le message qu’il a à cœur la qualité de ses ministres, et qu’il fait des changements au besoin.
Tout cela est bien beau, mais ça n’efface pas les mois de scandales et la persistance de dossiers chauds tels que l’inflation, la crise du logement, les contrecoups de C-18, les ingérences chinoises…
On comprend bien, aussi, que ce gouvernement se tient au pouvoir en raison de son alliance avec le NPD de Jagmeet Singh, pour qui il doit devenir de plus en plus délicat de maintenir Trudeau au pouvoir. La réalité, c’est qu’il y a en ce moment un momentum conservateur au désavantage des libéraux, et les partis de gauche tentent le plus possible de retarder les élections en se croisant les doigts que les prochains mois seront plus cléments et que les gens auront oublié les récents scandales.
Mais les conservateurs de Poilievre ne compte pas pour autant lâcher le morceau. Le chef conservateur a déjà réagi à ce remaniement avec des mots sans équivoque : «en renvoyant massivement ses ministres, Trudeau admet que son gouvernement échoue, car tout coûte plus cher, le travail ne paie pas, le coût du logement a doublé et la criminalité et la drogue sont monnaie courante dans nos rues».
Il faut dire qu’après 8 ans au pouvoir pour Trudeau, les effets de ce remaniement ministériel au moment où une élection est de toute façon pressentie seront probablement assez modérés. Un grand désir de changement se fait déjà sentir dans une grande partie de la population, et Trudeau demeure le visage incontournable derrière n’importe quel conseil des ministres qu’il saurait ressembler.
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