Rémunération des médecins : la goutte de trop qui mettra fin à la coalition de François Legault ?

Le salaire des médecins fait l’objet de remises en question régulières dans l’opinion publique. On sent parfois un décalage entre les privilèges fiscaux, sociaux et politiques accordés aux médecins et la réalité vécue par le reste de la population. Au Québec, la fonction médicale trône au sommet de la hiérarchie sociale — ce qui est beaucoup moins le cas ailleurs. Mais lorsque François Legault, avec ses ministres Lionel Carmant et Christian Dubé, a voulu s’attaquer au mode de rémunération, il ne s’attendait sans doute pas à une telle crise. Une crise qui pourrait très bien emporter la coalition avec elle.

Qu’est-ce qui réunit sincèrement des technocrates comme Geneviève Guilbault et Christian Dubé avec des élus qui tentent simplement de bien faire leur travail, comme Jean-François Roberge et Simon Jolin-Barrette ? Pas grand-chose, à vrai dire. Peut-être la figure paternelle de François Legault. Mais plus le temps passe, plus les carottes semblent cuites pour le premier ministre, qui est aussi le doyen de l’Assemblée nationale — il y siège depuis la fin des années 1990, une éternité en politique.

François Legault a voulu réformer le mode de rémunération des médecins pour les inciter à voir davantage de patients, comme s’il s’agissait d’une chaîne de montage. Était-ce un calcul populiste, une intention sincère de bien faire ou simplement un très mauvais pari ? Quoi qu’il en soit, le mal est fait, et il risque de persister longtemps. Des médecins ont répondu à l’appel d’un Doug Ford arrogant, qui est allé jusqu’à instaurer une ligne téléphonique pour les recruter : le 1-800-DOUG-FORD, où les médecins québécois peuvent découvrir ce que l’Ontario a à leur offrir.

Cette crise met encore une fois en lumière l’absence de solidarité entre les provinces canadiennes. L’Ontario, le Nouveau-Brunswick et la Colombie-Britannique tentent en ce moment même de recruter des médecins québécois. Chaque fois qu’une crise frappe une province, d’autres y voient une occasion à saisir.

Comment François Legault peut-il justifier des politiques qui affaiblissent le Québec comme rarement depuis des décennies ? La politique, ce n’est pas seulement un rapport de force entre le provincial et le fédéral : c’est aussi une dynamique avec les autres provinces et les États américains voisins.

Certes, il y a des questions légitimes à poser sur les privilèges des médecins. Au Québec, depuis la révolte des Patriotes de 1837-38, ils incarnent l’élite de la nation canadienne-française. Le pouvoir financier appartenant alors aux anglophones, les élites francophones étaient bien souvent des médecins, des avocats et des notaires. Ces privilèges se perpétuent encore aujourd’hui sous certaines formes.

Lorsque les médecins affirment : « Nous irons travailler ailleurs », ils expriment un privilège qu’un concierge de centre commercial n’a pas. De plus, pendant longtemps, ils ont pu fractionner leurs revenus — transférer une partie à leurs enfants — pour réduire leur fardeau fiscal, chose impensable pour un salarié ordinaire.

Cela dit, les médecins assument aussi des responsabilités immenses : la vie des gens dépend d’eux. Ils opèrent, diagnostiquent, suivent, traitent et préviennent les maladies ou les blessures. Les études de médecine sont parmi les plus exigeantes à l’université, et l’accès à cette formation est extrêmement restreint, tant le contingentement est rigoureux.

Il n’existe pas de solution simple à la question du travail et de la rémunération des médecins. Mais François Legault et ses ministres ont pris une mauvaise décision, qui a profité à d’autres provinces — ou, devrions-nous dire, aux compétiteurs du Québec. Lionel Carmant s’en va sous la pression, sa femme et sa fille étant elles aussi médecins. Que restera-t-il de la coalition de François Legault d’ici les élections d’octobre 2026 ? Pas grand-chose.

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