Le directeur du SCRS, David Vigneault, a déclaré ces derniers jours que les services de renseignements canadiens étaient extrêmement préoccupés par la menace terroriste au Canada depuis le 7 octobre. On remarquerait en effet une hausse des gestes à caractères haineux et on suppose que le conflit israélo-palestinien serait un catalyseur d’antisémitisme et d’islamophobie.

Vous remarquerez que j’ai choisi de titrer cet article avec le terme « reprise » plutôt que simplement « hausse », qui a été préféré par les grands médias. Ça n’a rien d’un hasard ; il est important de retourner voir le chemin parcouru dans la dernière décennie avant de parler d’une simple hausse. La situation s’était améliorée… que s’est-il donc passé pour qu’on sombre à nouveau là-dedans?

Il y a évidemment une multitude de facteurs en jeu dans l’émergence de la menace terroriste, mais avec tant d’années à la combattre, on peut tout de même émettre quelques constats. Il est certain que l’attaque du Hamas en Israël le 7 octobre dernier a occasionné des débats passionnés et toxiques partout sur terre, et que la situation de part et d’autres du spectre engendre un instinct de vengeance qui se répercute jusqu’ici. Or isoler cette corrélation de la sorte n’aide pas vraiment

L’attaque du 7 octobre ne venait pas de nulle part et le terreau pour la radicalisation n’est pas apparu du jour au lendemain.

L’apogée de la guerre au terrorisme

Pourquoi est-ce que je parle d’une reprise? Rappelez-vous des années entre 2014 et 2016. Le monde islamique en entier était en guerre civile, conséquence des interventions occidentales aventureuses des années 2000 et du « Printemps Arabe » qui, dans bien des cas, avait remplacé des dictateurs par des islamistes. De nombreuses régions étaient en déliquescence complète, comme l’Irak et la Syrie, où avait été proclamé un « Califat » qui fera régner la terreur partout dans le monde, mais aussi dans le Sahara, où Al-Qaïda dans le Maghreb islamique pouvait opérer impunément.

Ce chaos au Moyen-Orient engendrera une montée en flèche de la radicalisation et de l’activité terroriste, avec de nombreux jeunes hommes rejoignant les zones de guerres, de nombreux migrants les fuyant et une multiplication des attentats partout dans le monde.

C’était LE grand enjeu de ces années.

Et malgré des attaques de plus en plus régulières et dévastatrices, des évènements traumatiques tels que Charlie Hebdo, le Bataclan et la tuerie d’Orlando, les occidentaux ne semblaient pas s’entendre sur la réponse à donner à ce problème. Aux « pas d’amalgame » et « vous n’aurez pas ma haine » s’opposaient les accusations « d’idiots-utiles », de « bien-pensance » et « d’islamo-gauchisme ».

Les élites politiques n’offraient guère d’espoir de changer quoique ce soit, d’ailleurs. Obama affirmait que le combat contre l’État islamique serait un combat « générationnel », Trudeau refusait d’envoyer nos F-18 aider les Kurdes et, de manière générale, on était habitués à l’enlisement des interventions occidentales, qui semblaient désormais se limiter à des frappes de drones une fois de temps en temps.

On croyait la situation sans espoir. Or, étrangement, en seulement quelques années, l’essentiel de ces problèmes avait disparus. Les États du monde islamique avaient largement repris le contrôle des territoires qui étaient aux mains des groupes terroristes, la fréquence des attentats s’était nettement ralentie, les vagues de migrants, quoiqu’encore présentes, s’étaient quelque peu normalisées et, grâce à cette stabilité retrouvée, le contexte économique et diplomatique s’était tellement amélioré qu’on voyait la signature d’accords de paix entre Israël et le monde arabe!

Bref, entre 2018 et aujourd’hui, nous avons profité d’une étonnante accalmie dans le monde islamique et une sorte de répit de la menace terroriste. Alors quand on nous parle de « hausse », il s’agit en fait d’une reprise d’un problème qui s’était quelque peu dissipé.

Vous pouvez donc comprendre pourquoi j’insiste : on ne peut expliquer cette hausse simplement par l’attaque du 7 octobre. Cette hausse est une reprise d’un problème plus ancien que nous avons déjà réussi à juguler par le passé. N’est-ce donc pas pertinent de demander comment, exactement, nous sommes parvenus à estomper ce problème dans les dernière années?

Une transformation radicale des relations internationales

La réponse va certainement déplaire, mais il semblerait que cette accalmie coïncide exactement avec l’élection d’un président américain aux vues diamétralement opposées à celles de ses prédecesseurs. Une élection si controversée que l’agitement médiatique en est venue à faire ombrage au fait que le « combat générationnel » d’Obama avait été réglé en une seule année.

En 2017, l’État islamique était vaincu. Plus tard dans l’année, Trump rencontrait Poutine pour tendre la main à la Russie. En 2018, il rencontrait Kim Jong Un pour entamer un processus de paix dans la péninsule coréenne. En 2020, il annonçait les Accords d’Abraham, des traités de paix entre Israël, les Émirats Arabes Unis, le Bahreïn, le Soudan et le Maroc.

Le président controversé, nous le savons, a remis à l’avant plan les intérêts nationaux en revalorisant l’importance des frontières et en mettant en place des barrières tarifaires pour rééquilibrer un marché mondial faisant de la concurrence déloyale à l’industrie américaine. Mais ce faisant, il ne manquera pas d’inspirer tous les pays à faire pareil, affirmant essentiellement qu’une charité bien ordonnée commence par soi-même et que le patriotisme est primordial pour un peuple (voir son discours à l’Assemblée Générale des Nations Unies).

L’économie de ces années sera rugissante, résultat des déreglementations et de la révision des accords internationaux.

Sur le plan international, il proposera une toute nouvelle approche : la promesse que les États-Unis ne s’ingèrent pas dans les affaires des autres pays, à la condition que ceux-ci enrayent leurs instabilités menant au conflits et au terrorisme. Son discours lors du sommet Arabe islamo-américain, quoique largement ignoré par le public, est un véritable cas d’école. Un discours plein de promesses et d’espoirs pour le monde arabo-musulman, une invitation à rejoindre le concert des nations dans la paix, à faire croître leurs économies et leur prospérité plutôt que de s’entêter dans les conflits religieux, avec cependant un avertissement très clair sur leur devoir d’anihiler le terrorisme sur leurs terres.

Mais aussi, la fin des doubles discours de la part de l’Occident : si quiconque osait s’attaquer aux intérêts américains, la réponse serait expéditive et brutale.

On se rappelle bien les « I’ll bomb the shit out of them », les « Little Rocket Man, la salve de missiles depuis la Méditerannée, le larguage de la MOAB sur les Talibans…

Alors que beaucoup on vu ces coups d’éclat comme du bellicisme imprudent, ça l’était en fait beaucoup moins que l’obstination militaire des frappes de drones continuelles de Obama. Trump préférait les menaces théâtrales que l’enlisement militaire. Et puis, d’une manière contre-intuitive, selon la « madman theory », l’image impulsive de Trump rendait probablement les puissances adverses plus prudentes, de peur de déclencher des conflits ouverts.

La réalité, c’est qu’à l’international, beaucoup de nos adversaires respectent la force, mais méprisent au plus haut point la faiblesse et l’hypocrisie.

« Retour de la décence »

À peine croyable de réaliser que seulement trois ans plus tard, ce que nous observons est une situation économique catastrophique avec une inflation galopante, une guerre totale en Ukraine qui fait craindre une confrontation directe avec la Russie, des hostilités historiques entre Israël et la Palestine qui échauffent les esprits partout sur terre et font renaître les penchants terroristes de certains, des chefs d’États qui s’affirment pacifiques mais envoient des milliards pour financer une guerre brutale et vont même jusqu’à sacrifier leur sécurité énergétique, la persistence du laxisme aux frontières qui entraînent une immigration incontrôlée et une crise du logement, un blocage quasi complet des relations et une tension grandissante avec le géant chinois, qui ose carrément s’ingérer dans nos élections, de l’activisme délirant dans nos écoles qui sapent les fondements éducationnels de nos enfants, etc.

Absolument tous les indicateurs se sont inversés. Nous sommes de retour au point de départ ; de retour avec les politiques ruineuses des années 2000-2010 qui avaient menées à tant de chaos en premier lieu. Nous avons jeté le bébé du populisme avec l’eau du bain.

Les médias nous ont présenté l’élection de Biden comme « le retour de la décence » dans la politique américaine. On a fait de son prédecesseur un pestiféré, on l’a accusé de tentative de coup d’état et de tous les crimes imaginables. Et le message est tellement fort que beaucoup, encore aujourd’hui, persistent à penser que Trump était une catastrophe parce qu’il était grossier et méchant, sans vraiment réaliser que son bilan est très enviable et qu’il nous a donné parmi les années les plus calmes et les plus prospères de l’histoire moderne.

Justin Trudeau, arrivé un an avant Trump, était évidemment en portefaux avec cette nouvelle vague populiste de droite. La Canada n’a pas vécu de véritable changement depuis ; mais c’est dire l’influence de la diplomatie américaine pour le reste du monde. Alors qu’il faisait des petites crises contre Trump, le monde était en paix, et désormais qu’il fait de belles courbettes à Biden, le monde est en guerre.

Oh! Il y a bien eu la pandémie entre les deux ; mais elle commence à avoir le dos large, la pandémie. Évidemment que le monde s’est alors arrêté, évidemment que l’économie allait écoper, mais la reprise aurait déjà dû être meilleure, et les instabilités géopolitiques actuelles n’ont rien à voir avec la pandémie et tout à voir avec les politiques et l’absence de prestance des États-Unis sur la scène mondiale.

C’est simple, Biden est une vraie farce. Sa mollesse à l’interne laisse le champ libre au wokisme le plus débridé et, à l’international, les États-Unis n’ont plus aucune crédibilité. Le « leader du monde libre » a de la difficulté à terminer ses phrases, est très clairement en déclin cognitif et ses tentatives de gonfler les muscles ne sont pas prises au sérieux.

Ce n’est donc pas une surprise si la Russie a profité de ce moment pour attaquer l’Ukraine, la Corée du Nord a recommencé ses tests de missiles et le Hamas a décidé de lancer une attaque historique contre Israël. Comme on dit ; lorsque le chat dort, les souris dansent.

Cette reprise des hostilités partout dans le monde dans un moment économiquement difficile remet en place tous les éléments propices à la radicalisation en Occident. Le conflit israélo-palestinien, avec la complexité de ses débats, les grande émotivité qu’il entraîne et le fort potentiel de dérive islamiste agit ici comme un catalyseur dans une situation déjà explosive.

Bref, malgré tous les mensonge qu’on nous lance au visage, l’éjection de Trump et l’élection de Biden fut une catastrophe sur la scène mondiale. Les preuves sont partout. Alors que tout semblait se régler entre 2017 et 2020, tout semble désormais aller mal. Et, cerise sur le sundea, on nous apprends désormais que la menace terroriste est [de nouveau] en hausse au Canada.

Va savoir… C’est comme si les signalements de vertu et la bien-pensance mollassonne de nos dirigeants gauchistes du Forum économique mondial ne fonctionnaient pas dans le monde réel, face à des gens qui souhaitent nous décapiter. Qui l’eût cru!

Philippe Sauro-Cinq-Mars

Diplômé de science politique à l'Université Laval en 2017, Philippe Sauro Cinq-Mars a concentré ses recherches sur le post-modernisme, le populisme contemporain, la culture web et la géopolitique de l'énergie. Il est l'auteur du livre "Les imposteurs de la gauche québécoise", publié aux éditions Les Intouchables en 2018.

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