Le 26 mai 2025 marque une rentrée parlementaire comme le Canada n’en a pas connu depuis longtemps. Non pas en raison de sa solennité — bien que le discours du trône lu par le roi Charles apporte un lustre monarchique rarement vu — mais surtout à cause du profond malaise institutionnel que cette rentrée souligne : pourquoi le Parlement a-t-il pu rester fermé pendant près de six mois sans que personne ne semble s’en alarmer ? Pourquoi tolère-t-on qu’un des piliers de la démocratie canadienne demeure ainsi en hibernation prolongée, alors que le pays traverse des défis économiques, diplomatiques et sociaux majeurs ?
Il y a quelques jours à peine, le premier ministre Mark Carney affirmait à Global News que la faible productivité était à l’origine de la baisse du niveau de vie des Canadiens. Un diagnostic grave, venant d’un ancien gouverneur de la Banque du Canada et de la Banque d’Angleterre, et aujourd’hui chef du gouvernement. Or, cette remarque s’applique peut-être d’abord au fonctionnement du Parlement lui-même : depuis sa dissolution en mars, les élus n’ont pratiquement pas siégé, et ce, après une prorogation qui avait déjà mis les travaux en pause en plein cœur de l’hiver.
Darren Major, de CBC, rapporte que le retour de la Chambre des communes, ce lundi 27 mai, mettra d’abord en scène une élection du président de la Chambre, avant que le roi Charles ne prononce le discours du trône — événement rare dans l’histoire canadienne. Mais cette théâtralité ne peut faire oublier une évidence : cela fait six mois que le principal forum de reddition de comptes en politique canadienne est resté vide.
Comme l’écrit Howard Anglin dans The Hub, « le génie de notre Constitution, contrairement au modèle présidentiel, est que notre chef de l’exécutif est aussi un simple député, tenu de rendre des comptes aux autres représentants du peuple. C’est parfois inconfortable, mais c’est le but. » Le problème, ajoute-t-il, c’est que le Parlement lui-même devient « de plus en plus marginal dans la conversation politique nationale. »
La session parlementaire s’ouvre donc dans une atmosphère pesante, faite de symboles grandiloquents et de soupçons de concentration du pouvoir. Comme le note Scott Reid, également dans The Hub, Mark Carney a mis fin à la tradition des lettres de mandat individuelles adressées aux ministres. Il a préféré diffuser une unique lettre générale adressée au gouvernement — un geste qui en dit long : « une lettre pour les diriger tous », commente Reid, en référence à Lord of the Rings.
Cette décision accentue l’impression que le gouvernement repose sur une figure unique, un « ministère Carney » plus qu’un véritable cabinet ministériel collégial. Et c’est précisément là où le retour du Parlement devient crucial : dans une démocratie parlementaire, le chef du gouvernement doit se soumettre aux questions, aux critiques, aux interpellations. Pas seulement régner par communiqué.
Or, pendant six mois, ce mécanisme fondamental d’équilibre des pouvoirs a été suspendu. On a laissé les ministres gouverner par décret, le premier ministre multiplier les apparitions internationales, pendant que le cœur du système — le débat parlementaire — restait silencieux.
Darren Major précise que l’ouverture de la session a tout d’un spectacle. Outre l’élection d’un nouveau président de la Chambre — une procédure que supervisera Louis Plamondon, doyen de la Chambre — le roi Charles prononcera lui-même le discours du trône, événement rarissime depuis la Confédération. Escorté par la Gendarmerie royale et un cortège cérémoniel, le souverain commandera la présence des députés dans la chambre haute, selon la formule rituelle.
Mais derrière les dorures de la monarchie parlementaire, une question reste en suspens : que feront les élus du temps qu’il leur reste avant l’ajournement estival ? Selon The Hub, cette session sera brève, probablement sans vote significatif. Ben Woodfinden, ancien directeur des communications de Pierre Poilievre, qualifie cette rentrée de « répétition générale », une sorte de préface avant la « vraie » session d’automne. Il recommande même aux conservateurs de ne pas « surréagir » à ce segment parlementaire sans grande portée.
Mais c’est précisément cette désinvolture qui scandalise. Si le Parlement est devenu une formalité à respecter à contrecœur, pourquoi alors prétendre qu’il est le cœur battant de la démocratie canadienne ?
La nouvelle session s’ouvre, certes, avec des changements à surveiller. Bryan Breguet, toujours dans The Hub, souligne que Pierre Poilievre a reconduit presque intégralement son cabinet fantôme, misant sur la stabilité de son opposition parlementaire. Mais l’enjeu dépasse les jeux partisans.
C’est l’institution elle-même qui doit se réveiller, et vite. Si la Chambre des communes ne devient qu’une scène secondaire au gouvernement exécutif ou au spectacle monarchique, alors le Canada s’engage dans une pente glissante — celle d’une démocratie représentative vidée de sa substance.
Il ne suffit pas de ramener les députés dans leurs sièges verts. Il faut qu’ils y travaillent. Qu’ils questionnent. Qu’ils débattent. Qu’ils gouvernent. Sinon, pourquoi les payons-nous ? Pourquoi tolérons-nous qu’ils aient manqué « le travail » pendant six mois, sans réelle conséquence, sans explication, et sans honte ?
Et si la productivité est, comme le dit Mark Carney, au cœur de notre appauvrissement collectif, alors commençons peut-être par appliquer ce principe là où il devrait être non négociable : au Parlement.
D’après des informations de Darren Major (CBC), Howard Anglin, Scott Reid, Ben Woodfinden, Bryan Breguet (The Hub) et un segment vidéo diffusé par Global News
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