Saab présente son avion GlobalEye pour répondre aux besoins de surveillance du Canada : un concurrent sérieux au Wedgetail de Boeing

D’après un article de Boyko Nikolov pour BulgarianMilitary.com

Le 28 mai 2025, à l’occasion du salon CANSEC à Ottawa, la firme suédoise Saab a officiellement présenté sa plateforme de surveillance aéroportée GlobalEye, dans le but explicite de répondre aux besoins de modernisation de la défense aérienne canadienne. Boyko Nikolov rapporte pour BulgarianMilitary.com que cette annonce marque l’entrée de Saab dans la course à l’obtention du contrat de 3,65 milliards de dollars destiné à doter les Forces armées canadiennes d’un nouveau système de détection et de commandement aéroporté (AEW&C), un besoin jugé critique dans le cadre de la refonte du dispositif de défense nord-américain, notamment dans l’Arctique.

Une plateforme canadienne, une technologie suédoise

Le GlobalEye repose sur une cellule bien connue au Canada : l’avion d’affaires Global 6000/6500 de Bombardier, fabriqué à Toronto. Saab s’appuie ainsi sur cette plateforme canadienne pour y intégrer un arsenal technologique sophistiqué, à commencer par le radar Erieye Extended Range (ER), qui offre une portée de détection de plus de 450 km à 30 000 pieds, et jusqu’à 550 km à 35 000 pieds. Boyko Nikolov souligne que ce radar à réseau actif (AESA) permet la détection de cibles volantes à basse altitude, y compris les drones et missiles de croisière, même dans des environnements saturés ou soumis à des contre-mesures électroniques.

Ce radar est épaulé par le Seaspray 7500E de Leonardo, un radar de surveillance maritime capable de repérer de petits navires ou même des périscopes de sous-marins. À cela s’ajoutent des capteurs électro-optiques et infrarouges (EO/IR), ainsi que des systèmes de renseignement électromagnétique (SIGINT), tous intégrés à un centre de commandement embarqué pouvant accueillir jusqu’à 10 opérateurs.

Une solution taillée pour le Canada et le NORAD

Boyko Nikolov explique que Saab insiste sur le fait que cette solution « canadienne » – puisque reposant sur un avion Bombardier – constitue un atout stratégique et économique. Anders Carp, vice-président de Saab, affirme que « GlobalEye est un atout stratégique véritable : une solution multi-domaines qui fournit une conscience situationnelle accrue et une capacité de réponse rapide dans les domaines aérien, maritime et terrestre ».

L’alliance avec Bombardier ne se limite pas à la plateforme de base : Saab intègre également des entreprises canadiennes dans sa chaîne d’approvisionnement mondiale, créant des emplois hautement qualifiés dans le secteur aérospatial. Jean-Christophe Gallagher, vice-président exécutif de Bombardier Défense, renchérit : « De plus en plus de pays misent sur des jets d’affaires modernes comme actifs stratégiques dans leur flotte militaire ».

Un marché concurrentiel dominé par le Boeing E-7 Wedgetail

Mais Saab n’est pas seul en lice. Boyko Nikolov rappelle que le Boeing E-7 Wedgetail, basé sur le 737-700 et déjà adopté par les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie, est un concurrent de taille. Son radar MESA de Northrop Grumman offre une couverture circulaire à 360 degrés, contrairement au radar Erieye ER, dont le champ de détection se limite à 120 degrés de chaque côté.

Ce désavantage potentiel est partiellement compensé, selon Saab, par l’intégration d’autres capteurs comme le Seaspray, permettant une couverture proche de 360 degrés dans certaines configurations. Toutefois, le Wedgetail peut accueillir jusqu’à 12 opérateurs, contre 10 pour le GlobalEye, et bénéficie d’un avantage important en matière d’interopérabilité avec les autres membres des Five Eyes.

Un troisième concurrent, en développement par L3Harris et Israel Aerospace Industries (IAI), pourrait aussi peser dans la balance. Il repose lui aussi sur le Global 6500, ce qui garantirait un contenu canadien comparable, mais avec une intégration de capteurs différente, inspirée du programme sud-coréen AEW&C II.

Une réponse aux défis arctiques

L’Arctique canadien, peu desservi par les infrastructures au sol, représente une zone particulièrement exigeante pour la surveillance aérienne. Le GlobalEye, avec une autonomie de plus de 11 heures, un plafond opérationnel de 51 000 pieds et une capacité d’opérer depuis des pistes courtes, semble taillé pour ces missions. Le besoin du Canada s’inscrit dans le cadre du renforcement du NORAD, notamment pour faire face à des menaces émergentes comme les missiles hypersoniques, les drones furtifs ou les intrusions maritimes non identifiées.

Selon Boyko Nikolov, la décision d’intégrer un système AEW&C moderne découle d’une reconnaissance croissante du fait que les radars terrestres et le soutien allié ne suffisent plus à eux seuls pour garantir une détection rapide et une coordination efficace dans l’espace aérien nord-américain.

Historique opérationnel et défis à venir

Le GlobalEye n’est pas un prototype. Il est déjà en service aux Émirats arabes unis (EAU), où il a prouvé sa polyvalence en appui à la surveillance des frontières, à la lutte contre la contrebande maritime, et à la coordination des opérations terrestres et navales. La Suède, quant à elle, en a commandé trois exemplaires pour remplacer ses Saab 340 AEW&C, deux d’entre eux ayant été offerts à l’Ukraine.

L’expérience des EAU a démontré la capacité du GlobalEye à améliorer sensiblement le temps de réaction dans la boucle décisionnelle OODA (Observe, Orient, Decide, Act), grâce notamment à l’usage de l’intelligence artificielle dans le traitement des signaux. Le radar Erieye ER, utilisant la technologie au nitrure de gallium (GaN), offre une augmentation de 70 % de la portée par rapport aux précédentes générations.

Les enjeux canadiens : performance, coût et souveraineté

Si le GlobalEye se démarque par sa conception canadienne et ses faibles coûts d’exploitation, il devra encore convaincre quant à sa capacité d’interopérabilité avec les systèmes NORAD et les forces alliées. Boyko Nikolov indique que Saab affirme supporter Link 16 et avoir démontré sa compatibilité lors d’exercices de l’OTAN, mais les capacités du Wedgetail en matière d’intégration opérationnelle demeurent supérieures dans plusieurs domaines.

Le budget de 3,65 milliards $ prévu pour ce programme, réparti sur deux décennies, devra couvrir l’acquisition, l’opération et le soutien initial. Dans ce contexte, les considérations industrielles et de souveraineté pourraient peser lourd. L’appui à Bombardier et à l’industrie aérospatiale canadienne, combiné à un coût d’exploitation moindre, pourrait faire pencher la balance en faveur de Saab.

n choix stratégique à haute valeur symbolique

Le choix de la future plateforme AEW&C du Canada aura des conséquences majeures sur sa posture militaire pour les décennies à venir. Il déterminera la capacité du pays à répondre aux nouvelles menaces, à sécuriser l’Arctique, et à maintenir une interopérabilité avec ses alliés stratégiques. Saab, avec son GlobalEye, propose une alternative crédible, technologiquement avancée, et résolument ancrée dans le tissu industriel canadien.

Mais face à la robustesse opérationnelle du Wedgetail et au soutien politique probable qu’il reçoit de la part des alliés des Five Eyes, la bataille est loin d’être gagnée. Le gouvernement canadien devra donc trancher entre l’option d’un système éprouvé mais étranger, et celle d’une solution intégrée, compétitive, et partiellement fabriquée sur son propre sol.


Source : Boyko Nikolov, BulgarianMilitary.com, « Saab unveils GlobalEye surveillance jet for Canada at CANSEC », publié le 28 mai 2025.

La Rédaction

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