Sommes-nous en 2025 ou en 2015?

Attentats au bélier dans un marché de Noël de Magdebourg, en Allemagne, et puis dans le Carré Français en Nouvelle-Orléans. Cybertruck en feu devant la Trump Tower… décidément, le temps des fêtes de 2024 et l’entrée dans la nouvelle année ont été marqués par les attentats. C’est à croire qu’on est rendu insensibilisés un peu : fini le temps des « Je suis Magdebourg » ou « Je suis New-Orleans » ; on s’en émeut prestement avant de retourner à son train-train quotidien. Or, malgré cette relative indifférence, il faut tout de même prendre la chose au sérieux : l’activité terroriste et l’instabilité mondiale a été de retour d’une manière si significative cette année qu’on se croirait de retour en 2015!

Dix ans déjà…

Qu’on se rappelle : après des années d’interventions occidentales à l’honnêteté à géométrie variable dans le monde islamique, et suite à de grandes révoltes populaires contre les pouvoirs en place, de grandes régions du Moyen-Orient et du Maghreb étaient en déliquescence complète à partir des années 2010. Les groupes terroristes y pullulaient au point même de surpasser l’infâme Al-Qaeda, qui faisait les manchettes depuis une dizaine d’années. En 2014, un groupe nommé « État Islamique » se constituait autour de Raqqa, en Syrie, prenait Mossoul en Iraq, assiégeait les Yazidis du Mont Sinjar, détruisait la frontière syro-irakienne et proclamait le retour du Califat islamique dissout 100 ans auparavant.

C’était la première fois qu’un groupe terroriste parvenait à créer un nouvel État indépendant à partir de morceaux pris à deux autres pays ; il était environ de la taille du Portugal et ferait rapidement connaître la bellicosité de sa politique étrangère…

Dès le 7 janvier 2015, les caricaturistes du magazine Charlie Hebdo étaient attaqués à la kalachnikov dans leurs bureaux parisiens pour avoir osé caricaturer le prophète Mohammed. 12 morts, 11 blessés. Rapidement, le monde entier exprime son soutien à la liberté d’expression ainsi attaquée en proclamant « Je suis Charlie ». Quelques jours plus tard, les terroristes frappent encore Paris dans une fusillade à Montrouge et dans une supérette casher de la porte de Vincennes : 5 autres morts.

Ces évènements ont causé une onde de choc dans le monde… or ce n’était que le début d’une succession de massacres contre les occidentaux et les minorités religieuses dans le monde islamique. Le 18 mars 2015, 22 personnes – principalement des touristes – mouraient dans une attaque au Musée National du Bardo, à Tunis. Le 25 juin, 223 kurdes mouraient dans une attaque génocidaire sur Kobané, à la frontière entre la Turquie et la Syrie. Le lendemain, 38 touristes étaient tués sur une plage de Sousse, en Tunisie. Le 10 octobre, deux explosions causaient plus de 100 morts à Ankara, en Turquie. Le 31 octobre, un avion de Métrojet était détourné au-dessus du Sinaï et s’écrasait, causant 224 morts. Le mois suivant, un 13 novembre, des attaques coordonnées dans Paris, contre un concert au Bataclan, des terrasses de restaurants et le Stade de France, mettaient la ville en état de siège. 130 morts et, une fois de plus, une mobilisation mondiale en soutien à Paris.

Durant la soirée du jour de l’an, le 31 décembre 2015, une vague de viols collectifs emportaient plusieurs villes d’Allemagne et de Scandinavie. Rien que dans la ville de Cologne, on évalue à 1500 le nombre d’agresseurs, qui opéraient en bande de 2 à 40 individus, et à 1049 le nombre de victimes (exclusivement féminines).

Et nous n’étions pas au bout de nos peines : 2016 et 2017 verraient une continuation, voire une intensification de cette tendance : le 22 mars 2016, des explosions frappaient l’aéroport de Bruxelles, causant 32 morts et 340 blessés. Le 12 juin 2016, un club gay d’Orlando était attaqué, causant 50 morts et 53 blessés. Le 14 juillet, jour de la fête nationale française, un camion fonçait dans la foule amassée sur la promenade des Anglais, causant 86 morts. C’était la première fois que les occidentaux se familiarisaient avec le concept « d’attaque au bélier ». Le 3 juillet, 300 personnes perdaient la vie dans l’explosion d’un centre commercial à Baghdad. Le 19 décembre 2016, une nouvelle attaque au bélier survenait contre un marché de Noël à Berlin, causant 12 morts… Créant un triste précédant dans le pays d’outre-rhin, qui revivrait la même chose à Magdebourg en 2024.

Le 22 mai 2017, 22 personnes, principalement des jeunes, mouraient dans un attentat à la bombe à Manchester, au Royaume-Uni. Le 3 juin, une nouvelle attaque au bélier suivie d’attaques à l’arme blanche surviennent sur le London Bridge et au Gorough Market, à Londres. 8 morts. Le 17 août, c’est au tour de Barcelone de connaître son attaque au bélier sur la fameuse « Rambla » : 16 morts et des dizaines de blessés. Le 24 novembre, un attaque intercommunautaire contre une mosquée de Al-Rawda, en Égypte, fait 305 morts.

Évidemment, ceci est loin d’être une liste exhaustive, mais témoigne de l’ampleur et de la généralisation de ces attaques à l’échelle globale. Après des années de « guerre au terrorisme » aux justifications douteuses par Bush et Obama, finalement, l’Occident était réellement en guerre contre un groupe terroriste et un État identifiable. L’État-Islamique, surnommé « Deach » par les arabes, était devenu l’ennemi juré du monde libre. Mais on ne s’entendait pas encore sur la solution pour régler ce problème…

L’accalmie Trumpienne

Entre temps, le cycle politique américain suivait son cours, et en 2016, comme nous le savons, Donald Trump remportait contre toutes attentes les élections présidentielles.

Alors qu’Obama avait passé les dernières années à être associé à la généralisation du recours aux drones au Moyen-Orient, qui causaient parfois des massacres de civils et des horreurs, il persistait à maintenir une façade de pacifiste attaché à l’objectif de désengager les troupes américaines de la région.

Face à l’État islamique, il avait d’abord fait preuve d’une légèreté déconcertante, les comparant à une « JV team » de cinéastes amateurs en raison de leur recours massif à la propagande dans des vidéos élaborés. La chose causa un scandale, même dans son propre camp, et questionnait son sérieux. Plus tard, il déclarera avec gravité qu’il s’agirait d’un « combat générationnel », puisqu’il sera difficile de distinguer les terroristes de la population générale. Dit grossièrement, Obama incarnait à ce stade un establishment indifférent, voir carrément « pompier-pyromane », qui souriait comme un hypocrite aux caméras en se prétendant pacifiste et en laissant l’instabilité irrésolue.

C’était un tout autre discours pour Donald Trump, qui n’ira pas par quatre chemins : « I’m gonna bomb the shit out of them »… (approx. : « Je vais les bombarder comme des merdes/comme ils ne l’ont jamais été ».

La lutte contre l’État islamique deviendra l’un des axes centraux de la politique trumpienne, qui libérera la puissance militaire américaine de sa frilosité pseudo-pacifiste par des coups de force hautement médiatisés : salves de missiles depuis la Méditerrannée, largage de la plus grosse bombe non atomique sur les talibans, etc.

En l’espace de quelques mois, avec l’aide de la Russie, du régime d’Assad et d’une coalition d’État arabes piloté par les autorités irakiennes, l’État islamique était éradiqué de la surface de la terre. Il vivrait ses derniers jours dans une Mossoul aux apparences de Berlin en 1945, et tombera définitivement le 10 juillet 2017.

Dans les années subséquentes, Trump restera attaché à la pacification du Moyen-Orient et à la création de prospérité. Il expliquera les grandes lignes de sa politique à l’égard de la région dans un discours historique au Sommet Arabo-Islamique et Américain le 21 mai 2017 à Riyad, en Arabie-Saoudite.

D’abord, il exprimera l’intention de ne plus s’ingérer dans le mode de vie des sociétés arabo-musulmane et de leur accorder leur aire d’influence, signifiant un retour d’une géopolitique multipolaire après des années de bipolarité et d’hégémonie. Il assortira cependant cette intention d’un avertissement clair : les États arabo-musulmans devraient eux-mêmes éradiquer l’extrémisme de leur nation, sinon, les Américains n’auraient d’autre choix que d’y répondre.

Il fera ainsi l’éloge de la collaboration économique contre les guerres intercommunautaires, exprimant avec passion le souhait de voir enfin un Moyen-Orient prospère et en paix. Il décrira en outre avec acuité l’absurdité de ce cycle de vengeances infinies qui détruit le potentiel de la région, et soulignera clairement son intention de travailler avec quiconque a le coeur à la bonne place.

Or, il sera aussi très clair sur son intention de couper tout financement et d’isoler au maximum l’Iran, qu’il accusera d’être le principal promoteur du terrorisme à l’échelle mondiale. Il invitera en outre tous les pays arabo-musulmans à le combattre de même. On se rappelle que Trump se retirera de l’accord sur le nucléaire, qu’il qualifiait de « pire deal » jamais conclut entre un président américain et un État voyou.

Ces politiques Trumpienne, et son honnêteté brute quant aux question géopolitiques de la région, sembleront porter fruit, puisqu’outre la chute de l’État islamique deux mois plus tard, la région entière connaîtra une accalmie et un accroissement de sa prospérité. Le nombre d’attentat dans le monde chutera drastiquement, et les occidentaux devinrent rapidement plus préoccupé par Trump lui-même que par la menace terroriste… Ce qui en dit long…

Mais encore plus surprenant, il parviendra même à entamer de nouveaux accords de paix entre des États arabes et Israël! Du jamais vu depuis des décennies dans ce conflit qui dure depuis plus de 70 ans. Dans le cadre de ces « Accords d’Abraham », les Émirats-Arabes-Unis et le Bahrein signeront finalement une paix durable avec Israël, et seront ensuite rejoins par le Soudan et le Maroc.

Bref, d’une manière générale, la présidence Trump s’est accompagnée – et ce d’une manière très nette – d’une accalmie dans le monde arabo-musulman, d’un retour progressif vers la paix, et d’une cessation surprenante des activités terroristes. Il n’aura jamais ce crédit ; comme mentionné précédemment, les gens tomberont plutôt dans une paranoïa en le traitant de tous les noms et en l’accusant de tous les problèmes du monde, sans même réaliser que dans les faits, le monde était BEAUCOUP plus pacifique et prospère sous sa gouverne. C’était, évidemment, avant que le Covid ne frappe, et que l’ancienne garde ne revienne au pouvoir.

Retour en arrière total

On pourrait bien entendu s’obstiner pendant des décennies sur le crédit qu’on peut lui apporter d’un point de vue économique : « était-ce les politiques d’Obama qui commençaient à prendre effet? », « L’inflation actuelle a-t-elle été causée par ses dépense pendant la pandémie? », etc. Or, il semble assez clair que la pandémie était une situation tout à fait exceptionnelle qui ne cadre pas avec le reste de son bilan pré-pandémie.

On pourra aussi s’obstiner de long en large sur les tenants et aboutissants de cette pandémie, à qui attribuer la faute, à qui attribuer des mérites, etc. N’en reste pas moins qu’il est assez clair que cet épisode unique a quelque peu ruiné les derniers mois de sa présidence.

Or s’il est une chose qui est complètement indépendante de tout ça, c’est bien la politique étrangère américaine, qui, depuis le retour des démocrates de Joe Biden, a été une catastrophe sur toute la ligne, particulièrement au Moyen-Orient.

Depuis l’élection de Biden, le cycle de violences semble avoir définitivement repris dans le monde arabo-musulman ; et c’est sans parler de la dégradation accélérée de ce qui était « la crise ukrainienne » en une guerre totale, de la reprise des intimidations chinoises sur Taïwan et de la reprise des tests de missiles en Corée du Nord. Sur tous les fronts diplomatiques où la présidence Trump semblait aboutir à des négociations de paix, la présidence Biden a inversé drastiquement ces tendances et ramené le monde à ce qu’il était avant 2016 : un chaos complet de violences extrémistes.

En ce qui a trait au terrorisme islamique, le relâchement de la pression sur l’Iran lui a permis de refinancer massivement ses activités avec ses proxys en Palestine, au Liban, en Syrie, au Yémen, en Irak et ailleurs. En voyant la faiblesse américaine, encore aux prises avec les difficultés post-pandémiques, et la quasi-sénilité de son leader, tous les États voyous ont recommencé à faire la pluie et le beau temps. Comme on dit : quand le chat dort, les souris dansent…

C’est ainsi que le 7 octobre 2023, le Hamas a décidé de lancer la plus grande attaque terroriste contre Israël de tous les temps, ainsi que le plus grand massacre de juifs depuis la deuxième guerre mondiale. Ce à quoi, évidemment, Israël a répliqué par une guerre sanglante, qui a contribué à une nouvelle flambée d’extrémisme musulman partout dans le monde.

Peu importe le camp qui nous rejoint le plus dans ce conflit en apparence irrésolvable, on peut au moins s’entendre sur une chose : le Moyen-Orient est de nouveau hors de contrôle et cause de la violence partout sur terre.

Au Canada, toutes les statistiques sont claires : les crimes haineux, l’antisémitisme et les activités terroristes sont en nette croissance. De nombreux cas d’attaques contre des synagogues ou des commerces juifs ont eu lieu. Des émeutes ne cessent d’être organisées. Des groupes militants organisent des « camp d’été » aux apparences terroristes. L’extrémisme est en hausse.

Ainsi, est-ce réellement une surprise de voir le temps des fêtes de 2024 entaché par des attentats répondant à toutes les caractéristiques des attaques terroristes contre l’occident entre 2014 et 2017? Est-ce réellement une surprise de voir des attaques au bélier, des attaques au couteau, des fusillades? Non, évidemment. Le gens sont carrément rendus habitués et ont passé les dernières années à se faire remplir la tête que Trump avait été la pire chose pour le monde ; c’est donc « business as usual » pour eux.

Vivement un retour de leadership

Lorsque Biden a pris le pouvoir, on a décrit la chose comme un « retour de la décence » à la Maison-Blanche… Eh bien, si la décence, c’est la normalisation du terrorisme et de l’instabilité mondiale, c’est assez réussi. Le fait que des gens accordent encore une once de crédibilité à ces affirmations alors que tous les signes à l’international sont clairs est assez troublant.

On en vient même à célébrer la chute d’Assad et la prise de pouvoir des islamistes… Nombreux d’entre-eux faisaient parti des rangs de l’État islamique dans son apogée. La décence, apparemment, c’est de perdre complètement la tête et supporter des groupes rebelles comme on mise au casino.

On peut au moins se consoler et se dire que contrairement aux troubles des années 2000-2010, nous n’aurons pas à attendre des années et une longue liste d’attentats avant de réagir. Trump sera assermenté le 20 janvier prochain, et on peut espérer de revoir sa politique moyen-orientale sur la table.

D’ailleurs, dès qu’il fut élu, en novembre, les terroristes du Hamas, en panique, ont exhorté leur leader à conclure une paix avec Israël sans plus attendre. L’Iran sait déjà que ses opérations vont être mise sous une grande pression à un moment où le régime des Mollahs est particulièrement critiqué par sa propre population. Et d’une manière générale, on peut s’attendre à ce que les pays arabes – qui, contrairement à la perception populaire, appréciaient beaucoup Trump – seront content de refaire affaire avec le président américain et poursuivre la pacification qui avait été entamée entre 2016 et 2020.

Ainsi, malgré que nous pleurons encore la mort de ces gens dans les attentats récents, on peut à tout le moins voir une lumière au bout du tunnel, et se dire qu’un vrai leadership pour le monde libre s’attardera à la tâche d’étouffer cette vague extrémiste que nous connaissons depuis un an et demi.

Philippe Sauro-Cinq-Mars

Diplômé de science politique à l'Université Laval en 2017, Philippe Sauro Cinq-Mars a concentré ses recherches sur le post-modernisme, le populisme contemporain, la culture web et la géopolitique de l'énergie. Il est l'auteur du livre "Les imposteurs de la gauche québécoise", publié aux éditions Les Intouchables en 2018.

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