Télé en soins palliatifs : la lente agonie du câble

Selon une récente étude de l’organisme Convergence Research, 46 % des ménages canadiens ne seraient plus abonnés à la télé par câble. Si 66 % des ménages québécois le sont toujours, qu’est-ce que cela dit du lent déclin de la télévision traditionnelle ? Devrions-nous y voir un manque de talents de nos artistes, ou davantage diverses causes démographiques et sociales ?

Le pourcentage des abonnés au câble est plus élevé au Québec que dans les autres provinces canadiennes. Il faut avouer quelque chose : la télé au Canada anglais ne fait pas rêver, et la compétition des réseaux américains est si forte qu’il est inutile d’essayer de rivaliser à armes égales. Le Québec est un univers culturel propre, avec sa langue, ses traditions et ses goûts.

Ce n’est pas le talent qui manque au Québec. Nos techniciens sont parmi les meilleurs au monde. Ils sont régulièrement employés par les grands studios d’Hollywood. Certains de nos grands réalisateurs, comme Jean-Marc Vallée et Denis Villeneuve, ont eu énormément de succès aux États-Unis. La qualité de nos techniciens et de nos artisans n’est pas le problème.

Le problème vient-il du fait que l’on est une société vieillissante ? Les personnes plus âgées sont celles qui gardent davantage leur abonnement au câble. Comment en vouloir aux grands réseaux de s’adresser à leur clientèle la plus fidèle et lucrative ? Il était dit lors d’une précédente étude que la moyenne d’âge des auditeurs de trois réseaux québécois — TVA, Radio-Canada et Noovo — variait de 55 à 58 ans.

Les jeunes ne sont plus là. Le contenu jeunesse a depuis longtemps été délaissé par les chaînes généralistes et spécialisées. Pourrions-nous reproduire les gigantesques succès de Radio Enfer et Dans une galaxie près de chez vous ? De nos jours, cela serait peu probable, puisque l’offre est éclatée partout sur Internet. Les jeunes n’ont plus seulement accès à Télétoon ou Vrak TV, mais à la planète entière.

C’est plate, mais c’est comme ça. Il n’y a plus ce rendez-vous hebdomadaire universel qui touchait l’ensemble des adolescents québécois à une certaine époque. Et si Passe-Partout et d’autres émissions pour enfants ont contribué à l’intégration des enfants de la loi 101, il faut avouer qu’en 2025, bien peu s’y réfèrent désormais pour s’identifier à la culture québécoise.

Il est maintenant possible de suivre des émissions du pays d’origine des parents, ou tout simplement de faire comme n’importe quel jeune, c’est-à-dire regarder le contenu anglo-américain des géants du web. Dans ce contexte, la télévision traditionnelle ne peut que souffrir d’être reléguée au second plan par une offre mondiale, diversifiée et multilingue.

Il serait inutile de blâmer les personnes âgées. Elles sont un public fidèle, qui a de l’argent à dépenser en produits offerts dans les publicités. Et même si elles continuent toujours à s’initier au numérique, les bonnes vieilles habitudes demeurent. Les jeunes et les communautés culturelles sont ailleurs.

Ce qu’il faut pour la télé québécoise, c’est développer son offre de contenu en ligne. Comment se fait-il que trouver certains films québécois relève de l’exploit ? Certains ne sont disponibles qu’en DVD, parfois rares et chers dans les groupes de collectionneurs. D’autres nécessitent un abonnement ou un achat sur une plateforme québécoise.

Il y aurait moyen de simplifier tout ça. Des pirates s’organisent pour pérenniser la culture télévisuelle et cinématographique québécoise. Ça en dit long sur l’état de déconnexion de certains décideurs du milieu. Mais cela montre une chose : les gens ont soif de culture québécoise. Il faudrait donc pouvoir simplifier et généraliser l’offre.

Ainsi, les diffuseurs pourraient partager les émissions produites plus simplement en ligne, afin d’en faire bénéficier le plus grand nombre. Il est rare que l’on puisse donner des fleurs au gouvernement canadien, mais l’équipe de l’ONF a réalisé un grand coup en permettant l’accès aux classiques du cinéma direct. Des solutions existent, mais certains se sont assis trop confortablement sur leur siège. Nous pouvons changer les choses.

Anthony Tremblay

Après des études en politique appliquée à l'Université de Sherbrooke, Anthony Tremblay s'est intéressé notamment aux questions sociales telles que le logement ou l'itinérance, mais aussi à la politique de la Chine, qu'il a visité et où il a enseigné l'anglais. Il vit à Sherbrooke avec ses deux chiens.

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