Justin Holmes rapporte pour le Toronto Sun qu’un projet controversé de la Ville de Toronto visant à ouvrir un refuge pour sans-abri « à mandat noir » avance discrètement, mais fermement. Le programme, destiné à être confié à une organisation dont la direction et les employés sont majoritairement noirs, fait déjà couler beaucoup d’encre alors que les critères d’éligibilité – et les exclusions possibles – soulèvent des questions sur la transparence, l’équité et la nature même de la mission publique d’un refuge.
Le refuge dit « B3 » (Black-mandated, Black-led, Black-serving) est une initiative de la division des services de refuges de la Ville de Toronto. Comme le précise Justin Holmes, le document d’appel de candidatures exige que toute organisation soumissionnaire soit dirigée par une majorité de personnes s’identifiant comme noires ou d’origine africaine, tant au niveau du personnel salarié que du conseil d’administration. En outre, la mission même de l’organisation doit être explicitement consacrée aux communautés noires de Toronto.
Selon les documents municipaux consultés par Holmes, aucune expérience préalable en gestion de refuge n’est nécessaire pour postuler, bien que les groupes novices soient « encouragés » – ou dans certains cas « requis » – à chercher des mentors pour les accompagner, notamment en ce qui concerne l’administration, la gestion d’actifs et les opérations de refuge.
L’objectif du refuge serait d’accueillir entre 70 et 100 personnes, avec un fonctionnement 24h/24, 365 jours par année. Les directives exigent la création « d’espaces sécuritaires pour les clients et employés noirs », l’offre de « nourriture culturellement appropriée » et même de « produits d’hygiène spécifiques aux communautés noires », selon les prescriptions du programme municipal de lutte contre le racisme anti-noir (CABR).
Toutefois, Holmes note que le document ne précise pas comment les bénéficiaires seront sélectionnés, ni si certaines personnes pourraient être exclues sur la base de leur race – un point particulièrement sensible dans le contexte d’un service public destiné à la population sans abri. En principe, le texte indique que le refuge doit accueillir toute personne de son secteur « indépendamment de son identité ou de ses besoins spécifiques », mais les critères sectoriels des refuges municipaux actuels (hommes, femmes, etc.) laissent planer l’ambiguïté sur l’émergence potentielle d’un « secteur noir » exclusif.
Comme le souligne encore Justin Holmes, ce projet fait écho à une initiative antérieure menée pour les communautés autochtones, où une organisation à direction majoritairement autochtone devait aussi piloter un nouveau refuge. Toutefois, les documents associés à cette précédente initiative ne comportaient pas les mêmes exigences concernant la race des employés réguliers, ni les définitions explicites du racisme et de la lutte antiraciste que l’on retrouve dans le projet B3.
Alors que le concours pour désigner l’organisation lauréate est ouvert jusqu’au 31 mai, la Ville n’a donné aucun détail sur le nombre de candidatures reçues, ni sur l’emplacement potentiel du refuge. Selon les estimations de la municipalité, l’ouverture pourrait survenir entre 2028 et 2030.
Loretta Ramadhin, directrice de la planification des services de refuge à la Ville, a déclaré au Toronto Sun que ce projet s’inscrit dans une volonté d’adapter les services à la diversité de Toronto. Elle a rappelé qu’un rapport de 2021 montre que les personnes noires composent 9 % de la population torontoise, mais 31 % des sans-abri. Elle ajoute que cette surreprésentation s’est accentuée avec l’afflux « sans précédent » de demandeurs d’asile au cours des dernières années.
« Les solutions à ces défis complexes ne peuvent être universelles. Nous devons rester flexibles pour adapter nos services aux divers besoins que nous observons à Toronto », a-t-elle affirmé.
Le Toronto Sun signale que dans un récent sondage mené auprès d’usagers et d’acteurs du système d’aide aux sans-abri, 66 % des répondants estimaient que les services s’étaient détériorés au cours des cinq dernières années. Si 6 % d’entre eux ont reconnu des améliorations, celles-ci étaient souvent attribuées à « l’utilisation d’un prisme équitable » et à la prise en compte des « besoins diversifiés » par la Ville.
La Ville a récemment publié un rapport annuel de 40 pages sur les services de refuge, où l’on retrouve une page complète consacrée à la reconnaissance du territoire, une autre aux ancêtres africains, et quatre pages à l’« équité et l’inclusion » – pour une page unique dédiée à «détailler» le budget de 800 millions de dollars de la division.
En parallèle, les résidents de Clarence Square, un parc du centre-ville, demandent à la Ville de démanteler un campement de sans-abri de plus en plus problématique. Le contraste entre la complexité idéologique de la nouvelle initiative et les problèmes concrets sur le terrain alimente les tensions.
Pour l’instant, il reste à voir si ce refuge « à mandat noir » s’intégrera harmonieusement dans un système de plus en plus critiqué pour son inefficacité, ou s’il accentuera davantage la politisation – et la fragmentation – des services sociaux à Toronto.
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