Depuis des mois, des commentateurs font part d’une réalité dérangeante : pour soutenir l’Ukraine – et par extension l’Europe – face à la Russie, il est impératif de développer davantage d’alternatives au gaz russe. C’est simplement mathématique : la Russie peut couper le robinet du jour au lendemain (elle a déjà coupé ses exportations de 60% la semaine dernière) et plonger la moitié de l’Europe dans l’obscurité, donc la seule manière d’y résister est de développer le secteur gazier occidental.
Macron annonçait d’ailleurs un « plan de sobriété énergétique » pour les Français lors de la dernière fête de la République, visant à diminuer leur consommation énergétique sur deux ans, mais particulièrement d’ici l’automne pour se préparer à d’éventuelles pénuries, affirmant sans détour : « Il faut nous préparer tous à ce que la guerre en Ukraine dure. L’été et le début de l’automne seront sans doute très durs ».[1]
Le nerf de cette guerre n’est donc pas d’afficher des couleurs de l’Ukraine partout et de changer ses photos de profils, mais de résister à la précarité énergétique à venir.
Or partout en occident, les projets d’hydrocarbures sont bloqués soit par des militants écologistes, soit par des législations dans le cadre d’un agenda vert. Pire encore, ce sont souvent les mêmes qui sont les plus fervents défenseurs de l’Ukraine qui d’un même souffle s’opposent au développement du gaz. Ça veut le beurre et l’argent du beurre, en quelque sorte.
C’est dans ce contexte que le géant russe Gazprom a entrepris des travaux de réfection de certaines sections de ses pipelines en Allemagne, notamment sur le Nord-Stream 1, qui avait besoin… de turbines produites au Canada.
La chose est instantanément devenue une crise diplomatique, le Canada étant pris entre le besoin de respecter les sanctions pour soutenir l’Ukraine et le besoin de soutenir l’Allemagne dans cette période d’incertitude énergétique. De leur côté, Gazprom et la Russie gagnent sur toute la ligne.
D’autre part, le Canada est pris entre sa volonté de bloquer le développement des hydrocarbures et celle, encore une fois, de soutenir ses partenaires face à l’insécurité énergétique. Sa posture contradictoire le pousse ainsi à être quand même obligé de développer et entretenir des pipelines, mais sans en récolter les bénéfices, qui vont plutôt… à la Russie.
En bref, le Canada de Justin Trudeau nuit à son propre secteur pétrolier et gazier, n’est pas capable de soutenir l’Ukraine et doit aider à l’entretien du réseau gazier russe pour sauver l’Allemagne. Ce gouvernement est dans une impasse totale, de ses plans de développement à ses lignes diplomatiques officielles, il s’est placé dans une situation où il est incapable de quelconque cohérence.
Ce matin, Trudeau défendait sa décision en renvoyant la faute à la Russie, affirmant, comme si ça changeait quoi que ce soit : «Soyons clairs avec ce qu’il se passe : la Russie choisit d’instrumentaliser la politique énergétique comme manière de poursuivre son attaque contre l’Ukraine, mais aussi pour diviser les alliés occidentaux entre nous, en plus de miner l’opinion publique en faveur du soutien pour l’Ukraine et contre la Russie»[2].
Or la question n’est pas de savoir s’il faut supporter l’Ukraine ou non, ou à qui revient la faute, mais plutôt de savoir si oui ou non on veut avoir les moyens de nos ambitions et être cohérents avec l’agenda qu’on se donne.
[1] M. G. « Énergie : Emmanuel Macron appelle à « rentrer collectivement dans une logique de sobriété ». TF1 info. https://www.tf1info.fr/politique/energie-electricite-gaz-et-guerre-en-ukraine-russie-emmanuel-macron-appelle-a-rentrer-collectivement-dans-une-logique-de-sobriete-2226394.html
[2] Pirro, R. « Turbines de Gazprom : Turdeau défend la décision de contourner les sanctions ». Journal de Montréal. https://www.journaldemontreal.com/2022/07/19/turbines-de-gazprom-trudeau-defend-la-decision-de-contourner-les-sanctions
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