Trump et les Républicains contre l’accord sur la sécurité des frontières

Tandis que la crise frontalière s’impose comme thème central de l’élection présidentielle de 2024, un comité sénatorial vient de soumettre un projet de loi intitulé « Emergency National Security Supplemental Appropriations Act » [Loi sur les crédits supplémentaires d’urgence pour la sécurité nationale]. Joe Biden s’était prononcé en faveur de l’accord avant même sa divulgation. L’implication du sénateur sénior de l’Oklahoma, James Lankford, un Républicain, permet de présenter l’initiative comme « bipartite ». Toutefois, le Parti Républicain de l’Oklahoma a vite fait de condamner son sénateur, l’accusant de jouer le jeu des Démocrates et de mettre la sécurité des Américains en danger.

L’accord, qui totalise 118 milliards de dollars, ne se concentre pas exclusivement sur la frontière. Il comprend l’allocation de 60 milliards de dollars pour l’Ukraine, 14 milliards de dollars pour Israël et 10 milliards de dollars pour l’aide humanitaire, notamment à Gaza. 20 milliards de dollars sont alloués à la sécurité des frontières et au système d’immigration, 3 fois moins que le montant accordé à l’Ukraine. S’il s’agit d’un dossier prioritaire, pourquoi l’adjoindre à d’autres causes? Pourquoi assujettir un projet de loi sur la crise migratoire au financement à l’Ukraine sachant que les élus Républicains de la mouvance MAGA/ America 1st réclament des projets de loi à sujet unique et qu’ils sont réticents à débourser davantage en aide financière pour l’étranger?

On pourrait penser qu’on tente de les amadouer avec la sécurisation de la frontière pour qu’ils consentent à envoyer une somme colossale à Kiev, mais encore faudrait-il que les provisions de l’accord soient fermes.

Les seuils invraisemblables qui avaient fuité d’une version préliminaire se sont avérés: le Secrétaire à la Sécurité intérieure « pourra activer le pouvoir d’urgence aux frontières si, pendant une période de 7 jours calendaires consécutifs, il y a une moyenne de 4 000 étrangers rencontrés chaque jour ». Outre, il sera dans l’obligation de l’activer seulement si le nombre d’étrangers interpelés atteint 5 000 dans une même période, ou encore 8 500 en une seule journée. C’est écrit noir sur blanc en pages 211 et 212 du projet de loi. Et comme si les seuils proposés n’étaient pas déjà démesurément élevés, les mineurs non accompagnés sont exemptés du compte – idem pour certaines victimes du trafic humain.

Cette loi ne permettrait pas au Secrétaire à la Sécurité intérieure d’intervenir à moins qu’on enregistre 4,000 entrées illégales par jour [ce qui équivaut à 1,460,000 dans l’année]. Après 9 millions d’entrées illégales depuis le début de la présidence Biden, un seul migrant de plus en est un de trop dans l’esprit de beaucoup d’Américains. Une loi qui en tolère encore plusieurs milliers par jour est reçue comme un profond mépris de la part de l’establishment. Nombre d’élus Républicains ont déjà décrié l’accord comme une vraie farce. Donald Trump aussi. L’adoption du projet de loi dépend du nombre de Républicains de l’establishment qui voteront avec les Démocrates dans l’une et l’autre des chambres.

Comme si ces mesures n’étaient pas déjà excessivement laxistes, le Président pourrait aussi ordonner au Secrétaire de suspendre temporairement le recours à l’autorité d’urgence à la frontière s’il estime que c’est dans l’intérêt national. À quoi sert un acte de loi s’il demeure assujetti au pouvoir discrétionnaire du Président?

L’essentiel à comprendre, c’est qu’un Président n’a même pas besoin de l’adoption d’un tel projet de loi pour intervenir. Beaucoup de décisions sont prises au moyen de décrets présidentiels. C’est d’ailleurs ainsi que Joe Biden avait renversé des mesures prises par son prédécesseur. Le 2 février 2021, il a signé trois ordres exécutifs [14010, 14011 et 14012] qui révoquaient les politiques d’immigration de Donald Trump d’un simple trait de plume.

Guerre des perceptions: le camp Démocrate et ses médias n’ont pas tardé à manipuler l’affaire pour donner l’impression que ce sont les Républicains pro-Trump qui s’opposent à prendre des moyens fermes pour sécuriser la frontière.

« Le Parti Républicain craint davantage de travailler avec Biden que de résoudre la crise frontalière », titre le Daily Beast. « Les Républicains sensés qui veulent travailler pour le peuple américain savent que le président a apporté beaucoup de choses sur la table. Mais les MAGA qui travaillent pour Trump ne l’appuieront pas ».

Vox pousse l’audace encore plus loin : « les Démocrates tentent de faire adopter un projet de loi de droite sur les frontières, mais le Parti Républicain ne les laisse pas faire ».

Il n’y a pas que les publications gauchistes. L’école de journalisme Poynter Institute publie une vérification des faits: « Non, le projet de loi du Sénat sur l’immigration n’autorise pas quotidiennement 5 000 personnes à entrer illégalement aux États-Unis. Il permet à l’administration Biden d’interdire à la plupart des migrants de demander l’asile si l’immigration clandestine à la frontière atteint un nombre précis par jour.»

Poynter y va d’une contorsion intellectuelle: « le projet de loi oblige le secrétaire à la Sécurité intérieure à recourir à une autorité d’urgence pour interdire aux personnes de demander l’asile si les autorités enregistrent 5,000 rencontres par jour pendant sept jours consécutifs – mais ce n’est pas la même chose que d’accepter quotidiennement 5,000 personnes aux États-Unis ». On joue sur les mots. De n’entreprendre aucune action en dessous d’un seuil d’entrées illégales déterminé implique qu’on tolère ce nombre d’intrusions.

Maintenant qu’ils inversent le réel pour faire porter le blâme de la crise migratoire sur les Républicains, les Démocrates et leurs alliés emploient enfin le terme « invasion ». Dire qu’en 2021, Newsweek publiait un article dans lequel la crise migratoire était présentée comme un mensonge poussé par les Républicains.

Joe Biden blâme carrément Donald Trump pour le rejet attendu du projet de loi par les législateurs Républicains. Biden tente de convaincre les électeurs que Trump cherche à faire perdurer la situation à la frontière, parce que la crise l’avantage. Il va jusqu’à accuser son rival d’intimider et de menacer les élus Républicains pour qu’ils rejettent l’accord. Sauf que les Républicains n’ont pas besoin des pressions de Donald Trump pour comprendre que d’appuyer cet accord se solderait en véritable suicide politique.

La gestion de la frontière expose la mauvaise foi de l’administration Biden et des Démocrates, qui n’ont appliqué aucune mesure dissuasive pour contrer l’invasion migratoire. La situation interpelle beaucoup d’Américains « ordinaires » qui prennent conscience des conséquences néfastes sur leurs communautés, notamment dans les grandes villes sanctuaires contrôlées par les Démocrates. Réagissant aux cartes de crédit prépayées distribuées aux migrants par la ville de New York via une publication Instagram, le rappeur 50 Cent a suggéré que Trump était peut-être la solution. Après avoir vu des clandestins attaquer la police de New York, l’humoriste de gauche Michael Rapaport, connu pour ses sorties contre Trump, a déclaré qu’un vote pour Trump faisait désormais partie des options. La crise migratoire se profile-t-elle comme le Waterloo de l’administration Démocrate?

Ophélien Champlain

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