L’alliance entre Donald Trump et Elon Musk, autrefois perçue comme une synergie puissante entre politique, technologie et esprit d’entreprise, a récemment volé en éclats. Le déclencheur : la « One Big Beautiful Bill », un projet de loi budgétaire massif promu par Trump, que Musk a qualifié de « disgusting abomination ».
Cette loi, présentée comme une victoire politique par l’administration Trump, combine baisses d’impôt, hausses des dépenses militaires, réductions dans les programmes sociaux et suppression de plusieurs subventions aux véhicules électriques. Mais au-delà des mesures économiques, c’est une fracture idéologique qui s’est ouverte dans la droite américaine — entre nationalisme économique et libertarianisme technophile.
Elon Musk, fondateur de Tesla et ancien directeur du Département de l’Efficacité Gouvernementale (DOGE), s’inquiète publiquement de l’impact budgétaire du texte. Il estime que la loi, sous couvert de patriotisme fiscal, masque en réalité une explosion des dépenses et un creusement dramatique du déficit. Plusieurs analystes indépendants confirment d’ailleurs que la mesure pourrait alourdir la dette fédérale de plus de 3 000 milliards de dollars sur dix ans.
Musk rappelle qu’il avait entrepris, à travers le DOGE, de couper dans les dépenses inefficaces à hauteur de 160 milliards de dollars. À ses yeux, cette loi annule en quelques pages des mois d’efforts de rationalisation budgétaire.
Par ailleurs, les coupes dans les crédits d’impôt pour l’achat de véhicules électriques — notamment le retrait du crédit de 7 500 $ sur plusieurs modèles — sont perçues par Musk comme une attaque directe contre l’innovation verte et contre Tesla lui-même. Il considère ce recul comme un sabotage de la compétitivité américaine dans un secteur d’avenir.
Il faut donc reconnaître que sur le fond budgétaire, Musk pose de réelles questions. Et il n’est pas illogique de s’interroger sur la pertinence pour Trump de se vanter d’un projet de loi aussi énorme — et aussi peu cohérent — dans un contexte d’endettement massif.
Toutefois, Elon Musk n’en est pas resté là. Il a approuvé sur X une publication du journaliste malaisien Ian Miles Cheong appelant à la destitution de Donald Trump et à son remplacement par JD Vance. Il est aussi allé jusqu’à déclarer que Trump ferait partie des « fichiers classifiés » liés à Jeffrey Epstein, insinuant que cette implication expliquerait pourquoi certaines informations n’ont toujours pas été rendues publiques.
Utiliser une “arme nucléaire” comme Epstein dans un conflit politico-économique, c’est en quelque sorte franchir une ligne rouge. D’autant que les faits, eux, demeurent relativement clairs : oui, Trump a connu Epstein dans les années 1990, comme de nombreuses figures du monde des affaires. Son nom apparaît dans certains carnets de contacts et flight logs, notamment pour des vols entre Palm Beach et New York, parfois en compagnie de sa famille. Mais aucune preuve ne le relie aux crimes commis par Epstein, et aucune accusation n’a été portée contre lui.
Il a même été rapporté — bien que de manière indirecte — que Trump aurait banni Epstein de Mar-a-Lago en 2007 pour comportement inapproprié envers une jeune femme membre du club. Ce geste, s’il est avéré, tranche d’ailleurs avec l’attitude passive de bien d’autres figures compromises dans l’affaire.
Si des révélations graves existaient, il est raisonnable de penser que ses adversaires — que ce soit Hillary Clinton en 2016, Biden en 2020 ou les grands médias — s’en seraient saisis. Le fait que cela n’ait pas été le cas n’innocente pas automatiquement Trump, mais relativise fortement les insinuations de Musk.
En choisissant cette ligne d’attaque, Musk ne cherche plus à débattre des orientations énergétiques ou fiscales du gouvernement, mais à porter un coup fatal à la réputation personnelle de Trump, dans une escalade qui évoque moins une alerte démocratique qu’une vengeance mêlée de panique boursière.
Ce clash révèle aussi une autre vérité : Elon Musk devient de plus en plus gênant pour le camp conservateur.
Il n’est pas un homme politique. Il n’est pas non plus un faiseur d’unité. Il est un milliardaire excentrique, libertarien, technophile et imprévisible, qui alterne les positions contradictoires selon ses intérêts industriels. Il avait soutenu Trump, rétabli la liberté d’expression sur X, et lancé le DOGE dans un esprit de réforme. Mais au lieu de jouer un rôle d’architecte sérieux dans la reconstruction administrative, il a multiplié les provocations médiatiques, les apparitions débraillées à la Maison-Blanche et les prises de position clivantes sur l’immigration qualifiée, l’intelligence artificielle ou les visas d’experts.
Son style tapageur, ses casquettes voyantes dans le Bureau ovale, sa volonté de coloniser Mars, les noms futuristes de ses enfants, sa tendance à tout automatiser, tout numériser, tout rationaliser — tout cela tranche avec la culture politique conservatrice plus enracinée, régalienne et patriotique de Trump.
Il n’est pas un rassembleur. Il est une figure polarisante, à l’image de sa technologie.
Et aujourd’hui, il ne semble plus défendre une vision pour l’Amérique… mais plutôt une ligne de production de batteries au lithium.
Au-delà des postures, des tweets vengeurs et des intérêts économiques, la présence croissante d’Elon Musk dans la sphère politique américaine a aussi éveillé une inquiétude plus théorique dans certains cercles intellectuels. Des commentateurs — surtout issus de la gauche, mais parfois aussi de la droite institutionnelle — s’interrogent sur le rôle grandissant de la tech élite libertarienne dans la refonte des institutions américaines.
Certains y voient une forme émergente de néo-féodalisme numérique, où les grands entrepreneurs technologiques comme Musk, Peter Thiel ou Marc Andreessen agissent comme de nouveaux seigneurs, disposant de leurs propres plateformes, infrastructures de communication, satellites, réseaux sociaux, monnaies et, parfois, de leur propre influence politique.
Le nom qui revient souvent dans ces discussions est celui de Curtis Yarvin, théoricien néo-réactionnaire qui prône une forme de gouvernement post-démocratique dirigé par un « CEO-roi » — figure technocratique incarnée par un dirigeant fort, non élu, mais efficace. Yarvin est cité comme influence intellectuelle de Peter Thiel, et ses idées circulent dans certains cercles proches de JD Vance, devenu aujourd’hui vice-président de Trump. Difficile de dire si Musk y adhère réellement, mais son comportement erratique et sa présence dans les hautes sphères de l’exécutif s’en rapprochent dangereusement.
Et dans cette optique, il est particulièrement opportun — ou révélateur — que Musk appelle à remplacer Trump par JD Vance : une figure supposément plus proche de Thiel et des cercles de Yarvin.
Sur le fond économique, Musk a raison de s’inquiéter du poids budgétaire d’un projet de loi aussi gargantuesque. Il est légitime de remettre en question la direction prise, même par un allié, lorsque les principes fondateurs du mandat sont en jeu. Il est même sain que des voix divergentes existent dans le camp de droite.
Mais sa manière de le faire trahit une immaturité politique et une déconnexion des enjeux de souveraineté et de cohésion.
Aujourd’hui, c’est bien le constructeur de voitures électriques en lui qui ressort. Un industriel furieux que la transition verte ne suive pas sa feuille de route. Un homme qui, après avoir feint de ne pas voir que Trump allait opérer un recentrage énergétique, se scandalise brusquement comme s’il l’apprenait.
À court terme, cela risque d’affaiblir les deux hommes. Mais disons que Trump a prouvé maintes fois être une figure politique extrêmement résiliente – même aux attaques les plus vicieuses -, alors si j’étais Musk, j’y repenserais à deux fois avant d’essayer de le faire destituer…
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